José Pablo Batista, Guatemala, enero 2006
Démocratie en Amérique latine à l’aube du XXIe siècle : Lula, Chavez, Evo Morales, Michèle Bachelet… L’Amérique latine tourne-t-elle à gauche ?
Les effets négatifs des politiques de libéralisation économique et de privatisation des services sociaux mis en œuvre dans les années 1990, notamment le fait d’avoir favorisé l’accroissement des inégalités socio-économiques et d’avoir ensuite fait preuve d’une indifférence scandaleuse vis-à-vis de la souffrance de millions de personnes, favorisent actuellement le succès des propositions d’une politique plus sociale et d’une gestion économique moins libérale. Cependant, la gauche latino-américaine n’est pas une : celle-ci constitue un complexe puzzle.
Keywords: La democracía, factor de paz | Oponerse a la opresión económica | Oponerse a la exclusión social | Gobierno nacional y paz | Partido político | Establecer concertaciones multilaterales para preservar la paz | Reformar las relaciones políticas para preservar la paz | Presentar reformas para un nuevo proyecto de sociedad | Elegir democráticamente a las autoridades | América Latina | América del Sur | América Central | Bolivia
A. Bolivie : l’élection de M. Evo Morales à la présidence
« Nous avons toujours voté, sans élire. Aujourd’hui nous avons élu ». Des populations indiennes boliviennes ont utilisé cette expression pour exprimer la profondeur du changement politique qu’ils attendent dans leur pays à la suite de l’élection à la présidence de la République de M. Evo Morales : jamais dans l’histoire de la Bolivie ni dans celle de l’Amérique latine, un indien n’était arrivé au sommet de l’État.
Tout au long du XXIe siècle, le système électoral bolivien avait mis en place, de fait, une procédure particulière pour l’élection du président. Les candidats à la présidence, issus systématiquement de la population non indienne, étaient élus effectivement par le Congrès national : après les élections populaires, le Congrès prenait la relève afin d’élire le nouveau Président parmi les candidats ayant obtenu le plus de voix. L’élection du Président était le fruit non seulement de la volonté populaire mais aussi de négociations, de transactions, de luttes de pouvoir à l’intérieur de la classe politique dominante. Les populations indiennes ne se sentaient pas représentés : celles-ci parlaient des écarts établis entre le système de votation et la procédure d’élection : alors qu’ils votaient, ils avaient le sentiment que leur Président était élu ailleurs. Ils ne cessaient pas de remettre en cause la démocratie nationale.
L’élection de M. Evo Morales est venue briser ce système par le renversement de la situation politique bolivienne.
Alors que les candidats à la présidence du système traditionnel étaient non indiens, à culture occidentale, appartenant aux groupes politiquement dominants, ayant suivi des cursus de formation traditionnels, d’un parti de centre-droite ou de droite, élus au deuxième tour par le Congrès à la suite des négociations politiques, le candidat Evo Morales, quand lui, est un Indien, à caractères culturels incas forts, appartenant aux groupes politiquement dominés, paysan cultivateur de coca, sans formation à l’occidentale ni diplôme universitaire, du parti « Movimiento al socialismo » (MAS) de gauche, élu dès le premier tour par la population lors d’élections avec plus de 50 % des voix.
Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, les populations les plus démunies de l’Amérique latine, politiquement exclues du pouvoir, économiquement appauvries, socialement dominées et militairement réprimées, n’ont pas pu changer les rapports sociaux ni par la voie politique ni par la voie de la rébellion armée. Si des intellectuels latino-américains parlaient alors d’une utopie désarmée, d’autres affirmaient que l’élimination des mouvements révolutionnaires avait entraîné avec elle le bannissement de l’utopie : aucun changement profond ne pouvait plus avoir lieu en Amérique latine.
Voici que l’esprit utopique et l’attitude de rébellion des couches les plus démunies de l’Amérique latine se manifestent aujourd’hui par une double démarche : premièrement, par le biais d’une résistance politique et pacifique aux effets pervers d’une entreprise de globalisation de la pensée individualiste, néo-libérale, capitaliste et mercantiliste qui veut que tout soit une marchandise. Deuxièmement, par une stratégie d’organisation sociale des victimes du système en vigueur, de formation de leaders issus de ces organisations et de proposition d’alternatives réalistes pour une autre politique, une autre économie, une autre mondialisation.
L’élection de M. Evo Morales à la présidence de la République peut signifier un renversement autant du système politique que de l’imaginaire social bolivien, à condition qu’il s’agisse autant d’un point d’arrivée que d’un point de départ donnant lieu à un véritable processus de réforme des institutions politiques, du système économique, des rapports sociaux, des représentations symboliques d’un pays où les fractures sociales ont permis l’institutionnalisation d’inégalités extrêmes. Le parti MAS et le nouveau Président ont devant eux une situation extrêmement difficile et complexe constituant à la fois un défi et un risque. Le défi est celui de mettre en œuvre de façon efficace ce processus de construction d’une nouvelle société en travaillant sur les promesses de la campagne : la gestion des ressources naturelles en tant que biens communs, la réforme constitutionnelle, la construction d’une démocratie allant du local au national, l’introduction du concept de justice sociale à l’intérieur des rapports économiques boliviens, les modalités de propriété et d’utilisation de la terre, la santé, l’éducation… Dans ce sens, l’un des atouts du nouveau gouvernement est le vice-président, M. Alvaro Garcia Linera, intellectuel, blanc, issu de la classe moyenne et social-démocrate. Le risque est celui de décevoir les espoirs, les illusions et les rêves que se font aujourd’hui la majorité de boliviens.
La victoire de M. Morales s’inscrit dans une tendance politique qui traverse actuellement l’Amérique latine consistant à soutenir des programmes et des candidats de gauche. Dans les dernières années plusieurs pays ont choisi des gouvernements de gauche : Brésil, Venezuela, Chili, Argentine, République Dominicaine, Panama… À part la Colombie qui semble donner la priorité à la sécurité comme première nécessité sociale dans un contexte de conflit armé interne, les perspectives de victoire politique des différents mouvements et partis de gauche semblent plutôt positives.
B. Amérique latine 2005 – 2006, douze élections présidentielles
L’Amérique latine est entrée à la fin 2005 dans une période de mutations politiques au sommet avec douze élections présidentielles. Cette période, qui a démarré en novembre 2005 au Honduras, sera close en décembre 2006 lorsque le peuple vénézuélien décidera de continuer à soutenir ou non la « révolution » de M. Hugo Chavez.
Date, Pays : Élections
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Novembre 2005, Honduras : Présidentielles
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Décembre 2005, Chili : Présidentielles
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Décembre 2005, Bolivie : Présidentielles et législatives
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Février 2006, Costa Rica : Présidentielles
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Mars 2006, Colombie : Législatives
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Avril 2006, Costa Rica : Présidentielles (second tour)
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Avril 2006, Pérou : Présidentielles et Législatives
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Mai 2006, Colombie : Présidentielles
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Mai 2006, République Dominicaine : Législatives
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Juillet 2006, Mexique : Présidentielles et législatives
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Octobre 2006, Équateur : Présidentielles
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Octobre 2006, Brésil : Présidentielles et législatives
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Octobre 2006, Brésil : Présidentielles 2ème tour
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Novembre 2006, Nicaragua : Présidentielles et législatives
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Décembre 2006, Venezuela : Présidentielles
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L’Amérique centrale entre dans une période de changements
· Au Mexique, le Parti Institutionnel Révolutionnaire (PRI) qui a gouverné le Mexique pendant dix décennies dont pendant la guerre froide, se trouve affaibli par le discrédit vis-à-vis de la population et par ses luttes internes. Le deuxième parti, le Parti d’Action Nationale (PAN) semble arriver en deuxième place derrière le Parti de la Révolution Démocratique (PRD), cependant les intentions de vote continuent à se déplacer : il s’agit d’une véritable lutte politique au résultat imprévu où la gauche mexicaine est en train de se faire une place en tant qu’option politique crédible.
· Le Costa Rica a retrouvé son leader politique lorsqu’en juillet 2005 M. Oscar Arias, Prix Nobel de la Paix pour son rôle dans la pacification de l’Amérique centrale à la fin des années 1980, s’est proclamé candidat à la présidence. C’est le choix de la continuité d’un pays à tradition démocratique forte ainsi que de l’innovation en raison du programme de gouvernement de M. Arias, axée sur le renforcement de la démocratie, la construction de la paix et la transformation des rapports sociaux par un développement durable et équitable dans la région de l’Amérique centrale.
· Le Honduras continue sur les voies de l’alternance entre les deux forces politiques traditionnelles du pays. Une certaine égalité subsiste entre les deux grands partis, parti national et parti libéral. Indépendamment des résultats des élections présidentielles, il n’y a pas de changements à l’horizon.
· Le Nicaragua voit s’affronter deux personnes issues du même parti : M. Herty Lewites, actuel maire de Managua et ancien leader du Front Sandiniste de Libération Nationale (dont il a été expulsé par M. Daniel Ortega, premier dirigeant du Front Sandiniste de Libération Nationale), et M. Daniel Ortega.
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En Amérique du Sud
Trois Présidents vont très probablement chercher leur réélection. Lula au Brésil, Uribe en Colombie, Chavez au Venezuela.
· Au Brésil, le Président Lula va très probablement se proposer candidat à la réélection, malgré les difficultés de son gouvernement. Au moins trois candidats d’opposition pourraient avoir des chances de passer au deuxième tour, notamment M. José Serra, maire de Sao Paolo, qui a déjà affronté Lula lors des dernières élections. Cependant Lula semble avoir davantage de chances de remporter la victoire au deuxième tour.
· En Colombie, le Président Uribe compte sur un soutien populaire fort. Il a réussi à modifier la constitution afin de lui permettre de se présenter comme candidat à la réélection. S’il remporte la victoire, il s’agirait du premier Président colombien à exercer le mandat pendant deux périodes consécutives, et cela depuis le XIXe siècle. Menant un combat frontal contre les FARC afin de parvenir à la paix par la défaite militaire de l’ennemi et promettant la sécurité et la paix à une population épuisée par plusieurs décennies de violence, M. Uribe rencontre un soutien considérable. Les sondages lui donnent actuellement entre 70 % et 80 % de voix : sans un candidat fort du côté de l’opposition, il pourrait remporter les élections dès le premier tour.
· Au Venezuela, la situation semble claire : après un combat fort contre la « révolution » de Chavez de la part de l’opposition (notamment en 2003 – 2004) en 2005 les leaders de l’opposition ont commencé à céder du terrain et à désister de leur combat politique. Lors des élections législatives de 2005 l’opposition a préféré se retirer permettant la victoire totale des candidats soutenant Chavez. Selon des sondages, plus du 70 % de la population soutiendrait actuellement le Président. Il compterait sur plus de 50 % des intentions de vote, contre son plus fort opposant, M. Julio Borges, qui n’obtiendrait pas plus de 15 % des suffrages.
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La région andine
Des élections présidentielles sont prévues aussi dans le reste des pays de la région andine, en Équateur, au Chili, au Pérou et en Bolivie.
· L’Équateur n’en finit pas de sortir de sa crise politique. La diversité de candidats est une bonne illustration de sa situation de dispersion et d’incertitude politique : M. Leon Roldos, ex-président socialiste, M. Jaime Damerval et M. Rafael Correa, pré-candidats indépendants, M. Tituaña, indien et M. Alvaro Noboa, homme d’affaires multimillionnaire. À cela il faut ajouter le pouvoir d’influence de l’ex-président M. Lucio Gutiérrez, la force politique des militaires équatoriens ainsi que les capacités d’organisation et d’action politique de la population indienne…
Le cas du Chili est intéressant, plusieurs relations peuvent être abordées.
· Le Chili et le Pérou montrent bien les transformations politiques profondes des sociétés latino-américaines : ces deux pays comptent non seulement des candidates parmi les candidats à la présidence, mais en plus celles-ci ont des possibilités de remporter la victoire. Il s’agit d’un phénomène autant politique que social, dans une région où les femmes sont considérées comme étant exclues de la politique. Phénomène intéressant politiquement d’autant plus qu’au Chili, Mme Michèle Bachelet est une socialiste se plaçant dans la ligne d’héritage de Salvador Allende tandis qu’au Pérou Mme Lourdes Flores porte un programme de droite pouvant battre M. Valentin Paniagua et l’ex-président M. Alain Garcia. Deux femmes candidates à la Présidence de deux pays importants en Amérique Latine, l’une à gauche, l’autre à droite.
· Le Chili et la Bolivie sont du point de vue socio-économique les deux extrêmes en Amérique du Sud. Le PIB par habitant au Chili est le plus haut de la région tandis que celui de la Bolivie est le plus bas. Le Chili a su réformer profondément son économie interne tout en l’intégrant à l’économie internationale : les entrepreneurs nationaux et internationaux ont confiance en l’économie chilienne, tandis que la Bolivie est caractérisée par un ensemble d’économies disloquées incapables de produire de la croissance, moins encore une politique économique au service de la société. Ce manque de confiance est un handicap pour le pays. Cependant, sur le domaine politique, les deux pays ne sont pas tellement éloignés. Le Chili s’apprête à élire une candidate –femme- socialiste alors que la Bolivie se prépare à élire un candidat –indien- socialiste à la Présidence. Pour le Chili l’avenir est plus optimiste, que la victoire soit remportée par Mme Bachelet ou par M. Piñera, le pays continuera son chemin de croissance économique et de stabilité politique, alors que pour la Bolivie l’avenir est moins clair. La Bolivie vient de rompre un tabou séculier en Amérique latine selon lequel la population indienne, exclue du système politique depuis le XVIe siècle, ne pourrait pas avoir accès au sommet du pouvoir. M. Evo Morales, indien d’origine extrêmement pauvre, cultivateur de coca et leader des cultivateurs de coca, a été élu Président. Il a battu M. Jorge Quiroga, représentant de la bourgeoisie urbaine qui avait déjà été Président du pays. Cela représente un espoir pour la population indienne et pauvre de la Bolivie, pour les mouvements indigénistes et pour la gauche de l’Amérique latine. Cependant, la situation rencontrée par M. Morales est très complexe, voire compliquée.
C. L’Amérique latine tourne-t-elle à gauche ?
Plusieurs pays latino-américains possèdent aujourd’hui un gouvernement de gauche : Brésil, Venezuela, Chili, Argentine, Uruguay. Lors des élections de 2006 plusieurs d’entre eux pourraient continuer à gauche : le Brésil, le Chili, le Venezuela. D’autres encore pourraient les rejoindre : la Bolivie, l’Équateur, le Nicaragua…
· Les effets négatifs des programmes de libéralisation économiques et de privatisation des services sociaux mis en œuvre dans les années 1990, notamment le fait d’avoir favorisé l’accroissement des inégalités socio-économiques et d’avoir ensuite fait preuve d’une indifférence scandaleuse vis-à-vis de la souffrance de millions de personnes, favorisent actuellement le succès des propositions d’une politique plus sociale et d’une gestion économique moins libérale.
· La lutte anti-terroriste de la part des États-Unis est bien utilisée par les sociétés latino-américaines. La réponse des États-Unis aux attentats du 11 septembre 2001 a détourné leur attention vers d’autres régions du monde : Afghanistan, Irak, Proche-Orient, laissant plus d’espace et de liberté politique aux sociétés latino-américaines pour régler leurs problèmes internes et chercher des solutions à leurs problèmes. Plusieurs gouvernements latino-américains se sont mis à soutenir la lutte antiterroriste des États-Unis et même la guerre en Irak : selon eux, plus les États-Unis s’investissent ailleurs dans des conflits complexes et compliqués, plus les forces sociales latino-américaines se sentent libres pour proposer leurs projets, présenter leurs candidats et mettre en œuvre leurs programmes. Ce n’est pas un hasard si la multiplication de candidatures de gauche en Amérique latine et leurs succès ont lieu alors que l’administration américaine se trouve empêtrée par sa politique au Proche et au Moyen-Orient et éloignée des avatars des sociétés latino-américaines.
· Dans cette perspective, les différentes gauches latino-américaines jouent aussi la carte anti-Bush : celles-ci mettent en avant le manque de clarté de la part de l’administration américaine actuelle concernant ses enchevêtrements entre exercice du pouvoir politique, intérêts économiques et discours moraliste. Les arguments utilisés jouent sur les imbrications apparentes entre la guerre en Irak et les intérêts pétroliers privés de l’équipe Bush ainsi que sur les paradoxes d’une politique missionnaire qui veut courir au secours des Afghans ou des Irakiens victimes de la pauvreté, de l’exclusion, de la répression, tandis que cette même administration se montre incapable de secourir les pauvres et les exclus subsistant sur son propre territoire comme l’ont démontré les conséquences du cyclone Katrina.
· L’Amérique latine d’aujourd’hui n’est plus celle qu’elle était il y a vingt ou trente ans. Les processus de démocratisation se consolident et il n’y a plus de gouvernements militaires ni de coups d’État. Un seul conflit armé interne reste à résoudre : celui de la Colombie. Après une longue traversée de dictatures militaires, de conflits armés internes et de guerres civiles, les premiers pas des sociétés latino-américaines sur les chemins de la démocratie donnent lieu actuellement à des mutations politiques intéressantes.
La confrontation ne s’effectue plus par le biais de la violence : la voie politique s’impose. Liberté de pensée, d’organisation, pluralisme politique, élections, respect des résultats des élections, transitions démocratiques de pouvoir…
Les différents intérêts, économiques, sociaux, politiques, etc., s’affrontent sur le terrain du dialogue, de la négociation, de la concurrence : les élections mettent aujourd’hui en compétition des hommes d’affaires, des ex-commandants guérilleros, des dirigeants nationalistes de la vieille extrême droite, des ex-syndicalistes, des leaders sociaux, des ex-présidents, des cultivateurs de coca, des femmes… Dans ce nouveau contexte, la gauche (bannie pendant la période de la guerre froide et réprimée par les gouvernements autoritaires au nom de la lutte anticommuniste) trouve un espace d’expression, d’organisation, de proposition et d’action politique.
· Cependant, les défis auxquels les sociétés latino-américaines sont confrontées aujourd’hui ne sont pas uniquement politique, ils touchent de nombreux domaines. Ces défis sont importants et transversaux.
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Les inégalités socio-économiques : comment réduire l’abîme qui sépare les toutes petites minorités possédant la majorité des richesses à l’intérieur des pays des immenses populations vivant dans des situations extrêmement difficiles dans les domaines économique, politique, sociale, sanitaire, éducatif, culturel…
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La gestion des ressources naturelles : comment articuler besoins économiques, respect de l’environnement, culture locale…
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L’insécurité et la violence sociale.
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La corruption et l’impunité.
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Les cartels de la drogue et les mafias, etc.
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· Si des défis transversaux ont besoin de politiques communes, celles-ci répondent aussi aux réalités concrètes de chaque situation. Ces politiques sont aujourd’hui mises en place par des acteurs locaux. Dans ce sens, l’actuelle vague d’antilibéralisme et de mise en avant de propositions social-démocrates en Amérique latine pourrait servir à illustrer la grande diversité des situations locales. Celles-ci sont profondément enchevêtrées les unes dans les autres parce qu’il s’agit justement de plusieurs situations concrètes donc différentes.
Nous serons alors devant, non pas d’une Amérique latine qui comme un seul bloc se tournerait vers une seule gauche, mais devant plusieurs pays tentant des initiatives alternatives par le biais de différentes gauches désunies par d’importantes divergences autant entre elles qu’au sein de chacune, différentes gauches qui tantôt se cherchent, tantôt s’affrontent…