La paix par la seule connaissance scientifique
Même si la connaissance scientifique peut être un outil utile pour construire la paix, il semble, à la lumière de l’Histoire, qu’il n’y ait pas de solutions clefs en main pour la paix, au grand dam des sciences humaines.
I. Tout est explicable par la science
La prétention de vouloir construire la paix uniquement par la science découle de la conception que tout est explicable par la science. L’univers serait régi par des lois qu’il convient juste de connaître. Descartes a principalement développé cette pensée, et il est en ce sens un héritier du dogmatisme, qui considère que l’homme a la faculté de parvenir à la vérité absolue par la raison.
Ce cartésianisme, qui imprègne une partie de la pensée intellectuelle occidentale, conduit à attribuer aux sciences la tâche de résoudre les conflits : les sciences sociales détermineront les ressorts de l’agressivité entre individus et entre sociétés ; les sciences physiques pures mettront au point des armes non létales, les sciences chimiques travailleront sur les pulsions d’agressivité, les sciences politiques aboutiront à un système de société pérenne et pacifiée…
II. L’apport de la théorisation en sciences sociales : Auguste Comte ; le structuralisme
Au XVIIème siècle, Auguste Comte voulait expliquer l’homme par l’humanité, et non l’humanité par l’homme. Sa théorie du positivisme indique que toutes les sciences convergent progressivement vers la sociologie. Il est alors possible de tirer des règles régissant les sociétés humaines, et sur lesquelles il devient possible d’influer pour parvenir scientifiquement à un état de paix. Or, cette théorie implique un sens de l’histoire, car si toutes les sociétés suivent un même schéma directeur, elles sont vouées à passer les mêmes étapes dans leur développement. Le relativisme culturel a depuis bien longtemps balayé cette conception d’un parcours défini suivi par toutes les sociétés humaines. Claude Levi-strauss s’est particulièrement distingué par sa conviction du relativisme culturel. Or, cette même personne est à l’origine d’une pensée systémique applicable aux sciences sociales : le structuralisme.
Le structuralisme pose la base qu’une structure est formée d’éléments subordonnés à des lois caractérisant le système comme tel. Tout élément est défini par le croisement de deux axes. L’objet n’est plus une chose en soi, mais une chose en référence à un système. Cette théorie structuraliste a fait figure de révolution dans le domaine des sciences, et particulièrement des sciences sociales. Son apport est incontestable.
III. Les limites de la théorisation des sentiments humains
La théorie permet de prendre du recul sur les événements, de tirer des conjectures, d’anticiper des situations, de modéliser la réalité. Toutefois, les théories scientistes pour la paix sont souvent éloignées des réalités du terrain, et elles se révèlent au mieux inapplicables, sinon ridicules.
En effet, une théorie applicable en tout point implique que l’humanité partage des valeurs et des modes de fonctionnement universels. Or, le relativisme culturel mis aujourd’hui en avant par les sciences sociales tend justement à prouver le contraire. Il est impossible de modéliser les sociétés humaines.
Les soviétiques ont souhaité appliquer le principe d’unicité à l’ensemble des populations qu’ils dominaient. Si ce modèle de développement unique a pu sembler probant tout au long de la période soviétique, il a brutalement fait preuve de son inefficacité au moment de la chute du régime, puisque tous les peuples se sont rassemblés sous la bannière de leur nation, et les inimitiés ancestrales ont immédiatement resurgi (Ukraine-Russie, Estonie-Lettonie-Lituanie…). Ceci constitue la preuve que l’application d’une théorie unique censée être fédératrice n’a pu annihiler les pulsions guerrières ni modeler une société globale homogène. L’apparente homogénéité n’a été rendue possible que par le grand pouvoir de dissimulation du régime soviétique.
Les conséquences de l’application de théories censées atteindre un niveau universel sont d’une part qu’elles soulèvent les rires tant elles sont inadaptées aux réalités du terrain ; et d’autre part qu’elles vont dans le sens d’une uniformisation de la planète. Même si la connaissance scientifique peut être un outil utile pour construire la paix, il semble, à la lumière de l’Histoire, qu’il n’y ait pas de solutions clefs en main pour la paix, au grand dam des sciences humaines.