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Emilie Bousquier, Paris, 2006

Les faiblesses persistantes du modèle européen

Une aide européenne au développement, défaillante.

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I. Les déficiences de l’aide européenne au développement

Bien que les critiques concernant la politique d’aide au développement de l’Union européenne ne manquent pas ; il est nécessaire d’opérer une sélection de ces remarques négatives, d’essayer d’être le plus pertinent et impartial possible. On peut tout d’abord aborder l’insuffisance du budget de l’aide au développement au sein de l’Union européenne. En effet, l’objectif de l’Union européenne est de porter le montant moyen de son aide publique au développement de 0,33 % du produit intérieur brut collectif en 2002 à 0,39 % en 2006 afin d’atteindre l’objectif des 0,7 % du PIB fixé par les Nations Unies. (Cf. Annexe 8). Toutefois, pour beaucoup, même en gardant à l’esprit que l’Union européenne est l’un des principaux acteurs de la coopération internationale, le pourcentage de 0,7 % du PIB reste insuffisant par rapport aux réels moyens financiers nécessaires pour lutter globalement contre la pauvreté.

D’autres estiment discutable la qualité de l’aide de l’Union européenne. En effet, l’Union européenne obtient de faibles performances dans le financement des services sociaux par rapport à ses Etats membres ou les bailleurs de fonds de l’OCDE. Il faut rappeler que le financement des soins de santé de base et l’éducation constituent les composantes essentielles de la lutte contre la pauvreté. Cependant, en 2000 par exemple, « l’Union européenne a alloué 4 % de l’ensemble de son aide à l’éducation et seulement 2 % à la santé ».

La qualité médiocre est, pour d’autres, le résultat d’une bureaucratie trop contraignante. En effet, la « machine » Union européenne est un ensemble gigantesque de différentes directions, services, bureaux qui tentent de travailler en commun mais pour qui, l’ampleur des domaines à traiter peut parfois se révéler difficilement gérable. La hiérarchie est, comme dans toute administration, d’une lourdeur telle qu’elle constitue souvent un obstacle au bon déroulement des actions et à la mise en œuvre des projets dans des délais raisonnables.

Mais ce sont les insuffisances de coordination, de cohérence et de visibilité européennes auprès des autres bailleurs de fonds et dans les enceintes internationales qui caractérisent aujourd’hui les faiblesses de la politique européenne de développement. Des progrès ont en effet été accomplis depuis la réforme de 2000, mais la mise en œuvre de la cohérence des politiques extérieures avec la coopération au développement et l’articulation avec les politiques de coopération des Etats membres restent difficiles, au détriment non seulement de l’efficacité de l’aide et d’une vision européenne de solidarité internationale crédible sur la scène mondiale, mais aussi des pays en développement qui doivent faire face à des charges administratives supplémentaires.

La politique agricole commune (PAC) est l’exemple le plus flagrant des cas d’incohérence des politiques communautaires ; même si des efforts ont été entrepris pour réformer la PAC, les intérêts de certains Etats membres, comme ceux de la France par exemple, divergent par rapport aux objectifs de l’Union européenne en matière de développement. Depuis 1999, lors de la conférence de l’Organisation Mondiale du Commerce à Seattle, l’Union européenne a été accusée par les pays en développement de « protectionnisme déguisé » parce qu’elle accordait à ses agriculteurs des subventions empêchant l’accès de leurs exportations à son marché. Ainsi, dans le cadre du programme de Doha pour le développement de 2001, l’Union européenne s’est engagée, avec les autres pays développés, à réduire toutes les formes de subventions à l’exportation « en vue de leur retrait progressif ». Elle a réformé sa politique agricole commune en juin 2003 et a proposé avec les Etats-Unis, à la Conférence de l’OMC de Cancun en septembre 2003, d’éliminer progressivement les subventions à l’exportation sur des produits sensibles pour les pauvres. Ces pays ont rejeté cette proposition. Au début août 2004, un compromis a été trouvé quant à l’élimination à terme, probablement vers 2015-2017, des aides européennes et américaines aux exportations agricoles en contrepartie de l’abaissement des barrières tarifaires sur les produits industriels des pays émergents (Brésil, Inde et Afrique du Sud notamment).

Le manque de coordination entre les donateurs européens, autrement dit les membres de l’Union européenne, est également un réel problème de la politique d’aide au développement de l’Union. En effet, soucieux de préserver leur souveraineté nationale, les Etats membres sont loin d’avoir transféré, au niveau communautaire, leurs compétences en la matière. Partie intégrante de leur politique étrangère, leur politique de coopération au développement est marquée par leurs propres priorités, intérêts politiques et économiques. La majorité d’entre eux appliquent également leurs propres procédures de gestion de l’aide au développement. Principal contributeur aux budgets européens, « la France a été pendant longtemps un des promoteurs de la construction et de la coopération européennes avec l’Allemagne ». Toutefois, la politique française de coopération au développement, bien que demeurant un outil de solidarité à l’égard des pays en développement, reste aussi perçue, en particulier par le Ministère des Affaires Etrangères français, comme un des instruments d’influence politique et économique et de rayonnement culturel de la France. Se pose alors la question de l’effectivité de la cohérence entre les documents stratégiques établis par l’Union d’un côté et ceux élaborés par ses Etats membres de l’autre.

Enfin, l’absence de coordination et d’entente entre les Etats membres eux-mêmes pour parvenir à des positions communes empêchent l’Union européenne de participer pleinement aux débats sur la lutte contre la pauvreté dans les enceintes multilatérales compétentes et de peser au sein des institutions financières internationales : si elle parlait d’une seule voix au sein du FMI, elle aurait 30 % des droits de vote et un pouvoir supérieur à celui des Etats-Unis (17 %) qui ont aujourd’hui la possibilité de bloquer les décisions importantes.

II. Quelques propositions d’amélioration

Apparemment la Commission a prit conscience que l’Union européenne ne doit pas être un donateur de plus. Dans une communication au Parlement et au Conseil, elle estime que « la mise en place d’un cadre politique unique et d’une programmation unique par pays partenaire et par politique thématique, débouchant sur une mise en œuvre coordonnée et cofinancée, devrait rendre possibles des actions complémentaires efficaces entre l’Union et les Etats membres : une politique commune de développement fournirait le cadre approprié ». Malgré cette prise de conscience, plusieurs recommandations peuvent être apportées à l’Union afin d’arriver à mieux gérer cette politique communautaire de grande importance. La politique de coopération au développement de l’Union doit être davantage cohérente avec les autres politiques communautaires (commerce, sécurité, migration…).

Tout d’abord, une coordination des politiques et une harmonisation des procédures plus étroites entre les donateurs de l’Union européenne devrait améliorer l’efficacité de l’aide européenne. Dans ce domaine, « une meilleure transparence de l’aide et des actions mises en œuvre par les Etats membres » semble nécessaire. Les gouvernements devraient publier chaque année, et rendre public, un rapport complet concernant l’aide de leur pays.

Il faudrait également augmenter le montant de l’aide, comme nous l’avons analysé auparavant, afin qu’il soit réellement viable et efficace pour lutter contre la pauvreté. Cela doit se concrétiser par une aide publique au développement supérieure à 0,7 % du RNB.

Enfin, il serait nécessaire que l’Union européenne et les Etats membres soutiennent vigoureusement l’annulation totale et immédiate de la dette bilatérale et multilatérale des pays les plus pauvres, en veillant à ce que l’allègement de la dette engagée par les Etats membres vienne s’ajouter, sans les grever, aux fonds nécessaires à l’objectif des 0,7 % du RNB pour l’aide publique au développement visant la pauvreté. Il faudrait également soutenir davantage le renforcement de l’appropriation nationale des politiques de développement et des procédures par les pays pauvres.