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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Lyon, avril 2006

La disparition forcée de personnes en tant que système répressif ainsi que les tentatives mises en oeuvre pour les éviter et sanctionner ses auteurs et promoteurs

Traduit de l’espagnol par Melle Nathalie Delcamp, Stagiaire à la Mission de Coordination pour les Droits de l’Homme au Ministère des Affaires Etrangères.

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I. Origines et développement

Lorsque les militaires latino-américains ont commencé à faire usage de la pratique des disparitions forcées de personnes comme mode répressif, ils pensaient avoir découvert le crime parfait : conformément à leur inhumaine logique, il n’y avait pas de victime, donc ni coupable, ni délit.

Cette pratique des disparitions forcées est apparue en Amérique latine dans les années 1960. La méthode en tant que telle commence à prendre forme au Guatemala entre 1963 et 1966.

Durant deux décennies, elle s’est répandue au Salvador, au Chili, en Uruguay, en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Pérou, au Honduras, en Bolivie, en Haïti et au Mexique.

Amnesty International, FEDEFAM et d’autres organismes de défense des droits de l’Homme, affirment qu’en un peu plus de 20 ans (1966-1986), 90 000 personnes de différents pays du continent latino-américain, ont été victimes de cette pratique aberrante.

Les disparitions forcées ne sont pas propres aux dictatures militaires. Des pays comme le Mexique, la Colombie ou le Pérou, ayant à leur tête des gouvernements élus démocratiquement, ont connu ou connaissent encore de telles pratiques.

II. Traits caractéristiques de la méthode

La disparition comme mode de répression répond à des objectifs bien précis.

  • a) La clandestinité comme garantie d’impunité. Il n’y a ni auteur, ni victime.

Les enlèvements sont réalisés par des hommes armés dont on ignore l’identité, au volant de voiture sans plaques d’immatriculation et qui conduisent leurs victimes dans des endroits secrets.

  • b) Les interrogatoires sont menés sous tortures physiques et psychologiques, par des professionnels conseillés par des psychologues, des psychiatres et des médecins, tous masqués et dotés de pseudonymes.

L’objectif de la torture n’est pas d’anéantir physiquement la victime, mais d’obtenir des informations.

En réalité, la garantie d’impunité des auteurs de disparition forcée permet non seulement la négation absolue du délit, mais aussi l’invention d’explications grossières (telles que «les disparus sont à l’étranger », ou «ils ont été enlevés par la guérilla »).

  • c) La recherche d’effets « psychosociaux »

Les disparitions forcées ont des effets destructeurs non seulement sur la victime directe, mais également sur la famille de celle-ci, et plus largement, sur l’ensemble de la société qui finit par être totalement paralysée, car elle ignore avec précision quelles sont les personnes visées par cette méthode répressive, que ce soit les activistes politiques ou syndicaux, les soit disant idéologues, les amis, les parents ou tout simplement ceux suspects d’être des sympathisants. De telle sorte que n’importe qui peut être victime d’une disparition forcée.

III. Les disparitions forcées en Argentine

Bien que l’Argentine ait connu avant le coup d’Etat de 1976, des périodes de forte répression généralisée, notamment à l’époque de la dictature militaire de 66 à 73 et des gouvernements péronistes de 1973 à 1976 (1), la méthode des disparitions forcées ne fut que rarement utilisée (2).

C’est à partir du coup d’Etat de mars 1976 qu’elle constitua la principale forme de répression (3). Cette méthode fut adoptée comme politique d’Etat, totalement centralisée par les forces armées et dirigée au plus haut niveau de la hiérarchie militaire. Elle implique le développement de tout un système qui comprend des groupes opérationnels, des centres de rétention, des véhicules, des armes, des déguisements ; mais aussi des médecins et psychiatres qui participent aux interrogatoires.

Ce changement dans le système répressif s’explique notamment du fait que lorsque les militaires arrivent au pouvoir en 1976 ils appliquent des méthodes plus sophistiquées conformes à l’enseignement reçu à l’Ecole des Amériques (4) mais également de militaires français qui leur transmirent leur expérience en Algérie (5).

IV. La disparition forcée comme délit spécifique

La méthode des disparitions forcées viole toute une série de droits inhérents à la personne humaine : le droit à la vie, le droit à la liberté au sens large, le droit à la sécurité ainsi qu’à l’intégrité physique et psychologique, etc. En d’autres termes, la personne disparue est privée de sa personnalité juridique (6) et elle est donc d’office soustraite à la protection de la loi. Il s’agit là d’une véritable privation de justice en ce sens que les recours administratifs ou judiciaires intentés en sa faveur ne donnent aucun résultat. C’est ce qui arrivait de manière systématique en Argentine, où des centaines voire des milliers d’habeas corpus étaient présentés, en vain, en faveur des disparus (7).

L’on est face à un nouveau délit, un crime d’Etat, que les lois en vigueur ne prévoient pas, puisqu’il n’y a ni d’auteur - étant donné que celui-ci ne se manifeste d’aucune manière - ni victime - justement parce que celle-ci a disparu -. Les formes d’enlèvement, de détention arbitraire, de tortures, d’assassinat etc., ne permettent nullement de qualifier juridiquement la disparition.

Il est donc indispensable d’établir un délit pénal spécifique s’agissant du crime de disparition forcée.

La forme la plus semblable à la disparition, l’enlèvement, se différencie de celle-ci car l’auteur, bien qu’il agisse dans la clandestinité, finit généralement par se manifester revendiquant l’enlèvement et imposant une rançon. Le kidnappeur, reconnaît ainsi la personnalité du kidnappé, ce qui n’est pas le cas pour le disparu.

La disparition est également différente de la détention, légale ou illégale, accompagnée de mise au secret, car dans ce dernier cas, si les autorités gardent la victime détenue, parfois sans vouloir en informer l’endroit, elles reconnaissent toutefois la retenir.

V. La disparition forcée en droit international

  • a) Les précédents

La première réaction au niveau international a été celle de l’Organisation des Etats Américains concernant les disparus au Chili suite au coup d’Etat du 11 Septembre 1973. La première demande de la Commission Interaméricaine des droits de l’Homme à l’attention de la dictature militaire chilienne réclamant des explications fut adressée ce même mois de septembre, puis en octobre de la même année 1973 le Secrétaire Exécutif de la CIDH se rendit en visite officielle au Chili.

Dans le cadre des Nations Unies, un fait important – et qui d’une certaine manière explique les décisions prises par la suite – a été la mission réalisée au Chili en juillet 1978 par le groupe de travail ad hoc qui avait été créé en 1975 par la Commission des droits de l’Homme en vue d’enquêter sur la situation des droits de l’Homme dans ce pays. Le rapport de mission fut présenté à l’Assemblée Générale des Nations Unies en octobre 1978 et en décembre de la même année l’Assemblée adopta une résolution sur la question des disparus (8).

En 1979 le Conseil Economique et Social a recommandé l’organisation d’un groupe de travail chargé de la question des disparitions forcées (9), ce qui fut fait par la Commission des droits de l’Homme en 1980 (10). Ce groupe de travail continue de fonctionner aujourd’hui, dans le cadre de la Commission des droits de l’Homme.

La suppression de la Commission des droits de l’Homme et son remplacement par un Conseil des droits de l’Homme décidée par l’Assemblée Générale le 15 mars 2006, laisse place à des interrogations quant au point de savoir si le Groupe de Travail sur les disparitions forcées, et d’autres au sein de la Commission, continueront de fonctionner dans le cadre du nouveau Conseil.

Au niveau régional, la Résolution 666 (XIII-083) de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Etats Américains, approuvée en novembre 1983, a considéré en son article 4 que « la pratique des disparitions forcées de personnes en Amérique [était] un affront à la conscience de l’hémisphère et [constituait] un crime de lèse humanité ».

Ce processus de reconnaissance des disparitions forcées a donné lieu à une série d’autres actions de la part des organisations universelles et régionales de droit de l’Homme. Il convient de faire mention, par exemple, dans les années 70, du traitement des dénonciations par l’Organisation Internationale du Travail concernant des syndicalistes argentins disparus ainsi que les rapports et missions de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme au Salvador, au Chili et en Argentine.

Dans les années 80, les organisations de familles de disparus ont promu l’adoption d’une convention internationale sur les disparitions forcées (11).

  • b) La déclaration de 1992 de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le 18 décembre 1992, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la Déclaration relative à la Protection de Toutes les Personnes contre les Disparitions forcées (Résolution 74/133).

Le projet de la Déclaration a été élaboré par un Groupe de Travail de la Commission des droits de l’Homme. Il s’agissait d’un groupe de travail ouvert, en ce sens qu’en plus des délégations étatiques ont pu intervenir au sein des débats des ONG.

Selon la Déclaration, les droits violés sont « (…) le droit à la personnalité juridique, le droit à la liberté et à la sécurité des personnes et le droit à ne pas être soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

La Déclaration propose un ensemble de « … mesures législatives, administratives, judiciaires et autres (…) afin de prévenir et éliminer les actes conduisant à des disparitions forcées (…) » : officialisation de la légalité des centres de réclusion et leur libre accès par les autorités judiciaires à ceux-ci, ainsi que l’obligation de conserver la liste des personnes incarcérées et de préciser les responsabilités afférentes au personnel pénitentiaire. La Déclaration fait également référence à la responsabilité civile de l’Etat (en plus de celle internationale), à l’interdiction d’invoquer l’« obéissance due » (12) pour tenter de justifier le respect des ordres ou instructions destinés à faire disparaître des personnes et précise que « toute personne recevant un tel ordre ou une telle instruction a le droit et le devoir de ne pas s’y conformer », etc…

La Déclaration affirme qu’en cas de disparition forcée les droits à la vérité et à la justice impliquent pour les victimes le droit de dénoncer les faits auprès des autorités compétentes, l’obligation pour l’Etat de procéder immédiatement à une enquête approfondie et de garantir la sécurité des personnes ayant déposé plainte et enfin le jugement des auteurs présumés d’actes conduisant à la disparition forcée, par les juridictions de droit commun compétentes.

Les articles 17 et 18 de la Déclaration sont d’une grande importance concernant la lutte pour la justice et contre l’impunité de tels actes. L’article 17 stipule que « tout acte conduisant à une disparition forcée continue d’être considéré comme un crime continu ou permanent aussi longtemps que ses auteurs dissimulent le sort réservé à la personne disparue et le lieu où elle se trouve et que les faits n’ont pas été élucidés » et « s’il y a prescription des actes conduisant à des disparitions forcées, le délai de prescription doit être de longue durée et en rapport avec l’extrême gravité du crime ».

Selon l’article 18, les auteurs et les auteurs présumés de disparitions forcées, ne peuvent bénéficier d’aucune loi d’amnistie spéciale ni d’autres mesures analogues qui auraient pour effet de les exonérer de toute poursuite ou sanction pénale. Quant au droit de grâce, celui-ci devra s’exercer en tenant compte de « l’extrême gravité des actes conduisant à des disparitions forcées ».

Enfin, la Déclaration reconnaît le droit à réparation et à indemnisation non seulement pour les victimes d’actes ayant entraîné une disparition forcée mais aussi pour leur famille ; et elle demande aux Etats d’anticiper et de réprimer l’enlèvement et l’appropriation d’enfants de personnes disparues.

Deux aspects de la Déclaration de 1992 méritent d’être soulignés :

  •  

    • 1. Les disparitions forcées constituent un délit spécifique, différent, par exemple, de l’enlèvement ; comme l’indique l’article 5 de la Déclaration, les disparitions forcées engagent la responsabilité civile de l’Etat ou des autorités de l’Etat qui ont organisé ou toléré de telles disparitions ou qui y ont consenti. Autrement dit, une disparition forcée est un crime d’Etat (et/ou des autorités de l’Etat) qui engage la responsabilité de ce dernier bien qu’il n’ait pas agi directement mais se soit contenté d’y avoir consenti ou de l’avoir toléré.

    • 2. Dans certains cas, des personnes accusées de disparitions forcées, ont été jugées mais par des tribunaux militaires, sous prétexte qu’elles appartenaient à l’institution militaire. Or, dans la quasi-totalité des cas, ces personnes ont été acquittées, ou soumises à des peines minimes. Il s’agit là d’une aberration car la disparition forcée n’est pas un délit militaire et doit donc être soumise à des tribunaux ordinaires ou de droit commun. C’est en ce sens que l’article 16, paragraphe 2 de la Déclaration exclut de manière expressive la compétence de la juridiction militaire en cas de jugement d’auteurs présumés de disparition forcée. Le fondement juridique de cette disposition réside dans le fait que les tribunaux militaires sont des juridictions spécifiques destinées à juger les membres des forces armées pour des délits exclusivement militaires ; ce ne sont pas de véritables tribunaux, étant donné qu’ils ne sont pas indépendants du Pouvoir Administratif (13).

  • c) La Convention interaméricaine sur les disparitions forcées de personnes

La Convention interaméricaine a été approuvée le 9 juin 1994 par la résolution 1256 de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Etats Américains.

Dans son préambule, les Etats membres de l’OEA reconnaissent la persistance du phénomène des disparitions forcées de personnes au sein du continent ; ils considèrent qu’il s’agit « d’une offense grave et odieuse à la dignité intrinsèque de la personne humaine » qui contredit les principes et buts consacrés dans la Charte de l’Organisation des Etats Américains, de la même manière que « la pratique systématique de la disparition forcée constitue un crime de lèse humanité » (14).

L’article 1er énumère les obligations générales des Etats à l’égard du problème de la disparition forcée. Ceux-ci s’engagent à :

  • la prohiber en toutes circonstances y compris pendant les états d’urgence, d’exception ou de suspension des garanties individuelles ; - sanctionner ceux qui ont participé au délit de disparition forcée de personnes, ont tenté de le commettre à titre d’auteurs, de complices ou de receleurs ;

  • coopérer entre eux pour prévenir et d’éradiquer la disparition forcée de personnes et à prendre toutes les mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres, nécessaires à l’exécution de ces engagements.

Pour qualifier le délit de « disparition forcée des personnes », la Convention tient compte de :

  • de la privation de liberté d’une ou de plusieurs personnes ;

  • de l’ingérence de l’Etat via ses agents ou des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec son autorisation, son appui ou son acquiescement ;

  • du déni de la reconnaissance de cette privation de liberté ou d’information sur le lieu où se trouve cette personne ;

  • et enfin de l’impossibilité qui en découle d’exercer des recours juridiques et des garanties pertinentes d’une procédure régulière.

La Convention interaméricaine rejoint la Déclaration de l’Assemblée Générale de 1992 en ce qu’elle consacre l’engagement des Etats à introduire des sanctions pénales contre la disparition forcée au sein de leur législation nationale. Aussi, « ce délit est considéré comme continu ou permanent tant que la destination de la victime ou le lieu où elle se trouve n’ont pas été déterminés ».

S’agissant de l’extradition, l’article 5 de la Convention estime que la disparition forcée de personnes n’est pas considérée comme un délit politique ; elle est incluse au nombre des délits qui donnent lieu à l’extradition dans tout traité sur l’extradition conclu entre les Etats parties. De ce fait, les auteurs, ou auteurs présumés de disparition forcée pourront donc faire l’objet d’une extradition à la demande de l’Etat sur le territoire duquel le crime a été commis. Quand un Etat partie n’accorde par l’extradition, il soumet l’affaire à ses autorités compétentes aux fins d’instruction et, le cas échéant, de poursuites pénales.

Parmi les autres similitudes existant entre la Convention interaméricaine et la Déclaration de l’Assemblée Générale de 1992, il convient de mentionner l’interdiction d’invoquer l’excuse de l’« obéissance due », l’obligation pour les auteurs présumés des faits constitutifs du délit de disparition forcée de personnes d’être jugés uniquement par les juridictions de droit commun (à l’exclusion de tout autre juridiction spéciale et notamment militaire), l’obligation de respecter les conditions nécessaires à l’éradication des détentions arbitraires et illégales et enfin de garantir le libre exercice du droit d’habeas corpus.

La Convention interaméricaine n’est pas aussi large que la Déclaration de 1992 quant au respect des droits énoncés. Par exemple, le droit à réparation, celui à la réadaptation et à l’indemnisation des victimes figurent dans la Déclaration et non dans la Convention (15). Il en va de même s’agissant du droit de dénoncer le délit de disparition forcée, entraînant l’obligation pour l’Etat de mener l’enquête et de protéger les témoins, la famille et les avocats des victimes.

Par ailleurs, la question de l’interdiction d’amnistie des auteurs ou auteurs présumés de disparition forcée abordée par la Déclaration ne l’est pas par la Convention (16).

Enfin, il convient de souligner l’importance de l’article VII de la Convention Interaméricaine relative à l’imprescriptibilité de l’action pénale introduite à raison de la disparition forcée de personnes et des peines imposées judiciairement aux auteurs de cet acte. La seule limite à cette règle réside dans l’existence d’une norme fondamentale contraire, auquel cas la période de prescription doit être égale à celle applicable au délit le plus grave sanctionné dans la législation interne de l’Etat parti en cause.

  • d) La jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme

En 1988 ont été jugés les cas de disparition forcée de M. Angel Manfredo Velázquez Rodriguez et de M. Saul Godinez, tous deux citoyens du Honduras. Dans les deux cas le procès a débouché sur la condamnation du Honduras respectivement le 29 juillet 1988 et le 20 janvier 1989.

Pour condamner l’Etat du Honduras, la Cour Interaméricaine s’est basée sur la Convention Américaine relative aux droits de l’Homme en tant qu’instrument légal en vigueur au sein du Système Interaméricain de défense et de protection des droits de l’homme.

S’agissant du cas de Manfredo Velásquez, la CIDH a conclu que la politique de disparitions forcées « dénote un mépris évident des valeurs relatives à la dignité humaine et aux principes fondateurs du système interaméricain et de la Convention elle-même. »

La Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme a jugé l’Etat du Honduras coupable de violation de son devoir de respect et de garantie des droits à la vie, à la liberté personnelle et à l’intégrité physique des disparus à savoir Angel Manfredo Velasquez Rodriguez et Saul Godinez Cruz (17).

Afin de prononcer de telles condamnations contre un Etat (les premières de toute l’histoire du système interaméricain), la Cour s’est basée, notamment, sur l’article 1.1 de la Convention Interaméricaine, selon lequel « tout manquement aux droits de l’homme (…) qui peut être attribué, par application des règles du droit international, aux agissements ou à l’inaction d’une autorité publique, constitue un fait imputable à l’Etat qui engage ainsi sa responsabilité (…). »

La Cour Interaméricaine a également déclaré que « l’Etat est responsable de l’action de ses agents exercée sous couvert de leurs fonctions officielles, ou de leur inaction, même si ces agents ont excédé leur compétence ou violé le droit interne (…). »

Cela signifie que l’Etat doit non seulement prévenir toute violation des droits reconnus par la Convention, mais également mener l’enquête et sanctionner les responsables étant donné qu’« un acte illicite attentatoire aux droits de l’homme et qui, initialement, ne serait pas directement imputable à un Etat (…) peut néanmoins engager la responsabilité internationale de cet Etat (…) en raison du manque de diligence de l’Etat pour prévenir la violation des droits de l’homme ou la traiter dans les termes requis par la Convention ».

Elle ajoute enfin que « le devoir d’enquêter sur des faits de cette nature subsiste tant que demeure incertain le sort de la personne disparue ». Et la Cour conclut en disant que la disparition forcée est une « (…) violation multiple et continue de nombreux droits (…) » (CIDH, Affaire Velásquez Rodriguez, 29 juillet 1988, Série C No. 4, p 63).

  • e) Le projet de convention internationale sur les disparitions forcées de personnes

Peu après l’adoption de la Déclaration par l’Assemblée Générale a commencé un travail en vue d’élaborer une Convention. L’étude et l’élaboration d’un projet a été mené par une Sous-Commission des droits de l’Homme, qui compléta son travail en 1998 avec un projet dont la Commission est fière.

Celle-ci constitua un groupe de travail, qui acheva ses travaux en septembre 2005 par l’adoption un projet de Convention.

Son élaboration fut plutôt laborieuse car certains Etats ont contesté la nécessité d’une telle Convention. En outre, le texte présenté prétendait dénaturaliser la notion même de disparition forcée considérée comme un crime où la responsabilité de l’Etat est toujours en cause que ce soit par son action, son inertie, sa tolérance ou son approbation, en l’étendant aux enlèvements commis par des individus ou des groupes qui agissent à leur propre fin. Cette tentative réussit partiellement avec l’introduction de l’article 3 au Projet.

En règle générale, le projet adopté reprend le contenu de la Déclaration de l’Assemblée Générale, de la Convention Interaméricaine etc., mais sur certains aspects particuliers il constitue une régression par rapport à ces moyens d’action et méconnaît la pratique du Groupe de Travail sur les disparitions forcées ainsi que la jurisprudence du Comité des droits de l’Homme en la matière.

Voyons quels sont ces aspects négatifs du Projet :

  •  

    • 1. L’article 3 introduit le délit de droit commun commis par « des personnes ou des groupes de personnes qui agissent sans l’autorisation, l’appui ou l’approbation de l’Etat », ce qui introduit un élément extérieur au caractère délictuel spécifique de disparition forcée, tel que cela a été signalé plus haut.

    • 2. L’article 5 qualifie la disparition forcée généralisée ou systématique de crime contre l’humanité, imprescriptible, mais l’article 8 laisse quant à lui ouverte la possibilité d’application à un tel crime du régime de prescription, contrairement à l’article VII de la Convention Interaméricaine qui exclut la prescription pour le crime de disparition forcée.

    • 3. L’interdiction explicite pour les tribunaux militaires de juger des auteurs présumés de disparitions forcées, qui figure dans la Déclaration de l’Assemblée Générale (art. 16 par. 2) et dans la Convention interaméricaine (art. IX), ne figure pas dans le Projet. En disant que « la présente convention n’exclut aucune autre juridiction pénale complémentaire exercée en conformité aux lois nationales », le paragraphe 3 de l’article 9, laisse, au contraire, la porte ouverte à la compétence d’une juridiction militaire (18).

    • 4. Est également absente du projet l’interdiction d’amnistier les personnes condamnées pour crime de disparition forcée, figurant à l’article 18 de la Déclaration et que la Cour Interaméricaine a confirmé dans sa jurisprudence (voir note 16).

    • 5. L’article 26 du Projet prévoit la création d’un comité contre la disparition forcée auprès duquel des plaintes pourront être déposées à l’encontre des Etats qui, en plus d’être liés par la Convention, auront reconnu dans une déclaration la compétence du Comité « pour recevoir et examiner les communications présentées par des personnes se trouvant sous leur juridiction » (article 31).

La condition requise pour les personnes qui dénoncent le comportement d’un Etat de se trouver sous la juridiction de celui-ci, méconnaît le cas de figure, généralisé en Amérique latine avec l’opération Condor, des enlèvements de personnes dans un Etat et de leur transfert dans un autre Etat. L’Etat, auteur de la disparition, peut alors ne pas être celui de la juridiction (personnelle et/ou territoriale) du disparu. Ce cas de figure réapparaît aujourd’hui avec la pratique américaine qui consiste à transporter clandestinement d’un pays à l’autre des personnes enlevées dans différents endroits du monde, soit disant soupçonnées d’activités terroristes.

La condition requise pour la personne qui dépose une plainte contre un Etat de se trouver sous la juridiction de ce pays méconnaît par exemple le droit pour une personne qui a été enlevée par des agents américains en dehors du territoire américain et transférée clandestinement à un autre pays , de dénoncer le Gouvernement des Etats-Unis dès lors que cette personne n’est pas américaine.

Cette obligation d’appartenance est anachronique au regard de l’évolution du droit international dont aussi bien les normes en vigueur que la doctrine et la jurisprudence, reconnaissent aux individus la qualité de sujets du droit international. Le principe général réside dans le fait que les individus doivent pouvoir agir, conformément aux conditions légales en vigueur, devant les organes internationaux pertinents dès lors que leurs droits sont bafoués par un Etat quel qu’il soit et non uniquement par l’Etat sous la juridiction duquel elles se trouvent.

Cette tendance se reflète au sein des instruments régionaux de droits de l’homme. Aucun n’exige que les dénonciateurs relèvent de la juridiction du pays qu’ils mettent en cause.

Le Projet méconnaît également dans ce domaine la jurisprudence du Comité des droits de l’homme en matière de disparitions.

En effet, l’art. 2 du Pacte des droits civils et politiques se réfère à l’obligation des Etats de respecter et de garantir les droits civils et politiques de l’ensemble des individus « qui se trouvent sur leur territoire et sont soumis à leur juridiction » ; quant à l’art. 1 du premier protocole facultatif du Pacte des droits civils et politiques, il énonce que le Comité pourra « recevoir et instruire les plaintes des personnes se trouvant sous la juridiction de cet Etat… ».

Les articles 2 du Pacte et 1 du Protocole ont posé un certain nombre de problèmes au Comité des droits de l’homme quant à l’application du Pacte, précisément parce que de tels textes ne confèrent le droit d’invoquer des violations commises par un Etat qu’aux « individus qui se trouvent sous la juridiction de ce même Etat. »

Le Comité des droits de l’Homme s’est aperçu qu’en appliquant à la lettre ces articles du Pacte et du Protocole il laissait sans protection des personnes également victimes de violations graves de leurs droits civils et politiques. Tel fut le cas, par exemple, de deux citoyens uruguayens enlevés par des militaires de cette même nationalité, l’un en Argentine l’autre au Brésil et tous deux emmenés clandestinement en Uruguay, dans les années 1970. Ces enlèvements eurent lieu en Argentine et au Brésil, c’est-à-dire en dehors de la juridiction uruguayenne, mais le pays auquel pouvaient se plaindre les victimes était l’Uruguay. Le Comité des droits de l’Homme a estimé qu’il serait inacceptable d’interpréter la responsabilité des Etats selon l’article 2 du Pacte car cela leur permettrait de commettre impunément sur le territoire d’un autre pays des violations du Pacte qui seraient répréhensibles sur leur propre territoire (19).

  •  

    • 6. L’art. 31 par. 2 du Projet énonce les conditions de recevabilité d’une plainte et exige au point d/ que les recours internes soient épuisés. La condition de l’épuisement des recours internes est en contradiction avec les caractéristiques mêmes du crime de disparition forcée étant donné que l’une d’elles est précisément l’inefficacité des recours internes face à une disparition (20). La possibilité de dénoncer immédiatement une disparition devant une juridiction internationale sans épuiser les recours internes, comme c’est maintenant le cas devant le Groupe de Travail sur les disparitions forcées et qui peut sauver la vie de la personne disparue, est supprimée avec cette disposition du projet.

Conclusion

Depuis que la Commission Interaméricaine des droits de l’Homme, immédiatement après le coup d’Etat chilien de septembre 1973, s’est préoccupée des premières disparitions et assassinats perpétrés par la dictature de ce pays, et après la mission de janvier 1978 du Centre des droits de l’Homme des Nations Unies au Chili ainsi que la Première Déclaration de l’Assemblée Générale en décembre de la même année sur ce thème, il s’est produit d’importantes avancées sur le plan normatif, quant à la prise de conscience du problème des disparitions et de la lutte à leur encontre.

Cependant, il reste encore aujourd’hui un long chemin à parcourir, et qui n’est pas sans obstacles.

Notes

  • (1) : Une fois les 49 jours de présidence de Campora achevés (du 25 mai au 13 juillet 1973), et durant les présidences de Lastiri (13/7/73- 12/10/73), de Perón (12/10/73-1/7/74) et surtout d’Isabelle Perón (1/7/74-24/3/76), la répression n’a cessé d’augmenter à l’encontre des péronistes de gauche, des leaders syndicaux antibureaucratiques, des activistes syndicaux des grandes entreprises, des avocats et des journalistes etc. Dans son rapport intitulé « Nunca Más » (Plus jamais), La CONADEP (Commission Nationale sur les Disparitions de Personnes) a recensé 458 assassinats tout au long de cette période (19 en 1973, 50 en 1974 et 359 en 1975), perpétrés par des groupes parapoliciers, qui ont agi principalement sous le nom de « Triple A ». Ironie du sort : cette organisation était dirigée par le Ministre du Bien être social, secrétaire privé de Perón, José Lopez Rega. Parmi les premiers attentats attribués à la « Triple A », celui de la bombe qui a explosé dans la voiture du Sénateur Hipólito Solari Yrigoyen, le 21 novembre 1973, lui causant de graves blessures, et l’assassinat de l’avocat du péronisme de base Antonio Deleroni et de son épouse, le 27 novembre. Solari Yrigoyen avait, quelques jours auparavant, critiqué au Sénat les réformes de la loi relative aux associations professionnelles de travailleurs, vouées à consolider le contrôle de la bureaucratie syndicale sur le mouvement ouvrier. Peu de temps avant l’attentat, un représentant notoire de cette bureaucratie, Lorenzo Miguel, avait qualifié Solari Yrigoyen d’ « ennemi public numéro un ». Mais la répression à l’encontre du mouvement ouvrier avait commencé avant cet épisode, dès le 17 juillet 1973 lorsque la CGT de Salta avait été mise sous contrôle administratif et que la CGT de Córdoba et les syndicats SMATA et Luz y Fuerza de la même ville avaient été l’objet d’attaques armées. Cette répression a également été à l’origine de l’assassinat de militants syndicaux tels que Carlos Bache – membre du syndicat de Céramistes de Villa Adelina – le 21 août 1973, Enrique Damiano - membre du syndicat de Taxis de Cordoba – le 3 octobre, Juan Ávila – de la Construction de Córdoba – le 4 octobre, Pablo Fredes – des transports de Buenos-Aires – le 30 de ce même mois, Adrián Sánchez - de Mina Aguilar, Jujuy – le 8 novembre 1973. Les assassinats de militants syndicaux ont continués d’être perpétrés à un rythme croissant. Les syndicats les plus combatifs ont été mis sous contrôle administratif en 1974 (par exemple : SMATA Córdoba a été mis sous contrôle administratif par la direction nationale du même syndicat). Leurs dirigeants et activistes ont d’abord été emprisonnés avant d’être assassinés lors de la dictature 76-83. Au sein des grandes entreprises transnationales comme Ford, Fiat, Mercedes Benz, Peugeot, Renault, etc, la répression antisyndicale avant et pendant la dictature, est intervenue dans certains cas avec la collaboration de supérieurs hiérarchiques des entreprises et de quelques dirigeants des centrales syndicales. L’un d’entre eux, José Rodriguez, accusé de complicité lors du procès relatif aux disparitions de travailleurs de Mercedez Benz, et qui en 1974 a mis sous contrôle administratif la section Córdoba de SMATA, est encore aujourd’hui Secrétaire général du syndicat.

  • (2) : Il convient de signaler la disparition d’un jeune travailleur, Felipe Vallese, le 23 août 1962, sous la présidence de Guido, de celle de l’avocat Néstor Martins et de son client, le travailleur Nildo Zenteno, le 16 décembre 1970, pendant la dictature militaire de 66-73.

  • (3) : Il faut souligner qu’en plus de la disparition forcée, la répression sous toutes ses formes a atteint des niveaux sans précédents lors de la dictature de 76-83, faisant preuve d’un véritable saut « qualitatif » en matière de torture, d’enlèvements, d’assassinats, de répression systématique contre le mouvement ouvrier, les mouvements politiques et les intellectuels de gauche, les réfugiés de pays voisins etc… ce à quoi il faut ajouter l’incinération systématique de livres et une censure digne de l’époque de l’Inquisition.

  • (4) : Etabli en 1946 dans la zone américaine du canal de Panama, le centre de formation militaire le plus important d’Amérique latine a permis aux Etats-Unis d’entraîner et de former idéologiquement plus de 60 000 militaires. Après 1984, et tenant compte des accords Carter-Torrijos, l’Ecole des Amériques a été déplacée à Fort Benning (Georgie). Parmi ses élèves, l’on compte quelques noms devenus tristement célèbres tels que : les généraux putschistes argentins Viola, Videla et Galtieri, les dictateurs Pinochet (Chili), Somoza (Nicaragua), Manuel Noriega (Panama), Stroessner (Paraguay), Hugo Banzer (Bolivie), Juan Melgar Castro et Policarpio Paz Garcia (Honduras), Carlos Humberto Romero (El Salvador)…. Le déclassement de nombreux documents, réalisé par l’administration du président Clinton a permis de découvrir les méthodes préconisées par les manuels d’enseignement de l’Ecole : torture, chantage, détention de proches du suspect comme méthode d’interrogatoire, le recours à des méthodes clandestines comme la « disparition », etc. Très critiqué au sein même des Etats-Unis, l’Ecole des Amériques a été fermée en 2000 par le président Clinton qui…. l’a rouvert sans tarder sous un autre nom : Institut de défense pour la coopération de la sécurité hémisphérique.

  • (5) : Mais les bases de ce système répressif ont été établies dès la dictature de 66-73 : « compulsion physique et torture de troisième degré », menaces, chantages, séquestrations, enlèvements, terrorisme, toutes sortes d’abus, sabotage (Page 165 de l’Annexe deux du Règlement RC – 5 – 1 du Commandant en chef de l’Armée, le 8 novembre 1968, Alejandro A. Lanusse. Document cité par l’avocat défenseur de plusieurs généraux en procès « Videla, Jorge R. et d’autres sur privation illégale de liberté » et mis en avant lors d’une récente querelle criminelle contre les auteurs du massacre de Trelew du 22 août 1972). Durant le gouvernement d’Isabel Peron cette forme de répression a acquis une certaine légitimité avec le décret n°261 de février 1975 qui ordonna aux Forces Armées de mettre en œuvre les actions militaires nécessaires pour anéantir les éléments subversifs de la province de Tucumán et cette tendance se généralisa au maximum durant la dictature de 76-83.

  • (6) : L’article 6 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme énonce : « Tout être humain a droit, en tout lieu, à la reconnaissance de la personnalité juridique ».

  • (7) : Lors de la dictature militaire, cette privation de justice fut reconnue par la Cour suprême d’Argentine lors de la sentence « Perez de Smith », d’avril 1977 et de décembre 1978.

  • (8) : Résolution 33/173 de l’Assemblée générale de l’ONU. Personnes disparues. Approuvée le 20 décembre 1978. Dans cette résolution, l’Assemblée générale s’est déclarée profondément inquiète des rapports issus de diverses parties du monde au sujet de la disparition forcée ou involontaire de personnes et elle s’est dite émue par l’angoisse et l’angoisse que ces disparitions engendrent. Elle a demandé aux gouvernements de garantir que les autorités ou organisations chargées de faire respecter la loi et la sécurité soient tenues responsables juridiquement en cas d’abus conduisant à des disparitions forcées ou involontaires.

  • (9) : Résolution 1979/38 du 10 mai 1979, du Conseil Economique et Social, par laquelle il est décidé « d’établir durant une période d’un an un groupe de travail composé de 5 de ses membres, en qualité d’expert à titre individuel, pour examiner les questions relatives o disparitions forcées ou involontaires de personnes ; (…) ».

  • (10) : Résolution 20 (XXXVI) de la Commission des droits de l’Homme sur la question des personnes disparues ou dont on ignore ce qu’elles sont devenues. Approuvée le 29 février 1980.

  • (11) : Lors d’un colloque à Paris en janvier-février 1981 sur la « politique des disparitions forcées de personnes », ont été proposés deux projets de convention, l’un élaboré par l’Institut des droits de l’Homme de l’Ordre des Avocats de Paris, l’autre préparé par un groupe d’avocats argentins membres de l’Assemblée Permanentes pour les droits de l’homme. En novembre 1982, le Congrès de FEDEFAM a adopté à Lima un Projet de Convention sur la disparition forcée. En octobre 1988 a eu lieu à Buenos-Aires un colloque international qui adopta un projet de Convention internationale pour la Prévention et la Sanction de Disparitions Forcées de Personnes.

  • (12) : Obéissance à des ordres ou instructions supérieurs qui obligent, autorisent ou encouragent la disparition forcée.

  • (13) : Le paragraphe 16.2 de la Déclaration a été proposé au sein du Groupe de Travail par l’auteur de cet article, membre de celui-ci en tant que représentant de l’Association Américaine des Juristes. Sa proposition fut examinée par un jeune fonctionnaire qui à l’époque représentait la France au sein du Groupe de Travail et adoptée par l’ensemble du Groupe. Il faut souligner que cette proposition ne fut appuyée par aucune autre des ONG présentes dans le Groupe. Un ou deux experts, membres de la Commission et de la Sous-Commission des droits de l’Homme qui avait été consultés au préalable par l’auteur, avaient désapprouvé cette proposition d’exclure la compétence des tribunaux militaires.

  • (14) : Convention Interaméricaine sur la Disparition forcée de Personnes, Résolution AG/RES 1256 (XXIV-0/94) du 9 juin 1994.

  • (15) : Le droit à réparation et à indemnisation compensatoire a été reconnu par la Cour Interaméricaine sur la base de l’Article 63.1 de la Convention américaine sur les droits de l’Homme (notamment Affaire Velázquez Rodriguez, Indemnisation compensatoire, arrêt du 21 juillet 1989).

  • (16) : Cependant, le 2 septembre 2001, au sujet de l’Affaire « Barrios Altos », la Cour a rappelé certains paragraphes du jugement de fond : « […] sont inadmissibles les dispositions relatives à l’amnistie, celles de prescription ainsi que les mécanismes permettant d’exclure toute responsabilité qui prétendraient empêcher l’enquête et la sanction des responsables de violations graves des droits de l’Homme telles que la torture, les exécutions sommaires, extralégales ou arbitraires et les disparitions forcées, toutes interdites au regard des droits indérogeables reconnus par le Droit International des Droits de l’Homme [ ;] et déclara que ce paragraphe était de portée générale.

  • (17) : Cour I.D.H, Affaire Velázquez Rodriguez, Arrêt du 29 juillet 1998, Série C No. 4, Cour I.D.H, Affaire Godinez Cruz, Arrêt du 20 janvier 1989, Série C No.5.

  • (18) : Les tribunaux militaires ne sont pas de tribunaux de justice en ce qu’ils ne réunissent pas les conditions nécessaires : indépendance, objectivité et impartialité. Telle est la position de la Commission et de la Cour Interaméricaine de droits de l’Homme, du Rapporteur sur la torture de la Commission des droits de l’Homme et du Groupe de Travail sur les Disparitions forcées. Ce principe figure dans la Déclaration Universelle sur l’Indépendance de la Justice, connue sous le nom de Déclaration de Montréal et est rappelé dans l’Observation Générale n°13 du Comité des droits de l’homme, etc. Il existe toutefois, une tendance récente – suite notamment à la généralisation et au recours sans discrimination à des tribunaux militaires par les USA depuis les attentats du 11 septembre – qui consiste à tenter d’intégrer les tribunaux militaire à « l’appareil judiciaire normal » ou a « banaliser » les tribunaux militaires tel qu’il est dit dans un Rapport (E/CN.4/Sub.2/2003/4) présenté en 2003 à la Sous Commission des droits de l’homme. Cette tendance est également manifeste par l’omission au sein du Projet de Convention sur les Disparitions forcées de l’exclusion de la compétence des tribunaux militaires s’agissant des personnes accusées d’un tel crime.

  • (19) : Human Rignts Committee, « Selected Decisions under the Optional Protocol », CCPR/C/OP/1, United Nations, New York, 1988, communications 52/19/1979 and 56/19/1979.

  • (20) : L’article 1er, paragraphe 2 de la Déclaration de l’Assemblée Générale énonce : « Tout acte de disparition forcée soustrait la victime de la protection de la loi… » et l’article II de la Convention Interaméricaine, qui définit ce qu’est une disparition forcée, termine en disant : « l’exercice des recours légaux et des garanties processuelles pertinente sont dès lors impossibles. » Voir note 6.