Allali Faarida, Paris, 2006
La symbolique de l’eau est un enjeu de taille dans les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens
L’eau constitue un instrument politique de premier ordre dans le règlement du conflit israélo-palestinien.
I. Le parent pauvre des accords de paix
Dans le conflit israélo-palestinien, l’eau constitue la pierre d’achoppement des négociations de paix, comme l’avait souligné le Premier ministre Itzhak Rabin « sans accord sur l’eau, il n’y aura pas d’accord ».
Il convient de se demander si les dispositions internationales et les accords de négociations vont permettrent à cette ressource naturelle de constituer le gage d’une paix future.
En ce qui concerne l’eau, Israël ne veut dépendre d’aucun pays voisin. Ainsi, au cours des négociations de paix la position adoptée par Israël consiste à dépouiller la question de l’eau de son aspect politique et à limiter le débat à son aspect technique.
Bien que les accords d’Oslo (1993-1995) étaient destinés à mettre un terme aux politiques restrictives israéliennes et permettre a création d’une autorité palestinienne de l’eau, ces accords, n’ont permis qu’une faible négociation sur les quotas d’eau alloués à l’Autorité palestinienne. Toutefois dans la pratique, la mainmise israélienne sur les sources d’eau attribuées aux Palestiniens, se poursuit et la dépendance des Palestiniens augmente. Ils dépendent même plus qu’auparavant du Mekorot, la société israélienne de distribution d’eau. En outre, il faut souligner le fait que bien qu’Israël ait rendu aux Palestiniens un réseau hydrographique extrêmement détérioré, l’accord ne l’en rend aucunement responsable et ne l’oblige pas à financer des réparations.
Par ailleurs, l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme (B’tselem) affirme qu’Israël ne respecte pas cet accord et empêche l’Autorité palestinienne de recevoir l’approvisionnement prévu, par de nombreux obstacles bureaucratiques qui retardent le forage de nouveaux puits palestiniens. Le problème du partage de l’eau ressort notamment d’un blocage psychologique, d’une paranoïa réciproque alimentée du côté israélien par la peur de voir l’Autorité palestinienne prendre le contrôle d’une ressource aussi stratégique que l’eau, et entretenue chez les Palestiniens par la crainte de voir se poursuivre les politiques israéliennes. En outre, la persistance des mouvements extrémistes juifs et palestiniens et la poursuite de la stratégie hydraulique israélienne, ont figé la situation.
Ainsi, en raison des divergences dans l’approche de la question de l’eau, la Déclaration de Principes aboutit à une impasse.
Il convient également de souligner que les agissements discriminatoires d’Israël constituent des violations des règles et des lois internationales.
En effet, nous pouvons mentionner quelques règles des lois internationales qui n’ont pas été respectées :
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L’article 43 de la Convention de La Haye de 1907, interdit à l’Etat occupant de modifier la législation existant avant l’occupation. Or, les ordres militaires qu’Israël a imposés en ce qui concerne les ressources en eau et la distribution de l’eau dans les territoires occupés ont nettement changé les structures légales et institutionnelles du secteur hydrologique.
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L’article 55 de la Convention de La Haye, limite le droit des Etats occupants à utiliser les sources d’eau du territoire occupé. Cette utilisation doit être limitée aux besoins militaires. Or, l’utilisation de la nappe phréatique des territoires occupés par les colonies ne répond pas à ces critères.
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L’article 27 de la quatrième Convention de Genève, en 1949, interdit à l’Etat occupant d’établir une discrimination entre les résidents du territoire occupé. Or, le volume d’eau fourni aux colonies est largement plus élevé que celui des Palestiniens.
Selon le droit international, le principe essentiel sur lequel se fonde la répartition des eaux communes entre des Etats, est le principe d’utilisation équitable et raisonnable. Ce principe se base sur la doctrine de souveraineté limitée qui stipule que, puisque l’ensemble des bassins d’approvisionnement des cours d’eau sont hydrologiquement interdépendants, les Etats ne peuvent utiliser, comme ils l’entendent, l’eau située sur leur territoire, mais sont tenus de prendre en considération les autres Etats qui partagent ces ressources. Toutefois, ce principe ne détermine pas avec précision les droits de chaque Etat qui partage des cours d’eau internationaux. Il expose plutôt les facteurs à prendre en compte dans les négociations entre Etats autour de la répartition.
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L’article 6 de la Convention des Nations Unies sur les règles de l’utilisation des cours d’eau internationaux non navigables énumère sept de ces facteurs.
Malgré le fait qu’il existe un large consensus international concernant l’applicabilité de la quatrième Convention de Genève dans les territoires occupés, les responsables israéliens refusent d’appliquer cette Convention car, selon eux, ce ne sont pas des territoires occupés au sens légal du terme.
Ainsi, la résolution du contentieux israélo-palestinien au sujet de l’exploitation hydraulique passera par un consensus juridique qui lui même devra s’inscrire dans le cadre plus général d’une nouvelle diplomatie régionale plus encline à une paix future.
II. Le gage d’une paix future
Le problème de l’eau entre Israéliens et Palestiniens est une préoccupation qui a toujours existé. En revanche, les véritables défis auxquels la politique est confrontée, ne sont pas les événements de surface, mais bien les problèmes et défis plus profonds tels que la stabilisation de la croissance de la population et la révision de la matière avec laquelle le problème de l’eau sera résolu.
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La recherche d’une solution durable
Des techniques d’irrigation améliorées, recyclage et dessalement, ou consommation rationnelle de l’eau ne sont que des solutions à court terme que politiciens et ingénieurs du Moyen-Orient conviennent d’attaquer si l’insuffisance d’eau devient à nouveau péniblement ressentie. Quant à une solution durable, elle résultera dans la prise en charge par tous les pays de la région du problème imminent du manque d’eau. Et donc, plus que par de grands travaux d’infrastructure, c’est par la coopération au développement et la stabilité économique et sociale que seront remplies les conditions nécessaires pour permettre aux pays de la région de mieux s’adapter aux conséquences du déficit croissant en eau. Rappelons les mots de John Friedman, conseiller du précédent Premier ministre Ehoud Barak, à la Conférence mondiale sur l’eau en mars 2000 à La Haye: « Une solution régionale au problème de l’eau doit intervenir au plus tôt. Nous devons conclure la paix dans les prochains mois, sinon nous serons des criminels » .
Ainsi, l’accroissement démographique, l’urbanisation croissante et les conséquences de l’implantation de l’Etat d’Israël ont donné à cet élément naturel vital qu’est l’eau, une forme d’instrument politique aussi bien intérieure qu’extérieure de premier ordre, bien que souvent peu avoué. La solution de ce problème structurel ne peut s’imaginer que sous la forme d’une coopération régionale. Il est cependant bien utopique de penser cette coopération dans le contexte conflictuel actuel. Pourtant, l’Europe traumatisée d’après-guerre a réussi une coopération régionale sur des matières premières avec la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. Peut-on imaginer une comparaison de cette réussite historique avec Israël, la Palestine et le problème de l’eau ? C’est peut-être à ce niveau que l’Europe et les Etats-Unis ont un rôle à jouer en offrant les possibilités de mise en œuvre des mécanismes de coopération. Le besoin de paix au Moyen-Orient est une question d’ordre international tant cette région est, et restera pour longtemps, le cœur énergétique et donc stratégique de la planète.
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La nécessité d’un relais mondial
La dimension internationale du problème impose une organisation à l’échelle planétaire, afin de tout mettre en œuvre pour se donner les moyens de comprendre les enjeux particuliers, pour créer les instruments et les institutions d’une gestion plus efficace et concertée. Les solutions ont donc besoin d’un relais mondial, de réseaux d’experts et d’acteurs. Ces derniers ont d’ailleurs proposé des plans de partage et de gestion des aquifères de Cisjordanie, reposant sur des prospectives concernant le concept de « besoin d’eau minimum » et donnant lieu à la présentation de plusieurs « principes élémentaires » extensibles à l’ensemble des litiges.
Concrètement, on pourrait envisager la mise sur pied d’une Agence régionale de l’eau, qui dépendrait des Nations Unies, afin de garantir son financement et sa crédibilité. Cette instance aurait pour vocation première de centraliser les données techniques relatives à l’eau dans la région et de diffuser toutes les informations utiles, auprès des différents gouvernements. Elle serait aussi un forum établissant des échanges sur les techniques hydrauliques de chaque Etat. Elle pourrait coordonner des programmes communs à plusieurs Etats afin d’exploiter des sources d’eau transfrontalières.
La mise en place de ces propositions techniques, devant assurer une meilleure gestion des ressources hydrauliques, ne suffiront pas à résoudre le conflit israélo-palestinien.
L’Etat Hébreu a toujours dépossédé le problème de l’eau de son aspect politique. Ainsi, l’eau était reléguée au second rang dans le processus de paix.
Par ailleurs, l’objectif de normalisation des relations diplomatiques dans la région ne peut être acquis sans un consensus autour d’une gestion régionale des ressources en eau ; on pourrait parler ici d’une « normalisation régionales des stratégies hydrauliques » en tant qu’étapes obligée du processus de paix au Proche Orient. L’eau pouvant ainsi jouer un rôle fédérateur entre les pays de la région.
Mais comment convaincre Israël d’un partage plus équitable des ressources en eau, susceptible de diminuer son niveau de développement et son prestige de « peuple élu de Dieu » ayant reçu une « terre promise » censée être riche et fertile.
III. Conclusion
Cette lecture originale du conflit israélo-palestinien, à la lueur de la Bible, permet de comprendre les éléments qui sont réutilisés par les sionistes afin de faire « fleurir ce désert » et de maintenir la position de « peuple élu » . La survie de ce peuple élu, grâce à l’eau (passage de la Mer Rouge, etc.) ainsi que la survie de ce désert, n’a pu et ne peut se faire sans eau.
Ainsi, le contrôle des ressources hydriques dans la région par Israël permet de consolider sa position dominante, sa viabilité, sa sécurité, sa prospérité, et de maintenir ainsi les promesses de Dieu à savoir :
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Une terre promise, d’où s’écoulent le « lait et le miel » , c’est-à-dire une terre féconde capable de nourrir son peuple, où il peut se développer et se développer.
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Un peuple élu qui fait parti des « bons » , un peuple sauvé et libre qui ne doit manquer de rien pour vivre bien.
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Ce peuple qui a survécu est l’exemple du salut. Il doit monter sa particularité. Celle-ci passe par la preuve qu’il ne manque de rien et qu’il peut exporter ses produits et ses valeurs dans le monde entier. Dieu a promis d’en faire une grande nation et que c’est par elle que se fera le salut.
Cette interprétation du conflit israélo-palestinien et de l’hydro stratégie israélienne, permet de voir comment Israël réutilise cette portée symbolique religieuse pour l’intégrer dans sa politique. De sa dimension mythique, l’eau est devenue une réalité géopolitique, tout comme la terre et ses frontières.