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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Emilie Bousquier, Paris, 2006

La situation politique, économique et sociale en Amérique latine

La région est constituée de deux blocs sous-régionaux distincts : l’Amérique centrale - Belize, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama, les Caraïbes (13 pays) et le Mexique -  ; l’Amérique du Sud, qui comprend la Communauté andine - Colombie, Equateur, Bolivie, Pérou, Venezuela - d’une part, le Mercosur - Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay - et le Chili d’autre part.

Mots clefs : Voie diplomatique pour chercher la paix | La démocratie, facteur de paix | Lutte contre la faim et pour la paix | Lutte contre les inégalités et pour la paix | Le libre échange peut-il aider à la paix ? | L'emploi, facteur de paix | Intégration régionale et paix | Lutte contre la pauvreté | Banque Mondiale | Commission Economique pour l’Amérique Latine (CEPAL) | Mener des négociations politiques pour rechercher la paix | Intervenir diplomatiquement pour arrêter la guerre | Amérique Centrale | Amérique Latine | Amérique du Sud | Cuba

I. Une Amérique latine qui tourne à gauche

Après des années d’instabilité et de conflits sous régionaux, toute l’Amérique latine est aujourd’hui dotée de régimes démocratiques, à l’exception de Cuba, et les conflits internes sont entrés dans un processus de paix. Pour résoudre les conflits frontaliers, les gouvernements de la région ont de plus en plus recours à la voie diplomatique et à la négociation. Au cours des dernières décennies, différentes vagues successives ont marqué la politique en Amérique latine :

  • les guérillas et les dictatures militaires, dans les années soixante-dix ;

  • les périodes dites de transition démocratique, dans les années quatre-vingt ;

  • les modèles néo-libéraux et leurs lourds plans d’ajustement structurels des années quatre-vingt-dix ;

  • et enfin, récemment, un glissement régional vers la gauche.

En effet, « la résistance des mouvements sociaux aux effets négatifs des politiques économiques et sociales mises en oeuvre en Amérique latine s’est traduite, depuis 1998, par l’arrivée au pouvoir de présidents de gauche aux politiques diverses et parfois contradictoires » (1). Les mesures de libéralisation commerciale et financière ont accéléré la prise de contrôle du marché intérieur de chaque pays par les multinationales américaines et européennes. Elles ont également accentué la dépendance des économies régionales à l’égard des marchés extérieurs.

Cependant, « une tendance nouvelle s’imposa avec l’évolution idéologique de M. Chavez à Caracas, l’arrivée au pouvoir de M. Luis Inácio Lula da Silva à Brasilia, de M. Nestor Kirchner à Buenos-Aires, et plus tard, celle de M. Tabaré Vasquez à Montevideo et de Mme Michelle Bachelet à Santiago créèrent une situation totalement nouvelle » (2).

Les nouveaux gouvernements d’Amérique du Sud partagent la critique du néolibéralisme, mettent en question les privatisations à outrance, l’ouverture excessive des marchés et l’inégalité sociale. Ils se proposent de mettre en place des formes de capitalisme plus productives et autonomes, avec un rôle plus important de la régulation de l’Etat.

II. Des économies en expansion

Avec un PIB en hausse de 4,3 % en 2005, soit une augmentation du PIB par habitant de près de 3 %, la région Amérique latine et Caraïbe vient de connaître sa troisième année consécutive de croissance. Cette période de croissance que traverse l’Amérique latine est indéniablement positive. La plupart des pays de la région n’en affichant pas moins une croissance inférieure à celle d’autres régions du monde et, même, à celle qu’enregistrent certains pays développés.

Dans un contexte de croissance généralisée, les économies sud-américaines affichent des rythmes d’expansion supérieurs à ceux de l’Amérique centrale et du Mexique. Ces différences entre sous-régions s’expliquent en particulier par l’évolution des termes de l’échange qui ont connu en 2005 une amélioration de 4,8 % en moyenne dans toute la région. Cette évolution a été particulièrement favorable aux pays sud-américains et dans une moindre mesure, au Mexique. En revanche les pays d’Amérique centrale, importateurs nets de pétrole et concurrents de la Chine sur le marché nord-américain du textile, ont non seulement souffert d’une détérioration des termes de l’échange mais ont enregistré en outre un ralentissement du taux de croissance de leurs exportations en termes réels.

De plus, l’amélioration de la situation économique de la région commence à jouer favorablement sur l’emploi. Son augmentation, due à la croissance soutenue des économies associée à un ralentissement du dynamisme de l’offre de main d’oeuvre, a rendu possible une baisse du taux de chômage. Il est passé de 10,3 % en 2004 à 9,3 % en 2005 (3). Ces chiffres encourageants ne doivent pas occulter le fait que malgré les baisses récentes du taux de chômage, celui-ci reste élevé si on le considère dans une perspective historique et une grande proportion des travailleurs se trouve en situation de faible productivité, faible revenu, précarité et absence de protection sociale.

Enfin, l’Amérique latine est entrée dans des processus d’intégration régionale, accompagné de la multiplication d’accords de libre-échange entre pays qui ont joué un rôle déterminant sur le commerce, contribuant à la croissance économique et au développement de la région.

III. Une situation sociale préoccupante

En effet, l’Amérique latine présente des indicateurs sociaux négatifs. Les rapports de 2003 indiquaient que l’Amérique latine avait recommencé à connaître la croissance, mais tout en maintenant un indice très élevé de pauvreté et d’inégalités sociales. « A la fin 2004, le rapport de la Banque mondiale sur l’Amérique latine et celui de la Commission économique pour l’Amérique latine de l’ONU (CEPAL) pour l’année 2005 paraissaient excellents » (4). Effectivement, la croissance s’est de nouveau installée dans la région. Mais dans une autre partie du rapport, la CEPAL indique que le dépassement de la pauvreté s’est enlisé il y a 7 ans et a reculé en 2004. Elle ajoute que dans la distribution des revenus, l’Amérique latine est la région avec les pires indicateurs, aggravé du fait que dans certains pays on constate même une accentuation de la concentration des revenus.

« Selon le rapport Faim et inégalité dans les Pays Andins, 27 % d’enfants en Bolivie souffrent de la faim, 26 % en Equateur et 25 % au Pérou. En Amérique centrale, la pauvreté affecte 18 % des citoyens du Costa Rica, 60 % de la population du Honduras et du Guatemala, 46 % de celle du Nicaragua et 43 % de celle du Salvador. En Bolivie, avec 9 millions d’habitants, 150 000 enfants meurent chaque année de maladies curables ; un enfant bolivien sur quatre souffre de la faim. Au Paraguay, 36 % d’une population de 6 millions d’habitants est pauvre ». (5)

Si nous prenons le chiffre de 5 dollars par jour comme niveau de pauvreté, plus de 70 % des latino-américains vivent dans la pauvreté et presque 40 % sont indigents et vivent avec moins de 2 dollars par jour. Autant dire que la situation sociale reste très préoccupante malgré le tournant vers la gauche des pays d’Amérique latine et bien que la situation économique se soit améliorée ces dernières années. Ces changements récents en Amérique latine n’ont pas encore eu de retombées sur la pauvreté et les inégalités présentes dans la région.

En effet, les progrès économiques ont été inégalement partagés entre les groupes de la société. On estime que sur 500 millions d’habitants, environ 200 millions sont en situation de pauvreté (seuil de 2 dollars par jour) (6). La croissance n’est pas accompagnée d’une augmentation corrélative du revenu de la population ; la région souffre donc de profondes inégalités dans la répartition des richesses. Elle est à cet égard considérée comme la région la moins équitable dans le monde.

IV. Des risques naturels élevés

L’Amérique latine dans son ensemble est l’une des régions du monde les plus sujettes aux catastrophes naturelles. Les secousses sismiques, les glissements de terrain, les éruptions volcaniques, les ouragans sont fréquents. Les catastrophes naturelles ont des effets destructeurs et meurtriers sur l’ensemble de la région. Des millions de personnes sont affectées humainement et matériellement de façon répétée. De manière générale, les populations les plus défavorisées sont les plus affectées.

En plus de ces catastrophes de grande ampleur, telles que l’ouragan Mitch (qui, selon la CEPAL, a causé des dommages de l’ordre de 8 milliards de dollars), la région est balayée par une série de désastres de moyenne et de petite importance dont les dégâts conjugués représentent plus de dommages et de perturbation que les grands désastres.

Notes :

(1) Sader (Emir), « Alternatives latino-américaines, » , février 2006, Le Monde Diplomatique, www.monde-diplomatique.fr

(2) Idem.

(3) Chiffres provenant du site de l’Elysée, www.elysee.fr

(4) Caño Tamayo (Xavier), « Amérique latine: bonnes expectatives économiques, et alors? » , 13 janvier 2005, article paru sur le réseau d’information et de solidarité avec l’Amérique latine, www.risal.collectifs.net

(5) Idem.

(6) Source : Banque mondiale, world development indicators 2001.