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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Paris, 2008

La mobilisation de la société civile latino-américaine par le biais des ONG en vue d’une réinvention du pouvoir et d’une restructuration de la paix sociale de l’intérieur.

Etude réalisée à partir du phénomène des Favelas du Brésil.

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Introduction

« Les ONG prennent de plus en plus part aux processus de développement économique et social ». La Banque Mondiale.

Les O.N.G sont des émanations civiles qui essaient de pallier à certaines défaillances d’un système politique national. Leurs actions peuvent être ponctuelles notamment par une aide apportée à une population civile en temps de guerre mais elles peuvent aussi s’inscrire sur une longue durée. Ainsi les ONG s’occupent des secteurs divers tels que celui de la santé, du social, de l’économique ou encore du politique. Les membres sont toujours plus spécialisés afin de mener le plus efficacement possible les missions. L’Amérique Latine possède un grand nombre d’organisations civiles mais elles ne sont pas toutes accréditées par l’ONU. En effet, on assiste actuellement à une augmentation du nombre d’ONG à but lucratif ou à des ONG qui ne sont que des émanations de l’Etat. Les ONG se substituent-elles à l’Etat? Nous essaierons de répondre à cette problématique en déterminant les actions des ONG à l’échelle de l’Amérique Latine mais aussi à une échelle locale en prenant l’exemple des favelas.

I. Une place privilégiée entre l’Etat et la société civile.

A. Logique institutionnelle / logique professionnelle

Certaines ONG ont une logique institutionnelle : elles agissent comme un lobby en faisant pression sur les politiques. Leur but est de faire bouger les choses à grande échelle, elles vont s’atteler à défendre les doits du citoyen au nom de valeurs démocratiques.

Qui dit démocratie, dit dialogue, le peuple manquant d’outils pour atteindre le politique, l’ONG va faire l’intermédiaire. Sorte de « médiateur démocratique », elle va rapporter aux politiques les besoins du citoyen. Ainsi, elles doivent être attentives aux besoins de celui-ci, en ne tombant pas dans la tentation d’imposer leur point de vue. « Agir local, penser global », tel est en quelque sorte la démarche de ces ONG qui de ce fait vont intervenir essentiellement dans des domaines qui concernent la gestion publique si bien que chaque action même si elle est menée de façon locale, aura des répercutions bénéfiques sur toute la société.

El Equipo Nacional de Pastoral Aborigen (Equipe Nationale de Pastoral Aborigène) est un exemple parlant de ce genre d’ONG. Basée en Argentine, elle va intervenir dans les domaines suivants :

  • La défense des communautés indigènes face à des violations de droit ;

  • La formation au droit des communautés en général et des promoteurs en droit en particulier ;

  • L’accompagnement et l’appui aux luttes portées par les peuples indigènes dans le but d’aboutir à des adaptations, des transformations de l’ordre juridique (réformes des constitutions nationales et provinciales, adoption de nouvelles lois, réformes judiciaires, etc.).

Les ONG institutionnelles ont pour particularité d’être constituées non pas par des professionnels du milieu associatif, mais par des bénévoles ayant d’autres professions et qui vont donc apporter leur compétence à l’ONG à laquelle ils adhèrent. Dans le cas d’El Equipo Nacional de Pastoral Aborigen, elle est constituée d’équipes pluridisciplinaires dont des juristes qui accompagnent de manière régulière environ 200 communautés indigènes dans tout le pays. La logique institutionnelle tend à s’inscrire dans la durabilité car elle pousse les politiques à changer les fondements même de la société par la réforme ou la création de loi en faveur des droits du citoyen, c’est en ce sens qu’elles agissent comme des lobbys.

A l’inverse, les ONG aux logiques professionnelles, vont favoriser des actions plus ponctuelles. Ces ONG aux logiques professionnelles vont intervenir dans des domaines plus logistiques. « La logistique représente l’ensemble des opérations qui permettent de mettre à disposition la bonne quantité de produits au bon moment à moindre coût là où une demande existe » : campagnes de vaccination, construction de postes de santé, la construction de puits, de réseaux de distribution d’eau, fourniture de matériel, mobilier et manuels scolaires,etc.

Mais la couverture géographique de ce genre d’ONG coïncide mal avec les lieux de la pauvreté extrême. Tout comme les services gouvernementaux, elles ont tendance à se situer dans des zones dynamiques, qui sont aussi celles où les demandes des populations sont exprimées avec le plus d’insistance à l’image de la ville de Puno au Pérou.

B. Entre Congo et Pongo

Les Etats ont bien compris le pouvoir que détenaient désormais les ONG sur les populations. Grand nombre d’entre elles sont à l’origine de mouvements sociaux, de plus, grâce à leur rapport privilégié avec les citoyens, elles vont constituer une manne électorale. Ainsi contrôler les ONG, c’est contrôler une bonne partie du peuple, dès lors il y a un grand risque pour ces ONG de se transformer en Gongo, c’est-à-dire en organisation non gouvernementale à influence gouvernementale.

Cette tentation va être plus particulièrement forte pour les ONG institutionnelles. En effet, elles vont avoir une promiscuité accrue avec les politiques du fait de leur action en qualité de lobby. De plus, ses membres n’étant pas des professionnels du milieu associatif, ils ne sont pas à l’abri de faire le choix d’une alliance politique afin de favoriser une évolution professionnelle et parfois même une carrière politique.

Au Venezuela, par exemple, un projet de loi permettrait aux responsables du gouvernement de choisir les organisations non gouvernementales susceptibles de percevoir des fonds internationaux. L’adoption d’un tel projet serait non seulement une tentation pour les ONG d’adapter leur discours et projets aux tendances politiques ambiantes mais également de faire des concessions en vue d’obtenir un financement, aux points de dénaturer leur projet. Cette question du financement est essentielle pour les ONG à logique professionnelle.

II. L’action des ONG dans les Favelas du Brésil

Le Brésil est le pays le plus vaste mais aussi le plus peuplé de l’Amérique Latine. Il est pourvu d’une forte croissance économique mais malgré ce dynamisme certain le pays souffre de profondes inégalités sociales. En effet, les plus riches côtoient les plus pauvres et ce phénomène est particulièrement frappant dans l’ancienne capitale, Rio de Janeiro, où les résidences luxueuses juxtaposent les quartiers populaires : les favelas. Nous essaierons alors de déterminer les caractéristiques d’une favela puis nous examinerons les réponses qui peuvent être apportées à ce phénomène en déterminant certains acteurs sociaux qui sont notamment les Organisations Non Gouvernementales. Il est effectivement frappant de voir l’incapacité des Politiques à opérer des améliorations concrètes des conditions de vie dans les favelas. Il semble alors intéressant de se pencher sur le rôle des ONG qui essaient au mieux de pallier à un phénomène qui perdure.

A. La favela, un ensemble géographiquement marginalisé

Les favelas sont décrites dans le dictionnaire Aurelio comme « un ensemble d’habitations populaires grossièrement construites et dépourvues de moyens d’hygiènes », juridiquement ce sont des logements illégaux car la grande majorité des résidents ne possèdent aucun titre de propriété. Cette caractéristique distingue les favelas des barrios, certes les habitats sont tout aussi populaires mais les propriétaires sont enregistrés auprès du fisc. Les barrios sont alors considérés comme des habitations conformes à la loi, cela à la différence des favelas.

Le manque d’existence légale des favelas représente une menace pour les habitants dans le sens où ils peuvent subir à tout instant des expulsions. Rappelons que dès 1964 avec l’arrivée du régime dictatorial, de nombreuses expulsions autoritaires et violentes des habitants des différentes favelas eurent lieu. Les gouvernements brésiliens successifs ont essayé au mieux de résoudre le problème de ces habitats illégitimes mais les différents modèles de politiques adoptés furent rarement de type social. En effet, il y eut au fil du temps une oscillation entre politiques d’expulsions et politiques de réhabilitations. Depuis quelques années, les hommes politiques ont pris conscience de l’enjeu politique des favelas car elles constituent une immense réserve d’électeurs facilement achetables par de vagues promesses. Depuis mars 2008 une avancée notable des conditions de vie a été opérée grâce à l’actuel président : Luz Inacio Lula de Silva. Ce dernier a adopté un programme d’assainissement des quelques sept cents favelas de Rio de Janeiro. Ce « programme d’accélération de la croissance » prévoit entre autres :

  • L’amélioration des conditions de vie des favelas par un projet d’intégration qui planifie des investissements en millions de dollars ;

  • Des régularisations de titres de propriété ;

  • Et enfin une chasse aux trafiquants de drogues qui depuis les années 1980 ont pris refuge dans les favelas et instaurent leurs lois.

Mais les habitants des favelas restent désocialisés car leurs conditions de vie demeurent inacceptables. En effet, les habitats sont souvent inachevés par manque d’argent et certaines maisons sont construites à l’aide de matériaux de fortune tels que le bois ou encore le carton. De plus les favelas sont marginalisées géographiquement car elles se situent sur les collines de Rio de Janeiro ou en périphérie de la ville. Le manque d’électricité, les coupures d’eau ou les égouts bouchés sont des phénomènes fréquents, il y a en définitive une totale absence d’infrastructures et de services publics. Les favelas souffrent aussi d’un réel problème d’insécurité et cela limite toutes les politiques de réhabilitations. Il y a eu ces dernières années une recrudescence de la violence notamment par l’augmentation des assassinats, des vols à main armée, des enlèvements … Cela peut s’expliquer par la présence de nombreux gangs mais aussi par l’action des services de police ou des forces de sécurité. Les policiers sont facilement corruptibles et les bavures sont fréquentes. Le 3 avril 2008, la police de Rio de Janeiro a annoncé avoir tué dix membres de gang présumés au cours d’un raid dans une favela de l’ouest de la ville mais quelques habitants ont aussi été tués ou blessés par « erreur ». Les policiers sont les principaux acteurs d’homicides, ils seraient responsables de trois morts par jours dans le pays. En définitive, la favela reste malgré les politiques de réhabilitations un ensemble séparé du reste de la ville à cause de son apparence anarchique due aux multitudes d’escaliers et aux ruelles étroites. Certaines parties de la favela ne sont pas bétonnées et plus on pénètre dans cette dernière plus l’habitat devient précaire. La favela suscite aussi la peur des autres habitants de la ville notamment à cause de l’emploi du terme de « marginaux » par les médias.

Ces derniers n’hésitent pas à associer la marginalité avec la pauvreté, l’exclusion sociale mais aussi la criminalité. Pourtant les habitants des favelas sont pour la plupart des personnes possèdent aucun titre de propriété. Cette caractéristique distingue les favelas des barrios, certes les habitats sont tout aussi populaires mais les propriétaires sont enregistrés auprès du fisc. Les barrios sont alors considérés comme des habitations conformes à la loi, cela à la différence des favelas pauvres qui ne peuvent espérer avoir accès à un logement plus décent. Les favelas regroupent le tiers de la population de Rio de Janeiro qui subissent des conditions insalubres et précaires.

Les favelas sont devenues pour les touristes une curiosité à voir, en effet des visites guidées sont organisées moyennant une trentaine de dollars. Le touriste peut alors explorer les plus grandes favelas de Rio notamment celle de Rocinha qui dénombre actuellement 150 000 habitants.

Les favelas ont acquis un réel succès par le biais de films ou de séries. « La Cité de Dieu » du réalisateur Fernando Mireilles racontant la vie d’un criminel en devenir d’une favela a rencontré un succès mondial et les Européens se sont pressés dans les favelas pour constater la véracité des éléments du film. Le « favela tour » se fait par van avec un maximum de neuf personnes et la visite dure une demi-journée. Les visiteurs ne peuvent pas prendre de photos sans l’autorisation des gangs. Une partie des revenus générés par les visites est investie dans des projets sociaux, ce qui amène les agences de voyager à qualifier ce voyeurisme de « tourisme social ».

B. L’action des ONG dans les favelas

Face à cette situation chaotique et à la faillite de l’Etat dans ce domaine, la société civile va prendre le relais au travers des ONG. Prenons l’exemple de l’action du Comité International de la Croix Rouge qui oeuvre dans les quartiers populaires du Brésil depuis 1991. L’intention de cette ONG est de sensibiliser les jeunes à la violence, cela se fait par le moyen de vidéos, photographies ou récits représentants des scènes de violences. La finalité de ce procédé est d’inculquer les notions du Bien et du Mal aux jeunes des favelas, ces derniers doivent apprendre à dialoguer sans user de la violence ou de la force. Un grand nombre de jeunes Brésiliens quittent tôt l’école et n’ont pas accès au marché du travail. La Croix Rouge essaie alors de les faire réagir au réel besoin de poursuivre une scolarité pour ne pas être tenté de rentrer comme leurs aînés dans la spirale de la violence ou dans les gangs.

La Croix Rouge mène en parallèle un travail d’intégration de certaines normes des droits de l’homme aux forces policières qui sont, comme nous l’avons vu en première partie, les auteurs de nombreuses violences. Ce programme a permis de former plus de 1000 instructeurs de police dans le pays et en 2006 la Croix Rouge a obtenu certaines modifications des programmes suivis par les policiers notamment pour l’usage des armes à feux qui étaient utilisées trop fréquemment.

Enfin la Croix Rouge a choisi d’enseigner aux habitants des favelas les gestes de premiers secours afin de permettre aux locaux de soigner en urgence toutes personnes blessées sans devoir attendre l’arrivée du SAMU. Il est souvent très difficile pour les ambulanciers de circuler librement dans les favelas, les notions de premiers secours sont alors indispensables à connaître pour les habitants des favelas. Selon un médecin de la ville de Rio de Janeiro, « il y a des endroits dans les favelas, où les ambulances ne peuvent pas entrer pour des raisons d’espace, mais aussi à cause des luttes de pouvoir. Les véhicules du SAMU ne s’y hasardent que si la personne qui fait appelle à leurs services demande une autorisation préalable au groupe armé local. De jour, c’est plus facile, mais de nuit, ça pose plus de problèmes ». Ce témoignage montre toute la difficulté des habitants à accéder aux services de santé d’urgence, l’action de la Croix Rouge a alors permis de former des locaux capables de donner une assistance immédiate. Mais il ne faut pas voir dans l’action sociale seulement une démarche des ONG internationales. En effet, de nombreuses ONG locales sont présentes dans les favelas. Leur priorité n’est pas de bouleverser les quartiers en les normalisant avec le reste de la ville mais plutôt de les faire accepter en tant que lieu comprenant des richesses humaines, une histoire et surtout une diversité culturelle. La plupart des habitants des favelas n’ont aucune connivence avec les gangs ou le groupes mafieux, ils sont seulement victimes de la loi du plus fort. Les ONG et associations locales ont alors essayé de démontrer qu’une favela ne rime pas seulement avec violence et pauvreté.

En 2001, l’ONG Viva Rio crée le projet Viva Favelas qui est « le premier portail brésilien conçu exclusivement pour exprimer les besoins et défendre les intérêts des communautés défavorisées ». L’équipe de Viva Favela est composée de journalistes, de reporters et de photographes résidants pour la grande majorité au sein même des favelas. Le site internet est accessible en plusieurs langues, ce qui permet de diffuser les informations à travers le monde. La favela n’est alors plus seulement considérée comme un lieu d’agressivité mais aussi comme un lieu de création artistique. Les reportages mis en ligne permettent d’informer les habitants des quartiers populaires sur la culture, la santé mais aussi la politique et les actions de certains gangs sont dénoncées.

Les ONG locales permettent aux nombreuses associations de citoyens de se faire connaître mais le mouvement associatif brésilien reste très fragmenté. Une autre alternative pour obtenir des concessions du gouvernement est le clientélisme, ce procédé est utilisé par les associations en périodes électorales. Les associations assurent le soutien des habitants à un candidat, en échange ce dernier devra procéder à des améliorations. Mais ce système n’est pas fiable car de nombreuses promesses ne sont pas tenues après élection. De plus, les mouvements associatifs ont tendance à s’essouffler à cause des déceptions car les favelas restent toujours un ensemble marginalisé et séparé du reste des villes.

Au regard de ce qui précède, nous pouvons affirmer qu’au niveau régional, les ONG ne se substituent pas à l’Etat. L’Etat à besoin des ONG pour établir un lien, un dialogue avec le peuple, mais également pour pallier à ses manquements en matière de politique publique et sociale et les ONG ont besoin que l’Etat les légifère, les subventionnent, pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions. Il y a ainsi entre eux une relation d’interdépendance quand elles ne sont pas perverties par des dérives de types Gongo et Bongo. A l’échelle locale, l’exemple de l’action des ONG dans les favelas, a permis à une population exclue de se faire entendre mais une fois encore les avancées restent limitées. Les favelas restent encore pour les Brésiliens et les étrangers un lieu de pauvreté, de violence et d’exclusion. Mais l’action des ONG locales est tout de même à féliciter car elles ont réussi où l’Etat a failli, c’est-à-dire à réhabiliter socialement une grande partie des habitants des favelas.

Les nouvelles organisations qui voient le jour se construisent en rupture avec un modèle de type féodal traditionnel et souhaitent ainsi adopter une structure différente de celle des partis politiques, principaux instruments de ce système.

Henry Veltmeyer met en avant deux modalités du changement et du développement en Amérique latine (Henry Veltmeyer est professeur de sociologie et d’études internationales du développement à l’Université St. Mary d’Halifax, Canada. Les propos rapportés ici sont issus d’un rapport préparé dans le cadre du projet de l’Institut sur les Stratégies et mouvements de la société civile pour la redistribution des ressources et pour l’amélioration des conditions de vie rurale. Ce projet, mené entre 2000 et 2003, était dirigé par K.B. Ghimire avec l’aide d’Anita Tombez. CF Civil Society and Social Movements: The Dynamics of Intersectoral Alliances and Urban-Rural Linkages in Latin America).

  • D’abord le dynamisme politique des mouvements sociaux. Les mouvements populaires ont un rôle à jouer sur la scène politique. Ils doivent être au coeur du changement politique.

  • Ensuite le fait que le développement doit venir de l’intérieur et de la base plutôt que de l’extérieur et du sommet. Les changements ne peuvent être imposés par les pays riches, les organisations internationales mais doivent venir de la société civile, par l’intermédiaire d’une action politique sur les instances politiques. « Social progress cannot be stopped with crime or force. History is our and the people make it » Salvador Allende.

Ce rapprochement entre politique et mouvements sociaux est d’autant plus frappant avec l’arrivée à la tête de certains Etats d’Amérique latine de figures nouvelles comme celle d’Evo Morales, personnalité issue d’un mouvement social et élu président de la Bolivie en 2005.

A ce propos il est intéressant de se pencher sur les théories développées notamment par Foucault et Clastres. Ils tentent d’apporter des réponses à la question suivante : Comment réinventer le pouvoir et l’Etat ? Ils mettent ainsi en avant la nécessité d’opérer une « revalorisation de la société civile comme ciment idéologique de la structuration des Etats nations contemporains ». Pour Michel Foucault, il faut faire une distinction entre l’Etat en tant qu’appareil de coercition et le pouvoir en tant que catégorie culturelle. Les divers mouvements sociaux d’Amérique latine affirment que le pouvoir « émane du peuple ». Foucault va plus loin en expliquant que le pouvoir est quelque chose qui « circule », qui « fonctionne comme une chaîne ». Le pouvoir ne se trouve donc pas uniquement dans l’Etat et il faut regarder au-delà de ce dernier pour en trouver les sources.

Pierre Clastres opère la même distinction entre Etat et pouvoir. Il explique ainsi que le pouvoir coercitif de l’Etat n’est pas la seule forme de pouvoir mais seulement une forme parmi d’autre, forme adoptée par l’Occident et considérée comme un modèle. De nombreuses sociétés archaïques fonctionnent sur la base d’un pouvoir collectif sans Etat contrairement aux liens politiques de notre monde moderne qui sont crées par une hiérarchie.

Ces idées développées autour du thème de la relation entre Etat et pouvoir permettent d’expliquer une des caractéristiques majeures des nouveaux mouvements sociaux. Aujourd’hui ces mouvements n’hésitent plus à parler de « réinvention du pouvoir ». Le pouvoir n’est pas uniquement en l’Etat mais aussi et surtout entre les mains du peuple. On assiste ainsi à une re-conceptualisation du pouvoir en réaction à l’inefficacité actuelle des dirigeants politiques. Les revendications des premiers mouvements sociaux ont intégré peu à peu un véritable projet politique et culturel en rupture avec la structure socio-économique

actuelle.

Notes

  • Auteurs de la fiche : OBITA Ludovica, PIDANCET Sophie et STERN Mathilde.