Karine Gatelier, Grenoble, France, septembre 2005
La société civile : des leviers de pouvoir pour l’avenir
Différentes sortes de structuration et d’organisation des sociétés peuvent constituer des leviers de pouvoir pour le futur.
Nous proposons une définition plus large de la société civile : la définition occidentale ne reconnaît l’existence d’une société civile qu’en présence d’ONG, de syndicats, de partis politiques... Nous étudierons différentes sortes de structuration et d’organisation des sociétés qui peuvent constituer des leviers de pouvoir pour le futur. La place des diasporas sera étudiée pour analyser les changements qu’elles peuvent apporter à une société, selon en particulier l’exemple de l’Ukraine et de la Géorgie où le Premier Ministre est une ancienne fonctionnaire française.
Anna Politkovskaïa (1) analyse le procès Boudanov comme un révélateur de la non-réactivité des Russes. Au cours de la longue mascarade de procès durant laquelle le colonel Boudanov était couvert par la hiérarchie militaire et affirmait que son crime était justifié “par les nécessités de la guerre”, les organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas manifesté pour dénoncer cet odieux procès. D’autre part, les femmes russes, dans leur grande majorité, n’ont pas exprimé leur haine pour ce violeur et ne se sont pas identifiées à la famille de la victime. Lorsqu’il a été innocenté, l’opinion publique ne s’est pas indignée. Toute la Russie jugeait que c’était juste et normal. Elle constate la même passivité et absence de réaction face à un certain nombre de faits divers révoltants - vieil homme de plus de 80 ans, vétéran de la Seconde guerre mondiale, mort de froid dans son appartement de Irkoutsk. Poutine lui-même est resté muet sur cet événement et la nation russe a accepté ce silence.
En Russie, l’action au pouvoir de Vladimir Poutine a détruit tous les piliers traditionnels de l’opposition (partis politiques, médias, oligarques). L’opposition politique est même maintenant apparentée à une dissidence. La captation des richesses au moment des privatisations a largement contribué à étouffer la culture démocratique naissante. La passivité et l’apathie sont héritées du régime de terreur et participent à l’érosion de la cohésion sociale.
Le Parti de la Démocratie chinois a connu une éphémère existence et il fut finalement interdit. Mais en 1987, les élections de comités de village permettent l’émergence d’une culture démocratique même si elles ne représentent pas un réel mécanisme démocratique du fait de la corruption, du manque de compétition électorale, de l’absence de pouvoir des comités puisque les décisions sont prises par les cellules locales du parti. D’un autre côté, la croissance exponentielle des publications et des moyens de diffusion rend de plus en plus difficile le travail des censeurs. Internet est un enjeu de taille pour le pouvoir qui se fait aider de firmes étrangères pour mettre en place un système de contrôle et de censure de certains sites, de certains mots (démocratie, liberté). Il procède également à des fermetures de cybercafés.
L’hégémonie du PCC malgré quelques tentatives de créer d’autres partis demeure. La direction donnée est celle du développement économique et du dirigisme contre la liberté et la démocratie. Les intellectuels, de leur côté, ne sont pas arrivés à se structurer en force extérieure au PCC. Les lettrés ont une conception paternaliste et n’hésitent pas à recourir à l’argument culturaliste selon lequel la société chinoise n’est pas assez éduquée. L’idée d’égalité n’est pas au cœur des revendications. Les tentatives de résistance rencontrent plusieurs obstacles comme la répression extrêmement dure exercée par le pouvoir et surtout l’absence de mémoire des événements du fait de la censure et de la propagande du régime qui empêche une conscience collective d’émerger.
Notes
(1) Anna Politkovskaïa, La Russie de Poutine, éditions Buchet/Chastel, Paris, 2004