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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Kinshasa, 2015

Le pétrole du parc Virunga : potentiel de conflits et enjeux géopolitiques pour la RDC

L’histoire du pays est marquée par l’exploitation de ses ressources humaines et géologiques. De plus en plus, les compagnies pétrolières sont actives en Afrique. En 2010, le gouvernement congolais a signé des contrats de partage de production de pétrole couvrant 85% de la superficie du parc Virunga, alors même que la loi congolaise y interdit toute exploitation et que ce parc est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO…

Mots clefs : Géopolitique et paix | Bonne gouvernance et paix | Utilisation responsable et durable des sols | Partage équitable de la terre | Pétrole et paix | Préserver l’environnement pour éviter le conflit | République Démocratique du Congo | Ouganda | Rwanda | Région des Grands lacs | Nigeria | Gabon | Kivu | Togo

Introduction

Depuis 1990, plusieurs conflits violents ont été alimentés par l’exploitation des ressources naturelles. En fait, des études récentes suggèrent qu’au cours des soixante dernières années au moins quarante pourcent (40%) de l’ensemble des conflits interétatiques présentent un lien avec les ressources naturelles. Des guerres civiles, telles que celle du Libéria, ont été centrées sur des ressources de « grande valeur » comme le bois, les diamants, l’or, les minéraux et le pétrole. Étant donné que la population mondiale continue de croître, et la demande en ressources continue d’augmenter, il existe un potentiel significatif pour que les conflits portant sur les ressources naturelles s’intensifient dans les décennies à venir. En outre, les conséquences sur l’exploitation du pétrole et la gestion du revenu pourraient aggraver les tensions existantes et générer là aussi des conflits.

Bien qu’exploité depuis les années 1960, sur la côte atlantique, le pétrole de la RDC est une ressource naturelle qui est restée dans l’ombre des richesses minières et à laquelle le gouvernement congolais n’a jamais prêté beaucoup d’attention. Mais, depuis quelques années, sous l’effet de la frénésie d’exploration qui s’est emparée de l’Afrique1, le secteur pétrolier sort de l’ombre et la RDC fait l’objet d’un intérêt renouvelé de la part des compagnies pétrolières.

Pour mener notre réflexion, cet article abordera les parties traitant respectivement des questions ci-après :

  • 1. Enjeux globaux de l’énergie depuis le 11 septembre 2001. Ces enjeux se focalisent sur la nécessité des États-Unis, de diversifier leur approvisionnement en pétrole pour moins dépendre des pays du golf.

  • 2. Ressources sur un espace transfrontalier (RDC – Ouganda). Cette dimension transfrontalière implique l’importance d’accords conjoints signés entre les deux pays à Ngurdoto, visant l’amélioration de la coopération dans le même domaine d’exploration et d’exploitation mais qui a abouti à des désaccords suite au contexte particulier de la méfiance.

  • 3. Dimension politique basée sur la gouvernance et la transparence. Les données sont traitées pour montrer la façon dont l’État congolais a signé les contrats avec les différentes sociétés, les législations et le code minier ainsi que la gestion du revenu de la production dont la restitution des 40% aux provinces.

  • 4. Dimension environnementale : le point de vue de l’Unesco, celui des habitants du parc et la dégradation de la biodiversité de ce patrimoine mondial.

  • 5. Implications locales et rivalités interethniques : cet aspect aussi important, nous montre le risque que cette exploitation aggrave les conflits (qualifiées de haut risque) entre zones de production et d’autres territoires et entre les ethnies ;

  • 6. Les capacités économiques et financières sur une région instable. Le Kivu qui est une région instable va se constituer en 3 pôles économiques et financiers en dehors du Katanga et de Kinshasa. Cette explosion de la richesse risque de bouleverser la géopolitique interne du pays.

  • 7. Enfin, minerais de l’Est de la RDC, un besoin de plus en plus stratégique.

Le Kivu et l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) étant fragiles, on a besoin de consolider les rapports entre États, entre État central et Provinces, État et population, et entre groupes ethniques, etc. L’exploitation du pétrole permet – elle cette consolidation ?

1. Enjeux globaux de l’énergie depuis le 11 septembre 2001

Le 11 septembre 2001, n’a pas seulement été marqué par la destruction des tours jumelles des Manhattan. L’événement a entraîné un bouleversement de la géopolitique internationale2.

L’énergie occupe une place vitale dans le monde actuel et le pétrole en fournit plus de la moitié3. Entre 1970 et 1973 la scène pétrolière mondiale a été bouleversée par une série d’événements qui, globalement, constituent un tournant fondamental dans l’histoire du pétrole.

En quelques mois, les nationalisations algériennes et irakiennes, les accords de Téhéran, de Tripoli, de Genève et de New York ont balayé les anciennes règles du jeu pour faire face à un nouveau monde. Ce nouveau monde n’est pas né du hasard, il est le produit d’une longue évolution qui a soudain abouti à un point de rupture.

En 1970, une simple rupture des approvisionnements fait prendre conscience aux principaux pays importateurs à quel point ils dépendent encore pour longtemps du pétrole.

L’Afrique devient de plus en plus intéressante pour l’industrie pétrolière globale4. Les projections de la consommation mondiale de produits pétroliers passent de 70 millions de barils par jour à 120 millions par jour d’ici 2030 (soit une augmentation de 55%).

Les puissances occidentales, à commencer par les États-Unis, considèrent désormais qu’il est urgent de remettre de l’ordre en Afrique centrale : désarmer les francs tireurs, consolider les pouvoirs en places en les obligeant à faire des concessions, imposer la paix à défaut de la réconciliation.

Les deux tiers des réserves globales de pétrole connues se trouvent au Moyen-Orient, et pour satisfaire une demande accrue, la production devrait doubler. Mais la dépendance de cette zone atteindrait alors un niveau politiquement inacceptable. Ainsi, les sociétés pétrolières internationales majeures sont engagées dans la recherche de nouveaux gisements de pétrole.

De ce point de vue, l’Afrique est au premier rang. Le continent fournit 11% de la production mondiale de pétrole, 14,3% des importations des États-Unis, et 23,1% pour l’Europe de l’Ouest.

Les importations des États-Unis sont censées augmenter considérablement, et les experts américains estiment que l’Afrique fournira un quart (1/4) de leurs importations. La production pétrolière en Afrique Sub-saharienne s’est concentrée dans le Golfe de Guinée, dans un cercle de pays qui va du Nigeria à l’Angola en passant par Sao Tomé, le Cameroun, la Guinée Équatoriale, le Gabon, le Congo Brazzaville et la République Démocratique du Congo. La nécessité de diversifier l’approvisionnement américain en pétrole s’explique par le besoin de moins dépendre des pays du Golfe. Les réserves connues dépassent 90 millions de barils. Les États-Unis comptaient déjà investir $35 milliards dans cette région

Le pétrole comme activité industrielle et politique5, peut produire des bénéfices assez importants et est une matière tellement vitale aux économies industrielles que l’histoire du pétrole est étroitement liée à la domination politique et économique des grandes puissances ainsi qu’aux mouvements d’indépendance nationale. L’appropriation du pétrole par les pays industrialisés s’accompagne très fréquemment d’enjeux et d’actions politiques.

Sur le plan économique, les recettes pétrolières des États producteurs constituent une masse importante de devises qui peut troubler le système monétaire international, quant à la tendance à la hausse du prix du pétrole, elle renforce considérablement les tensions inflationnistes mondiales. L’économie du pétrole est souvent présentée comme un jeu qui met aux prises trois groupes de protagonistes : les pays exportateurs, les pays importateurs et les sociétés pétrolières. L’exploitation du pétrole comprend plusieurs phases successives à savoir ; l’exploration, la production, le transport par oléoduc, le transport maritime, le raffinage, la distribution.

Chaque phase peut être localisée à un endroit différent et les agents économiques qui participent à l’activité pétrolière peuvent être soit verticalement intégrés, soit n’intervenir qu’à l’un des stades du circuit.

Les conflits en R.D.Congo sont dus en partie au fait que le pays est riche non seulement en ressources naturelles, minières et forestières, mais aussi hydroélectriques. La RDC souffre du paradoxe de l’abondance. Malgré ces vastes richesses, la population figure parmi les plus pauvres du monde6. L’exploitation de ces ressources naturelles qui est devenue un point de fixation pour la communauté internationale, depuis la fin des années 1990, n’est pourtant pas nouvelle7.

L’histoire du pays est marquée par l’exploitation de ses ressources humaines et géologiques. Malheureusement, l’indépendance de 1960 n’a pas apporté de sursis. Cette exploitation a perduré durant les 32 ans de pouvoir de Mobutu, qui accordait des concessions minières et forestières à ses alliés et amis en échange de leur soutien militaire et politique8.

Ainsi, nous nous posons la question de savoir quel est l’enjeu politique pour la R.D.Congo de gérer le pétrole du parc Virunga (Zone où règne des seigneurs des guerres, des violences…) toute seule et à quel risque de conflits, doit-elle faire face. De plus en plus, les compagnies pétrolières sont actives en Afrique. Les compagnies américaines, tant les « majors » que les indépendants deviennent également plus actives en Afrique, d’autant plus que depuis plusieurs décennies, l’Afrique est une nouvelle priorité des États-Unis en matière d’approvisionnement énergétique et de relations commerciales. Les exportations de l’Afrique vers les États-Unis ont dépassé les 85 milliards de dollars9, dont 80% pour les hydrocarbures. À titre d’exemple, Exxon mobil est devenu le second producteur international de pétrole en Afrique. Les États-Unis importent le pétrole des pays africains.

Le Nigeria avait exporté le pétrole brut vers les États-Unis ; en 2002 près de 600.000 barils par jour grâce à la société Chevron Texaco10. Quant à l’Angola, en 2003, elle avait exporté plus de 350.000 barils par jour vers les USA.

Concernant le Gabon, 3ème pays producteur de pétrole de l’Afrique Subsaharienne, plus de 45% de sa production est exportée vers les États-Unis.

Quant au Togo, de 1996 à 2012 au moins 853.000 barils de pétrole ont été importés par les États-Unis. En 1996, 55.000 barils contre 246.000 barils en mars et juin 1997 et, en janvier 2000, 127.000 barils ; douze ans plus tard, soit en 2012, 425.000 barils en Août et octobre soit un total de 853.000 barils11.

La production de pétrole de la RDC est passée de 8 545 000 barils par jour en 2012 à 8 531 000 barils en 2013, soit une baisse de 2,3%12.

Les États-Unis sont des sociétés de grande consommation de pétrole13, un Américain consomme 25 barils de pétrole par an, soit 3 977 litres14. Les États-Unis devront importer d’ici 2020, presque 45% de l’énergie totale à consommer ce qui équivaut à une importation de 20,8 millions de barils par jour sur une consommation d’environ 25,7 millions de barils en 201515.

 

Production des ressources naturelles : pétrole brut de la RDC de 2009 à 2012 :

Source : Fédération des Entreprises du Congo (FEC), Note de conjoncture économique, 1 semestre 2013
Unités2009201020112012Cumul Mai 2013
1000 barils93828628855885453561

Production Africaine du pétrole Brut de 2009 à 2012

Source : www.planetoscope.net, statistiques de production mondiale du pétrole : comité professionnel du pétrole, oil and Gaz journal
2009201020112012Réserves prouvées au 1er Janvier 2013
Millions de tonnes : 459.5 et % : 12,2Millions de tonnes : 480,6 et % : 12,6Millions de tonnes : 419,5 et % : 10,7Millions de tonnes : 451,6 et % : 11,2Millions de tonnes : 17406 et % : 7,8

2, Dimension transfrontalière : ressources sur un espace transfrontalier (RDC-Ouganda)

Comme tous les grands lacs, le Lac Albert, dans le district de l’Ituri, est une frontière naturelle, dont la limitation pose problème depuis le début des prospections pétrolières. Dès 2003, le pétrole est associé aux violences qui secouent l’Ituni et perçu comme une des causes de l’intrusion des troupes ougandaises16.

En 2007, la définition floue de la frontière a entraîné de brefs affrontements entres les armées congolaise et ougandaise. Malgré des tentatives d’accords, le dialogue entre Kinshasa et Kampala reste empreint de méfiance et échoppe sur plusieurs problèmes qui restent en suspens. Ces tensions sont d’autant plus vives que l’exploration progresse rapidement du côté ougandais du Lac alors qu’elle semble très lente du côté congolais. Depuis la fin des années 90 déjà, l’Ouganda exploite des ressources minières au Congo. Le dernier rapport du groupe d’experts onusiens indique en détails comment politiciens et militaires ougandais s’enrichissent et coopèrent avec divers groupes rebelles, dont le M23, pour exporter de l’or ou du bois tropical précieux en dehors de la RDC.

La problématique de l’exploration du pétrole autour du Lac Albert a été décelée dans cette région frontalière depuis longtemps. Le côté ougandais du Lac est exploré dès 1938 par shell et entre 1952 et 1954 du côté congolais17. Il a fallu attendre 1997 et la signature d’un premier contrat d’exploitation entre le gouvernement ougandais et Héritage Oil pour constater un regain d’intérêt pour le Lac Albert. L’arrivée de la firme TULLOW Oil au Congo en 2006 a confirmé cet intérêt renouvelé. Pendant ce temps, l’Ituri est en proie à des violences interethniques et occupé par l’armée ougandaise qui se livre au pillage économique18.

Le 02 juin 2002, le gouvernement congolais avait été approché par la firme Britannique Héritage Oil pour étudier le potentiel pétrolier et avait signé un protocole d’accord portant sur l’exploitation d’un immense périmètre de 30.000 Km allant de la ville de Rutshuru, au sud du Lac Albert19.

En dépit de cet accord, la prospection est restée au point mort du côté congolais du fait, entre autres, du contexte sécuritaire qui ne s’est véritablement apaisé qu’à partir de 2005. Pendant ce temps,la prospection s’est développée du côté ougandais, entraînant un regain de tension entre les deux pays, en particulier à propos de la souveraineté de l’Ile de Rukwanzi20.

Le travail de prospection avait donc progressé sur la rive ougandaise du Lac dans un climat de tension post-conflit. L’héritage de la guerre, le ressentiment congolais vis-à-vis de KAMPALA est alimenté … le 1er Août 2007, les forces armées de la RDC (FARDC) avaient fait prisonnier quatre soldats des forces de défense patriotique ougandaise (UPDF), les accusant d’avoir traversé la frontière de Rukwanzire21. Deux jours plus tard, les deux armées s’étaient affrontées et un ingénieur de la société avait été tué.

Le 08 sept 2007, grâce aux bons offices du président Tanzanien, Joseph Kabila et Yoweri Museveni avaient signé à Ngurdoto des accords selon lesquels les deux parties s’engageaient à améliorer leur coopération, notamment dans le domaine d’exploration et d’exploitation des gisements pétroliers transfrontaliers. Ces accords de Ngurdoto visaient, entre autres, à réaffirmer le respect des frontières héritées de la colonisation et à prévoir l’exploitation commune des nappes pétrolières du Lac Albert. Mais le 25 septembre, dix–sept jours seulement après la signature des accords de Ngurdoto, un nouvel accrochage mortel entre les deux forces armées FARDC et UPDF avait eu lieu.

Sur les rives du Lac Albert, la progression de la mise en valeur pétrolière est aujourd’hui encore à l’avantage de l’Ouganda : son gouvernement envisageait un début de production en 201422 tandis que le Congo en juin 2010, venait seulement d’attribuer les blocs du Lac Albert à des sociétés qui seraient inconnues en milieu pétrolier.

Le passage de la prospection à la production du côté ougandais pose de nouvelles questions quant à la coopération entre les deux pays : celles de l’évacuation du pétrole de l’Ituri et éventuellement de son raffinage. En effet, RDC et Ouganda veulent tous deux s’équiper d’une raffinerie et d’un oléoduc. Compte tenu des retombées financières, Kampala souhaiterait que le pétrole de son voisin transite et soit raffiné chez lui tandis que Kinshasa craint cette dépendance énergétique.

Pour éloigner cette perspective, les autorités congolaises évoquent un contre-projet gigantesque d’évacuation par l’Ouest. De ce fait, les démarches ougandaises qui mettent en avant la complémentarité industrielle et économique, se sont heurtées à une fin de non-recevoir de la part de Kinshasa23. Finalement, en février 2011, Kampala a annoncé la création d’un oléoduc qui, selon les autorités ougandaises, devrait relier la RDC au port de Mombasa via l’Ouganda .

Nada Hamour24, nous apprend que le contrôle des zones pétrolières constitue un énorme enjeu pour les États, comme l’atteste de nombreux conflits diplomatiques et militaires. Aujourd’hui, les conflits frontaliers autour des territoires riches en pétrole occupent une place importante. Cette situation a d’ores et déjà d’importantes conséquences géopolitiques. Elle explique en grande partie la volonté des grandes puissances de faire main basse sur les ressources pétrolières des différentes régions qui en regorgent dans le monde entier, tel est le cas du Moyen-Orient25.

Alors, le pétrole va-t-il permettre de résoudre ce type d’enjeux frontaliers ?

3. Dimension politique : gouvernement et transparence

a. Contrats avec les sociétés, pôles de décisions politiques et administratives.

La découverte des gisements de pétrole dans le Lac Albert entre l’Ouganda et la RDC attire aujourd’hui plusieurs grandes compagnies pétrolières dans la région, du côté ougandais les réserves évaluées entre 800 millions et 2.5 milliards de barils sont subdivisées en cinq blocs et les blocs 1, 2, 3, et 4 réputés potentiellement rentables, sont partagés entre trois compagnies principales : l’anglaise Tullow Oil, la chinoise CNOOC et la française Total.

Du côté de la RDC, comme il s’agit du même bassin du Graben, les mêmes compagnies pétrolières qui opèrent en Ouganda, sont intéressées dans l’exploration et l’exploitation des gisements pétroliers congolais. En effet, héritage Oil avait signé un protocole d’accord d’exploitation le 2 juin 2002 avec le gouvernement de Joseph Kabila. En 2005, après un appel d’offre lancé par le gouvernement congolais et gagné par Héritage Oil, les blocs 1 et 2 de la rêve congolaise du Lac Albert ont été répartis entre héritage Oil, et la compagnie congolaise Cohydro.

En juillet, Tullow Oil, ayant acheté les parts d’Héritage Oil, revendiquait la possession des blocs 1 et 2 après avoir signé un contrat de partage de production avec le ministre de l’énergie Salomon Banamuhere.

En 2008, le nouveau ministre de l’énergie Lambert MENDE, offrait le bloc 1 à une société Sud-Africaine divine l’inspiration, qui appartiendrait au neveu du président Jacob Zuma26. Le 18 juin 2010, Joseph Kabila signait les décrets attribuant les blocs 1 et 2 à deux sociétés inconnues27.

La même année, le nouveau ministre des hydrocarbures Célestin MBUYU justifiait son choix aux compagnies Britanniques domiciliées aux Iles Vierges, Caprikat Ltd et Foxwhelp Ltd par des considérations sécuritaires et présente ces deux compagnies comme une troisième voie28.

En bref, en moins de 4 ans, les blocs 1 et 2 sont passés entre les mains de plusieurs compagnies pétrolières en compétition selon qu’un ministre congolais à l’énergie en remplaçait un autre. Quant au bloc 5, un comtrat de partage de production a été signé le 5 décembre 2007 entre le ministre congolais à l’énergie, Lambert Mende et trois compagnies associées, Dominion Petroleum Congo, une société Sud-Africaine représentée par Michel Garland, soco exploration – production DRC, compagnie affiliée à Dominion et représenté par Michel Lady Luya en octobre 2011.11 mois avant les élections, le ministre de l’énergie, Célestin Mbuyu a confirmé ce contrat en autorisant la société Soco à mener des activités d’exploitation dans le Parc National des Virunga29.

En ce qui concerne la société civile de l’Ituri, on se rappellera sur les différents mémo et déclarations sur le pétrole de Graben – albertine, de celui dans lequel cette force vive de la République rappelle au gouvernement ses faiblesses, les sacrifices et la violation de contrat avec la société Caprikat. Politiquement l’accord est délicat, car le gouvernement de Kinshasa ne contrôle pas à 100% la région en question. C’est le territoire des rebelles, divisé entre plusieurs groupes et la partie de la concession la plus économiquement intéressante a été la scène des pires combats de la guerre au Congo : une partie de l’Ituri et une partie Nord du Nord Kivu30. Le caractère incomplet de la transparence financière et contractuelle et le retard dans l’application du programme d’amélioration de la gouvernance économique alimentent les doutes sur la sincérité du gouvernement31. Ce programme décidé en accord avec le FMI et la banque mondiale, prévoit, entre autres l’adoption d’une loi sur les hydrocarbures, l’encadrement législatif des contrats pétroliers et une réorganisation des ministères.

Carte n° 1 : Blocs pétroliers en Ouganda

Source : Site internet de Tullow Oil Plc, disponible sur : <www.tullowoil.com/index. asp?pageid=282>.

b. Législation et code minier

La RDC n’a toujours pas de réglementation globale pour le secteur pétrolier. Elle s’est dotée pour la première fois d’une loi sur l’exploitation des hydrocarbures en 196732, remplacée par l’ordonnance – loi portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures du 2 avril 198133. En 2002, la RDC s’est engagée dans une reforme minière avec l’appui de la banque mondiale et a adopté un nouveau code minier dont est exclue l’exploitation des hydrocarbures34, liquides ou gazeux ainsi que les activités ou opérations concernant les eaux thermales ou minérales qui relèvent des législations particulières. Cette exploitation est donc toujours en partie régie par une réglementation ancienne qui ne prend pas en compte les évolutions des pratiques du secteur ni certaines innovations congolaises, notamment la création en 1999 d’une société nationale des hydrocarbures (la COHYDRO), sous l’impulsion de Laurent Désire Kabila. Connue sous le non de SEP-ZAIRE, puis SEP-CONGO, elle est chargée de la gestion et du contrôle des participations de l’État dans les sociétés œuvrant dans la production et les services du secteur pétrolier, dans la gestion des stocks et la distribution du carburant ainsi que dans la réglementation de la fiscalité introduite ultérieurement. Le nouveau premier ministre Matata Ponyo, dans son premier discours au Parlement, a souligné une insuffisance législative. L’absence d’une réglementation globale pour les hydrocarbures est un archaïsme source de confusion juridique et d’un manque de cohérence dans la politique pétrolière35.

C’est ainsi que le ministre des Hydrocarbures, Crispin Atama TABE Mogodi, a soutenu – lors de son intervention à la tribune de la 2ème conférence minière qui a eu lieu du 24 au 25 mars 2014 à Goma36 - que l’adoption et la promulgation de la loi portant régime général des Hydrocarbures, actuellement en discussion au Parlement, permettra à la RDC de gérer le secteur selon les normes ou standards internationaux, dans la transparence, garantissant les intérêts de la RDC et ceux des Investisseurs.

« Les nouveaux codes minier et pétrolier de la RDC doivent inclure des mesures rigoureuses en matière de transparence, d’appels d’offre et de droits des communautés locales ».

Le 11 octobre 2012, alors que la RDC entame le processus de révision de ses codes minier et pétrolier, Global Witness a publié ses recommandations concernant la façon dont ces codes pourraient le mieux garantir une gestion transparente et responsable de ces secteurs clés. La décision du Congo de réviser ses codes minier et pétrolier arrive à un moment crucial de la campagne mondiale pour la transparence dans les industries extractives. En juillet 2010, les législateurs américains ont adopté la loi « Dodd-Frank » qui inclut des mesures obligeant les sociétés minières et pétrolières à publier ce qu’elles versent aux gouvernements à travers le monde. Ces dispositions de la loi sont entrées en vigueur le 22 août 2012.

c. Gestion du revenu de la production, dont la restitution des 40% aux provinces

Le Kivu a échappé à Mobutu depuis les années 80, la politique de cette région est restée constamment ambiguë depuis le découpage territorial de 1987/1988. Une série d’événements ont placé le Kivu en position de faire plier l’échine du gouvernement central de sorte que le sort du pouvoir à Kinshasa soit lié à la situation interne du Kivu.

La répartition du revenu et la restitution de 40% entre le gouvernement central, la province de production (forcement impactée au niveau environnemental) et les autres provinces non-productrices est un exercice délicat. Une géopolitique des ressources naturelles doit être mise en place à l’échelle nationale. La querelle de la décentralisation fiscale entre le gouvernement central et les provinces, continue à nourrir les griefs des périphéries contre le centre : l’une des plus riches d’entre elles, le Katanga refuse de verser les recettes fiscales au gouvernement central du fait de la non-redistribution fiscale en faveur des provinces prévues par la Constitution371.

En dehors de la Constitution, il y a la loi organique n°08/012 du 31 juillet 2008, qui reconnaît que cette retenue s’effectue à la source par un versement automatique de 40% dans le compte de la province et de 60% dans le compte général du trésor38. L’enjeu de cette restitution réside dans l’insuffisance de la restructuration qu’on accorde aux provinces. Le montant rétrocédé est faible, il arrive souvent en retard et ne couvre presque pas les besoins des provinces. Il faut que le gouvernement applique le principe de vélocité. La gestion du revenu de la production du Kivu risque d’activer davantage le feu, de raviver fortement les rivalités d’autrefois. Pour une bonne gestion des intérêts provinciaux, une décentralisation effective devrait être le nouveau défi des dirigeants politiques et la transparence, un cheval de bataille. Gérée dans une optique de durabilité, l’exploitation des ressources naturelles peut véritablement devenir un levier pour une meilleure redistribution des richesses et une amélioration des conditions de vie de la population. La croissance macroéconomique est en partie imputable aux investissements étrangers croissants dans le secteur de l’industrie non-manufacturière (pétrole et mines)39.

4. Dimension environnementale

L’exploitation de ressources naturelles et les pressions qui en résultent sur l’environnement peuvent jouer un rôle dans toutes les phases du cycle d’exploitation : de la contribution à l’éruption du conflit jusqu’à la perpétuation de la violence ou l’obstruction des espoirs de paix. En outre, l’environnement est lui-même victime d’un conflit, puisque les dommages environnementaux directs et indirects combinés, peuvent mener à des risques pour l’environnement qui menacent la santé, les moyens d’existence et la sécurité des personnes. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) avait déposé une plainte contre la firme pétrolière Soco auprès de l’OCDE40.

a. UNESCO

Le parc des Virunga est le plus vieux parc naturel de l’Afrique ; créé en 1925 pendant la colonisation belge, il est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 197941 pour son exceptionnelle biodiversité. Pour rappel, le parc est situé dans l’Est de la RD Congo et couvre en partie les montagnes des Virunga, près du Rwanda et de l’Ouganda. Il a présenté l’une des densités de population les plus élevées d’Afrique avec plus de 400 hab./ km2.

En 2010, le gouvernement congolais a signé des contrats de partage de production de pétrole couvrant 85% de la superficie du parc aux entreprises Total, Eni et SOCO, alors que la loi congolaise interdit toute exploitation dans les Virunga.

L’UNESCO rappelle que l’exploration et l’exploitation pétrolières ne sont pas compatibles avec les statuts du patrimoine mondial. La grande crainte des défenseurs de l’environnement est que le parc des Virunga soit « rayé » de la liste de l’UNESCO, ce qui ferait sauter le dernier verrou le protégeant tant bien que mal de la convoitise des hommes. En 2011, le ministre de l’environnement l’avait dit : le mépris pour les considérations environnementales dans l’octroi des droits de prospection risque de nuire à l’image internationale de la RDC42 et le comité du patrimoine mondial a réitéré sa demande à l’État partie d’annuler tous les permis d’exploration pétrolière se trouvant à l’intérieur des limites du bien, rappelant l’incompatibilité de l’exploration et l’exploitation pétrolières avec le statut de patrimoine mondial43.

Ainsi, le jeudi 13 mars 201444, le ministre de l’Environnement, conservation de la nature et tourisme (ECNT) Bavon N’sa Mputu a reçu dans son Cabinet de travail, une délégation du comité du patrimoine mondial conduite par le représentant de l’UNESCO en RD Congo, Abdourahamane Dialo. La délégation avait comme mission, entre autres, de regarder l’état de conservation du parc des Virunga, de faire l’évaluation des recommandations formulées par les missions précédentes et d’échanger avec les autorités congolaises quant à la question concernant l’exploitation pétrolière dans ce site.

« À la suite des différentes discussions avec les autorités congolaises, la délégation en mission devra rentrer faire le rapport au siège du comité du patrimoine mondial qui en tiendra compte dans sa décision lors de la prochaine réunion qui se tiendra à Qatar en juin de l’année en cours », telle a été la conclusion du chef d’unité du comité du patrimoine mondial au sortir de la réunion. Ce parc bénéficie d’un écosystème exceptionnel qui explique son inscription au patrimoine mondial par l’UNESCO (voir la fiche sur l’état de conservation du parc en 2013 whc.unesco.org/fr/soc/1858).

La RDC n’a-t-elle pas le droit d’exploiter ses potentiels en ressources naturelles afin que celles-ci contribuent à son émergence à l’horizon 2030 ?

b. Riverains

À Goma en RDC, alors que s’ouvrait lundi 24 mars 2014 une conférence sur l’industrie minière et les ressources naturelles du Congo, sept associations de la société civile avaient décidé de battre le pavé. La colère des habitants du parc des Virunga était due à l’autorisation donnée par l’État à une entreprise britannique d’exploiter du pétrole dans le parc naturel des Virunga.

Postés sur un rond-point du centre de Goma, les habitants avec quelques banderoles, disaient « Non à l’exploitation pétrolière dans le parc des Virunga »45. Le refus des habitants de voir leurs sources de revenu mises en danger était total. Ces derniers qui ne vivent que de la pêche, craignaient que l’exploitation pétrolière pollue les eaux et entraîne une diminution des poissons ce qui affecterait directement la vie sociale de la population, et aurait un impact sur l’environnement (dégradation de l’eau, de la faune aquatique et de la flore). Dans la zone de production pétrolière du Bas-Congo, les problèmes environnementaux sont à l’origine d’une polémique récurrente entre les populations et la société Perenco. Cette société était censée indemniser les populations locales car elle était responsable de la pollution des eaux et des terres agricoles46. Hormis ces éléments, les riverains craignent que l’industrie pétrolière ne puisse résoudre le problème d’emplois car c’est un secteur fortement capitalistique47, requérant peu de main-d’œuvre une fois l’exploitation lancée. Les sociétés pétrolières peuvent opérer dans des zones de conflits au prix de conséquences dévastatrices pour les populations locales48. Celles-ci redoutent donc de ne voir aucun bénéfice lié à des revenus pétroliers monopolisés par l’élite politico-économique. Ces populations ont bien en tête ce que l’un des anciens ministres de l’énergie originaire de la région leur avait dit : « qu’il avait visité les installations offshore à Matadi et que, à sa grande surprise, il n’avait pas pu constater plus de 30 Congolais qualifiés travaillant sur la plate forme »49.

Pour toutes ces raison la population reste très méfiante à l’égard de ce projet. Malgré les promesses alléchantes de développement du milieu environnant le Parc, le constat est que la population voit d’un mauvais œil l’intrusion de la société soco qui leur a promis la création de milliers d’emplois.

c. Biodiversité en danger ?

Source : www.ICCNRDC.CD

Le parc des Virunga est le plus ancien parc national de la RDC et d’Afrique. Il est riche par sa faune et sa flore, s’étend sur 790.000 ha et présente une diversité d’habitats incomparables, allant des marécages et des steppes jusqu’aux neiges éternelles du Ruwenzori, à plus de 5.000 m d’altitudes, en passant par les plaines de lave et les savanes sur les pentes des volcans. Quant au pétrole congolais50, il sera produit aux prix des larmes et du risque de la disparition de 200 espèces des mammifères dont plus d’un quart de la population mondiale des gorilles, 700 espèces d’oiseaux, près de 2.000 plantes dont 10% endémiques à cette zone, donc la perte du statut de patrimoine mondial de l’humanité du parc National des Virunga qui fait du vaste bassin forestier dénommé « le bassin du Congo ».

Source : www.ICCNRDC.CD

Si les plantes de l’immense massif forestier donnent du bois de chauffage, bois d’œuvre et matériaux de construction, des médicaments et des aliments, les animaux apportent quant à eux, des nutriments (énergie) par l’alimentation et sont également une source importante de revenu grâce à l’écotourisme de loisir. Les espèces rares et endémiques comme l’okapi, le rhinocéros blanc, l’éléphant, les gorilles de montagne et de plaine/autres grands singes anthropoïdes dont le Bonobo et le chimpanzé, le paon congolais, etc. sont des ressources à très haute valeur scientifique et écologique. Ces animaux devraient créer des richesses réelles par l’écotourisme et par la recherche scientifique51.

Source : www.ICCNRDC.CD

Les activités pétrolières dans ce parc entrent en conflit avec la loi forestière qui interdit toute activité humaine dans les aires protégées. Dans ces conditions, le risque est grand que le Lac Édouard, qui héberge de nombreuses espèces animales, florales et halieutiques soit pollué.

Selon Marc Schmitz, « les ressources minières sont qualifiées de conflits écologiques  » ou de « conflits verts » et définies comme toutes ces situations explosives qui peuvent aller de l’émeute locale jusqu’au conflit international en passant par l’insurrection, la répression ou la guerre civile, et qui ont comme particularité d’être directement liées au changement de l’environnement. La route qui mène vers les conflits verts passe donc par la rareté des ressources et les atteintes à l’environnement52.

L’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, l’ICCN, est le gestionnaire des aires protégées en RDC, il s’emploie à réduire les risques multiples qui menacent le parc national. Le braconnage, l’agriculture abusive, la pêche illicite et destructive dans le lac Édouard, la destruction des forêts par la carbonisation et la présence d’une dizaine de groupes armés sont déjà dans le collimateur de cet institut. Les forages supplémentaires dans les domaines protégés pourraient causer des dommages tels que la « réduction des pressions (subsidence) et par la suite des inondations pendant la saison pluvieuse », les déversements de pétrole et ainsi que l’eau et les produits chimiques toxiques utilisés pour le forage. José Endundo, l’ancien ministre de l’environnement, s’était montré ferme dans son communiqué de presse du 17 mars 2011 dans lequel, il suspendait toutes les activités de prospection pétrolière dans le parc des Virunga avant qu’une évaluation environnementale stratégique, exhaustive ne soit faite.

L’ICCN veut faire renaître le tourisme dans le parc national des Virunga. Selon lui, les revenus liés aux gorilles des montagnes au Rwanda sont actuellement de l’ordre de 15 millions de $ par an53. Le parc des Virunga pourrait générer autant, voire plus avec toute sa gamme d’attractions touristiques. Ainsi, pour inciter plus de touristes à venir, l’ICCN veut faire du site de Chanzu (une ancienne localité occupée par les rebelles du M23), un site touristique avec un musée de l’histoire de la guerre de l’Est de la RDC. Quelques stratégies ont été montées telles que :

  • La vision holistique pour la préservation de la biodiversité ;

  • La gestion participative avec les communautés riveraines ;

  • Le renforcement d’un partenariat au niveau central (cococongo) et aux sites (cocosi).

Pendant que ce plan est mis en place, mardi le 15 avril 2014, le patron de l’ICCN au Nord Kivu et conservateur du parc des Virunga, Emmanuel De Mérode d’origine Belge, a été attaqué dans la localité de Rwanza à 30 Km au nord de Goma. Ce dernier quittait Goma pour la base de l’ICCN à Rumangobo, dans le territoire de Rutshuru, quand il a été la cible d’une embuscade aux environs de 17 heures54. Le parc national des Virunga fait les frais des hommes armés, qui créent l’insécurité. Selon les analyses, les premières enquêtes ont été ouvertes par l’ICCN pour connaître les circonstances de cette attaque et déterminer s’il existe un lien entre cette agression et le dossier de la société soco qui souhaite exploiter le pétrole dans ce parc55.

5. Implications locales et possibilité de rivalités inter-ethniques ou inter- territoriales entre les zones de production et les autres

Les appartenances ethniques, les conditions économiques défavorables, la faiblesse des échanges commerciaux internationaux et les conflits dans les deux pays voisins sont tous des sources significatives de violences. La perspective de l’exploitation du pétrole dans le parc des Virunga a causé beaucoup d’agitation dans le pays.

Il est à signaler que du côté de l’Ouganda, la guerre de l’ADF (Allied Démocratic Forces) et le mécontentement des Bakonzo étaient importants parce que le domaine d’exploitation du pétrole fait partie du district de Bundibugyo. Il faut noter que les Bakonzo sont également considérés comme un groupe ethnique semblable aux Nandes qui jouent un rôle important du côté de la frontière en RDC. Les Nandes jouent un rôle majeur dans la politique et l’économie du Nord-Kivu56. Une zone de guerre depuis 1999, deux groupes ethniques, les Hemas et les Lendus, s’opposent dans cette région de 3,5 millions d’habitants. Sur fond de conflits fonciers et de pouvoir politique les deux tribus ont créé des mutualités ethniques pendant les années 90, posant ainsi les fondements du conflit armé. Le côté Hema accuse les groupes Lendu de s’allier au gouvernement de Kinshasa (soit Mobutu, soit Kabila). Le côté Lendu accuse les dirigeants Hema de cultiver des liens intimes avec l’Ouganda et avec le Rwanda.

L’implication locale et la possibilité de rivalité inter-ethnique ou interterritoriale entre les zones de production et les autres doivent être prises en compte par le gouvernement central car il est vrai que le sentiment actuel des habitants de la zone pétrolière est que cette ressource leur appartient en premier lieu, avant d’appartenir à l’État central. C’est là le point d’achoppement. Tel est le cas des affrontements qui opposent le gouvernement nigérian et les populations de la vallée du Delta du Niger parmi lesquels les Ogonis, qui se fondent sur l’exploitation du pétrole57. Quant aux Tutsi installés en Ouganda, ils sont étroitement liés au gouvernement et occupent aujourd’hui encore de nombreux postes dans l’armée et la police. Un régime Tutsi dans cette partie de la RDC donnerait à ces deux pays (Ouganda et Rwanda) la possibilité de disposer d’énormes ressources en provenance du Congo, cela leur servirait aussi de territoire refuge en cas de chaos.

6. Quelles implications politiques ou géopolitiques nationales ?

En situation d’amorce de post-conflit, l’Est de la RDC a besoin d’un cadre pour les relations entre l’État congolais et l’Ouganda ; relation interethnique (Tutsi, Hutu, Hunde, Nande …) et entre l’État et les populations.

L’émergence d’un nouveau pôle économique et financier du pays à côté de Kinshasa (zone administrative située dans la partie Ouest du pays), du Katanga (zone économiquement forte et stable) et le Kivu instable mais qui va avoir subitement des grandes capacités financières par rapport aux deux premiers cités ci–dessus, induira un bouleversement des choses qui ne sera pas sans conséquence sur la géopolitique intérieure et relancera nécessairement le débat sur la répartition de la rente des ressources naturelles entre le centre et la périphérie. La géographie économique de la RDC serait modifiée, l’image d’un pays à vocation minière et l’importance économico-historique de la province du Katanga, siège de l’industrie minière, seront remises en cause. Les capacités économiques et financières d’une région instable brusquement « riche », qui se constituerait en 3 pôles économiques et financiers du pays à côté de Kinshasa et du Katanga.

À l’Est se pose la question de l’insécurité chronique, qui règne depuis des années et des conflits dont les racines sont loin d’être extirpées, avec pour cause l’exploitation illégale des ressources naturelles. Au lieu d’être un facteur de consolidation des rapports entre État central et provinces, État et population et entre groupes ethniques, l’exploitation pétrolière à l’Est de la RDC risque d’être un facteur de fragilisation, de conflit voire de guerre civile.

Déjà en 200858, bien que la prospection venait juste de démarrer dans le graben Albertine, la société Civile à l’Est de la RDC s’était mobilisée, méfiante en raison du déficit d’information et de consultation. En 2010, l’attribution des blocs 1 et 2 à Foxwelp et Caprikat a de nouveau suscité la colère de la population, ainsi le 23 juin 2010 un message a été adressé au président de la République par la société civile Iturienne59, accusant le gouvernement de brader les ressources naturelles de l’Ituri60. Est-ce que l’armée congolaise saura mener des opérations de lutte contre les milices avec ou sans l’appui de la Monusco ?

Quant à l’implication territoriale, les rivalités économiques se déclinent sur le plan politique en une opposition entre le petit Nord (lié économiquement au Rwanda) et le grand Nord (à l’Ouganda), pour le contrôle des institutions provinciales du Nord Kivu qui sont jusqu’ici dominées par les Nandes. Les revendications autonomistes qui se sont déjà exprimées à l’époque de la guerre dans les provinces de l’Est (Nord et Sud Kivu)61 et le Katanga travaillé par des tendances sécessionnistes, pourraient facilement se raviver ou avoir un impact négatif sur la cohésion nationale.

7. Minerais de l’Est de la RDC, un besoin de plus en plus stratégique

Les ressources naturelles acquièrent une importance stratégique de par leur valeur économique et la position de force qu’elles confèrent aux pays qui y ont accès. Certains pays voisins du Kivu congolais souhaitent développer un secteur minier industriel. Controversée, cette stratégie l’est essentiellement en raison de l’implication de ces pays dans le commerce illégal des minerais exploités artisanalement.

Certains politiques analysent l’effet rentier des ressources minérales et pétrolières comme un frein à la démocratisation car l’extraction des ressources peut nourrir les guerres civiles. Si le conflit dans l’Est de la RDC a été déclenché par Laurent D. Kabila, son enlisement pourrait cependant être attribué au contrôle des ressources (or, Diamant, coltan, etc.)62

Les intérêts autour du commerce illégal des minerais congolais ne sont pas que locaux, mais aussi régionaux et internationaux, car plusieurs réseaux mafieux ont développé des ramifications dans les pays voisins de la RDC63. Selon l’UNGoE, « 98 % de l’or extrait de manière artisanale (en 2013) a été exporté illégalement de la RDC », pour une valeur représentant entre 383 millions et 409 millions de dollars64. Par ailleurs, de nombreuses mesures ont été prises pour stopper l’exploitation illicite de ces minerais65, telle que la loi Dodd-Frank du 21 juillet 2010 (section 1502 : « les entreprises américaines du secteur sont obligées de déclarer si ces minerais proviennent de zones de conflits 66»), le Guide de l’OCDE ajoute que le minerai doit ainsi passer par un processus « Mécanisme de certification régional », jugé coûteux, de certification mine par mine, sous la houlette de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Cette organisation contre l’exploitation illégale des ressources naturelles impose aux entreprises achetant du minerai de la RDC d’établir si leurs produits contiennent des minerais de conflit ou de haut risque en soumettant leur chaîne d’approvisionnement à des normes de diligence raisonnable67. Malgré ces initiatives, le constat est amer, car la situation reste la même  : ces initiatives sont, en effet, jugées inefficaces en termes de lutte contre le phénomène des « minerais de conflit ». Les entreprises ne remplissent pas les obligations minimales de la loi américaine relative aux minerais provenant de zones de conflit. Plus de la moitié des entreprises examinées ne signalent même pas aux cadres supérieurs de la société les risques qu’elles identifient dans leur chaîne d’approvisionnement68. Au Congo, la loi Dodd-Frank est à l’origine d’une polémique69. Cette loi a encore aggravé la situation dans certain cas, en créant beaucoup plus de poches de fraude que la réglementation elle-même. D’où le besoin d’une solution globale. Parce que cela n’a pas résolu les problèmes de financement des ressources naturelles.

À côté de la loi Dodd-Frank, le parlement européen a voté une loi en mai 2015 sur les minerais provenant des zones de conflit. C’est le travail que la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs a mis en place, à savoir un mécanisme d’exactification de minerais, mais ce n’est pas connu. En quoi les ressources minières, naturelles congolaises entrent dans le développement ? Les rentes minière et pétrolière du pays n’engendrent pas des retombées positives au niveau local70.

À quoi servent les institutions congolaises alors que là où les enjeux de la stabilité et de la sécurité nationale se posent, elles n’y sont pas ?

Qu’est ce que le parlement congolais fait par rapport aux lois qui sont élaborées autour des ressources naturelles congolaises ?

Notes

1John Ghazvinian, Untapped, The Scramble for Africa’s Oil (Londres, 2007) et Douglas Yates, Scramble for African Oil: Oppression, Corruption and War for Control of africa’s Natural Resources (Londres,2012

2Braekman, Colette, Les Nouveaux Prédateurs. Politique des grandes puissances en Afrique Centrale, Paris, Fayard, 2003, p.273

3Chevalier, J.,M , Nouvel enjeu pétrolier , Calmann-leve, 1973, P.7

4Dominic, Johnson, les Sables Mouvants : l’exploitation du pétrole dans le Graben et conflit Congolais, Rapport de Pole Institute, 2003

5Chevalier, J.M., op cit P.11

6Remacle, Eric, Valérie Rossoux et Léon Saur ; l’Afrique des grands Lacs, des Conflits à La paix ? Peterland, 2007, Bruxelles, p.163

7Braeckman, c, op.cit

8Braeckman, c, Le Dinosaure : le Zaïre de Mobutu, Paris, Fayard, 1991 , p.122

9Honoré Le Leuch, le Pétrole et le gaz naturel en Afrique : géopolitique des Afriques subsahariennes, Géostratégiques n°25 10/09, pp.37-39

10Charles Corey, Les USA importent de plus en plus de pétrole des pays Africains, « Washington File »

11Eden ETONAM EKUE: www.savoirnews.net

12FEC, synthèse de rapport d’activités du conseil d’administration à l’assemblée générale ordinaire élective exercice 2013, Avril 2014

13BRENG,G, Le Pétrole dans le monde, Fayard, Paris , 2004, p.48

14www.planetoscope.net: consommation de pétrole dans le monde

15GAUTHARD Sophie, le pétrole, sutyrama, Paris, 2008, p.25

16Dominic Johnson, op.cit

17Benjamin Augé, “Border Conflicts Tied to Hydrocarbons in the Great Lakes Region Of Africa” in Jacques Lesourne, Governance of oil in Africa: Unfinished Business Paris, 2009.

18Affaire des activités armées sur le territoire du CONGO (RDC contre Ouganda) , arrêt du 19 décembre 2005 cour internationale de justice , 19 Décembre 2005

19« In – depth : Ituri in Eastern DRC » IRIN ,25 Novembre 2002

20L’or Noir au Congo : Risque d’instabilité ou opportunité de développement ? Rapport Afrique N°188-11 juillet 2012.

21Rapport de Crisis Group : quatre priorités pour une paix durable en Ituri in rapport Afrique, op cit.

22Entretien de Crisis Group, expert du secteur pétrolier, Paris, mais 2012.

23Rapport Afrique n°188, op.cit.

24NADA HAMOUR, Les Energies : défis d’hier et d’aujourd’hui, Ellipses, Paris, 2008, p.39

25GAUTHARD Sophie, op.cit. p.21

26Lettre des ONG Européennes, Londres, 4 mai 2012

27Ordonnance n°10/041 portant approbation du contrat de partage de production conclu entre la RDC et l’Association Caprikat Ltd et Foxwhelp Ltd sur les blocs 1 et 2 du graben Albertine de la RDC

28Réponse de son excellence Célestin Mbuyu Kabongo, ministre des hydrocarbures aux préoccupations de la représentation nationale lors de la question orale avec débat de l’honorable Bamanisa Jean, question orale du 10 et 12 décembre 2010, www.mirepardc.info/idex.php?option=com

29Aloys Tegera, Odeur du pétrole dans le Graben Congolais : la conservation de la nature en sursis, juin, 2012.

30Dominic Johnson, op.cit p.23

31Programme de Gouvernance économique, comité technique pour les reformes, ministère des Finances, Kinshasa, mars, 2011.

32Ordonnance n°67-231 du 11 mai 1967 portant législation générale sur les mines et hydrocarbures, complétée par l’Ordonnance – loi n°67- 416 du 23 septembre 1967 portant règlement minier.

33Ordonnance – Loi n°81-013 du 02 Avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures, Journal Officiel, 15 Avril 1981.

34Loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier, Journal Officiel, 15 juillet 2002.

35Loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier, Journal Officiel, 15 juillet 2002.Emery Mukendi W., Exploitation of hydrocarbons under DRC Law, www.juricongo.com, 28 Avril 2010.

36Discours du ministre Atama TABE Mogodi Crispin, à la conférence de Goma sur les ressources naturelles du 24 au 25 mars 2014.

37Budget 2012 : Katanga annonce la retenue à la source des 40%, le Potentiel 1er Octobre 2011

38Loi Organique n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre Administration des provinces, section III, Art., 54, p.115

39Commission Européenne et Service Européen pour l’Action extérieure, A Strategic Framework for the Great Lakes Region, 19 juin 2013.

40Michael PAURON, RDC : si soco saccage, octobre 2013.

41Mj/jmc/Africatime.com, Exploration pétrolière dans les zones protégées : la RDC ne veut pas « reculer », Kinshasa, 20 mars 2014.

42Lettre du ministre de l’environnement au premier ministre, n°665/CAB/MIN/ECN-T/27/JEB/011.1, mars 2011.

43Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, comité du patrimoine mondial, 36e Session, Saint-Pétersbourg, 24 juin-06juillet 2012.

44Philipe NTUMBA, Exploitation pétrolière au parc de Virunga, le Gouvernement Congolais attend les résultats des évaluations environnementales, Kinshasa, 18 mars 2014.

45RFI, La colère des habitants du parc menacé des Virunga en RDC, 25 mars 2014

46Recommandations du parlement adressées au Gouvernement, extraits de rapports de synthèse des experts du ministère des Relations avec le parlement, 20 août 2010.

47Benjamin AUGE, l’Afrique de l’est, une géopolitique pétrolière à haut risque, Ifri, Novembre 2012.

48GAUTHARD S, op.cit p.128

49Aloys Tegera, op.cit

50NGANGA F., et FENELON Rodrigue, Pour comprendre une partie de la guerre de l’est de la RDC, il faut s’arrêter sur le Lac Albert, 03 septembre 2013

51Actes de l’atelier sur le système éducatif et la mise en valeur des richesses naturelles de la RDC, Kinshasa, le 6 novembre 2006, p.31.

52Marc SCHMITZ, Les Conflits verts. La dégradation de l’environnement, source de tensions majeures, Bruxelles, Grip, 1992, p.64

53Echos des Grands Lacs, ICCN veut faire renaître le tourisme dans le parc national des Virunga, 14 Avril 2014.

54www.congo.net: Attentat contre le patron de l’ICCN, 17 avril 2014.

55Radio Okapi.net RDC : le conservateur du parc national des Virunga blessé dans une attaque armée, 16 avril 2014.

56Rapport de Pole Institute, n°188 op.cit

57Cyril MUSILA, Crises et Conflits en Afrique de l’Ouest : état de connaissance, OCDE, Paris, septembre 2002, p.27

58La position de la société civile forces vives de l’Ituri face aux débats du 13 juin 2008 sur le dossier pétrole de la RDC, société civile de l’Ituri, 19 juin 2008.

59Déclaration de la population de l’Ituri par rapport au dossier pétrole du graben Albertine à l’attention du Président de la RDC, société civile de l’Ituri, 29 juillet 2010.

60Pétrole de l’Ituri : la société civile s’oppose au contrat de Caprikat, l’Observateur, 25 juin 2010

61Maindo Monga Ngonga, A. , « la Républiquette de l’Ituri » in « République Démocratique du Congo : un Far West Ougandais », politique africaine, mars 2003, pp.181-192.

62Claske DIJKEMA (sous dir), Ressources naturelles stratégiques Fossiles et minières, éd. ellipses, Paris, 2011, p.133

63Janvier Kilosho Buraye, Gabriel Kamundala Byemba et Adamon Ndungu Mukasa, « Traçabilité des produits miniers dans les zones de conflit au Sud-Kivu », Cahiers Africains/Afrika Studies n°82, p. 13

64Groupe d’Experts de l’ONU sur la RDC, Rapport final 2013, Conseil de Sécurité de l’ONU, S/2014/42, 23 janvier 2014.

65COLLIER Paul et Anke HOEFFLER, on economic causes of civil conflict, Oxford Economic papers 50(4) ; 563-573, 1998.

66Journal Tempête de Tropique, le 10 mars 2015.

67www.oecd.org/fr/daf/inv/mne/GuideEdition2.pdf

68Amnesty International et Global Witness, Une mine de transparence ? Rapport publié mercredi 22 avril 2015, consulté le 25 avril 2015 cts.vresp.com/c/?GlobalWitness/6983c70a1e/75e558508e/478df0281c

69C. Braeckman, De mystérieux Rwandais au Nord Kivu, 24 avril 2015

70EurAc – Réseau européen pour l’Afrique centrale, Pour un engagement renforcé en faveur de la paix et de la démocratie dans la région des Grands Lacs Mémorandum UE - Législature 2014-2019, octobre 2014, p.9

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