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, Paris, 2005

Construire la paix par la seule expérience

La construction de la paix doit être adaptée suivant les cultures, les situations, et faire le va-et-vient entre les théories définissant la finalité et les expériences infirmant ou validant le postulat de départ.

I. L’approche pragmatique

Le pragmatisme est une tendance philosophique, plutôt qu’une doctrine déterminée, faisant le postulat qu’une proposition devient vraie lorsqu’elle est vérifiée par les événements. Il est illustré par l’adage « je ne crois que ce que je vois ». Le pragmatisme, qui valide la théorie par l’expérience, conduit à tirer les théories de l’expérience.

Il y a là un travers manifeste de cette approche, puisqu’il devient possible d’orienter les expériences pour valider une théorie préconçue.

Toutefois, dans une optique de résultats probants, la méthode a le mérite de présenter immédiatement la validité de la méthode. Ces expériences permettent ensuite de valider des théories, qui auront pu être formulées ad hoc.

II. L’exportation des expériences humaines

Lorsqu’une expérience se révèle concluante au niveau local, grande est la tentation de la généraliser en l’étendant à d’autres contrées ou à d’autres sphères de l’expérience humaine. Or, cette méthode n’est pas toujours concluante, puisque les réalités d’un endroit diffèrent de celles que l’on trouve là où on souhaite exporter l’expérience.

Ainsi, la généralisation au niveau mondial d’expériences concluantes au niveau local relève également de la négation de tout relativisme culturel, puisqu’elle considère que ce qui est vrai en un endroit sera tout aussi vrai ailleurs.

Or, en matière de construction de paix, les expériences positives se basent inévitablement sur le substrat culturel et les perceptions particulières de la population concernée. Il est impossible dans ces conditions de reproduire exactement des expériences.

III. Le pragmatisme local fait le lit du particularisme dissolvant d’autres solidarités

Une autre utilisation de la technique expérimentale en matière de paix n’est plus d’importer une expérience s’étant révélée concluante sous d’autres latitudes, mais de tenter l’expérience, dans le sens où un projet pilote fait figure de prototype qui pourra être généralisé en cas de succès sur une petite fraction de la population visée.

Cette dernière méthode sera la plus efficace, car elle permet d’évaluer précisément et à moindre coût la validité d’une technique de paix. Comme l’expérience est destinée à être élargie sur une aire géographique homogène, le risque d’inadéquation sociale abordé plus haut est moins important. Cette méthode constitue alors un compromis entre la théorie et la pratique, elle semble adaptée à une construction efficace de la paix.

Toutefois, elle a le travers de faire la part trop belle au particularisme culturel et d’exagérer la spécificité de chaque micro-culture. La différentiation culturelle et le respect des particularismes peut se révéler in fine contre-productif, puisqu’il va dans le sens d’une fragmentation de la société. Il y a un problème d’échelle, car ce qui est vrai au niveau mondial ne l’est plus au niveau national : l’application d’un modèle de développement uniforme au niveau mondial niant les particularités culturelles propres à chaque peuple relève d’une logique impérialiste. En revanche, la différentiation de toute initiative à chaque « communauté culturelle » - pour reprendre le terme québécois désignant les minorités ethniques- peut conduire à une exacerbation du communautarisme et à une disparition en conséquence d’autres types de solidarité.

Ainsi, la construction de la paix doit être adaptée suivant les cultures, les situations, et faire le va-et-vient entre les théories définissant la finalité et les expériences infirmant ou validant le postulat de départ.