Nathalie Cooren, Kligenthal, Juin 2007
Une redéfinition du rôle des armées face à de nouvelles menaces dans un monde interdépendant…
De nouvelles menaces dans un monde interdépendant.
Le 20ème et le 21ème siècle ont été les témoins de mutations profondes dans tous les domaines : social, économique, politique, géopolitique…. A l’équilibre des puissances de l’époque de la Guerre Froide a succédé l’explosion de conflits complexes, souvent civils, avec d’importantes pertes humaines. A l’heure actuelle, en effet, les conflits inter-étatiques régressent au profit de crises et troubles mettant en cause de façon bien plus courante la population civile. Le terrorisme - pouvant atteindre n’importe qui, n’importe où et n’importe quand - est un exemple révélateur des nouvelles menaces de notre temps. Parallèlement, l’essor des moyens de communication, les avancées technologiques ainsi que la mondialisation ont favorisé l’universalisation de valeurs comme les droits de l’Homme, la démocratie, et le marché. Les procédés économiques et technologiques associés, ont entraîné une plus forte interdépendance tant au niveau régional que mondial. En conséquence, la sécurité, tout comme l’insécurité, sont globales, même si elles se manifestent différemment entre les régions et les pays.
Un nouveau concept de sécurité doublé d’une redéfinition des missions des armées.
Dans cet environnement interdépendant ou sévissent des menaces bien moins palpables, bien plus trans-nationales, deux transformations majeures ont eu lieu : l’apparition d’un nouveau concept de sécurité et la redéfinition du rôle des armées.
Une vision renouvelée du concept de sécurité :
Dans son Rapport du Millénaire intitulé « Nous les Peuples – Le rôle des Nations Unies au 21ème siècle », le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, indique que le monde se dirige vers un nouveau concept dit de « sécurité humaine » : « Alors que naguère il consistait à défendre le territoire contre les attaques extérieures, il s’agit aujourd’hui de protéger les communautés et les individus des actes de violence interne. » Ce nouveau concept englobe sept catégories de menaces qui touchent aux différents domaines d’action : la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité de l’environnement, la sécurité personnelle, la sécurité de la communauté et enfin, la sécurité politique.
La défense d’un peuple, précédemment jugée comme étant du ressort souverain des Etats individuels, devient potentiellement l’affaire de la communauté internationale. Ce nouveau concept traduit ainsi non seulement l’interrelation entre les individus mais aussi, plus généralement, la nature interdépendante du monde… Il met également en lumière la complexité des questions de sécurité, renforçant par conséquent la nécessité de réactions plurielles.
Le nouveau rôle des militaires dans les sociétés modernes :
Parce que le monde a changé, les conditions de fonctionnement et les missions des forces armées ont, elles aussi, profondément évolué dans les pays occidentaux comme dans les démocraties émergentes d’Asie centrale. De nos jours, les militaires n’attendent plus que l’ennemi apparaisse à l’horizon ; leur attention est dirigée vers d’autres tâches telles les missions - dites de « basse intensité » - de maintien ou de rétablissement de la paix des Nations Unies, de l’OTAN ou de l’Union européenne, ou la lutte contre le terrorisme ou bien encore, l’assistance aux autorités civiles en cas de catastrophes naturelles. Ces tâches relativement nouvelles au lendemain de la Guerre Froide, ont entraîné une importante réorganisation des forces armées et une forte professionnalisation des instruments militaires allant dans certains pays comme la France, jusqu’à la suppression du système de conscription. L’objectif était de « transformer » des armées, inutilement encombrantes, en unités pouvant être rapidement déployées et capables d’opérer à travers le monde entier. Ce phénomène a largement contribué à l’indifférence grandissante des citoyens vis-à-vis de leur défense nationale….
Un rapprochement entre civils et militaires, devenu indispensable.
Il est évident que face à de telles mutations, le rapprochement entre militaires et civils devient essentiel, les uns et les autres occupant de plus en plus les mêmes théâtres d’opération au service d’une même cause !
Aujourd’hui, le défi principal consiste donc à promouvoir une conscience de sécurité et de défense, fondée sur des valeurs partagées entre sociétés civiles (démocratiques) et officiers servant dans les forces modernes. Plus encore, il s’agit de favoriser l’émergence d’une communauté mondiale, capable de concevoir et de conduire les mutations majeures de la gouvernance, du développement et de l’universalisation du droit humanitaire.
Dans ces conditions, deux chantiers deviennent prioritaires :
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Oeuvrer pour une compréhension partagée entre citoyens et militaires des risques et des menaces sur la paix et le progrès social global de l’humanité. Seule cette compréhension partagée peut permettre une prise de conscience du caractère indispensable des militaires dans la société (et d’octroyer par là-même, les moyens financiers nécessaires à leur action). (1)
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Tendre vers une étroite coopération (sécuritaire) entre les différents pays. En ce sens l’expérience de l’Europe demeure un exemple historique qui mérite d’être étudié avec attention. (2)
Notes
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(1) : Voir fiche : « La nécessité d’une compréhension partagée entre citoyens et militaires des risques et des menaces sur la paix et le progrès social global de l’humanité. »
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(2) : Voir fiche : « La nécessité de tendre vers une étroite coopération (sécuritaire) entre les différents pays. »