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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Les sept marches vers la réconciliation

Cet outil de transformation des conflits repose sur la théorie fondamentale suivante : « Lorsqu’au niveau intermédiaire et communautaire, un nombre suffisamment important de personnes enthousiastes réussissent à guérir de leurs traumatismes, à dépasser leur sentiment d’être victime et parviennent au pardon, il y aura bon espoir que les mentalités belliqueuses dans la société soient progressivement transformées. » [1] Il est nécessaire pour y arriver de se libérer du cycle de la vengeance.

  • Le cycle de la vengeance :

Lorsque les traumatismes psychologiques du passé causés par le conflit ne sont ni traités de manière adaptée, ni guéris, les réactions naturelles de douleur, de choc, de déni, et de panique peuvent s’intensifier et donner lieu à de nouvelles violences, les anciennes victimes devenant des agresseurs. Omettre de traiter la réalité du traumatisme ou d’éliminer les plaintes et les peurs des victimes, ne fait qu’intensifier les sentiments de colère et de haine à l’encontre des coupables et de tout ce qui leur est associé, que ce soit les membres de leur famille et leur entourage, voire même les personnes du même genre, de la même ethnie, religion ou groupe politique. Les coupables sont déshumanisés, privés de toutes qualités positives et se voient inscrits dans un monde en noir et blanc, renforcé par des mythes construits et des histoires collectives.
Si un traumatisme n’est pas soigné, la colère et la haine qui en résultent peuvent entraîner la croyance selon laquelle le soulagement de la douleur ne sera possible qu’une fois sa source ou sa cause punie ou détruite. Si le système judiciaire ne parvient pas à régler ceci, ou que la punition reçue par le coupable est jugée inadéquate, les victimes peuvent se mettre à commettre des actes d’« agression justifiée », en complétant ainsi le cycle de la vengeance. [2].

Olga Botcharova : “Implementation of Track Two Diplomacy.“ In : Tutu, D. : “Forgiveness and Reconciliation.“ Region, Public Policy and Conflict Transformation, Philadelphia : Templeton Foundation Press, 2002, p 291.

  • Le cycle de la réconciliation :

 1. Pour briser le cycle de la vengeance, il est premièrement nécessaire de restaurer l’identité propre de la victime. Au lieu de dénier et d’éliminer leur traumatisme, les victimes ont besoin d’identifier la peur et la souffrance qui en découlent et de s’y confronter en exprimant leurs émotions. Le fait de reconnaître et d’accepter leurs sentiments permet aux victimes de restaurer leur capacité à penser de manière rationnelle et d’éviter la transformation émotionnelle en colère ou en haine. Les victimes peuvent partager leurs histoires avec d’autres victimes, ce qui les aide à gérer leurs propres traumatismes et à comprendre qu’elles ne sont pas isolées. Bien que cela puisse aider les victimes à regagner la confiance en elles qu’elles avaient perdue, et à se libérer de leur statut de victime, elles continueront de percevoir leur bourreau comme un être inhumain, irrationnel et indigne de leur pardon.

 2. Le processus de "ré-humanisation" de leur bourreau est douloureux, complexe et se caractérise par une grande résistance de la part des victimes. Il est parfois nécessaire de rétablir une connexion émotionnelle et une relation entre les parties d’un conflit. Après de nombreuses années d’expérience, il a été établi que le dialogue sert de fondement au rétablissement des relations parce qu’il « encourage la confirmation mutuelle » et par là même, il sert le besoin fondamental des deux parties d’un conflit d’être reconnues comme des individus avec des valeurs et une identité unique (digne de valeur) » [3] Le partage d’expériences et d’histoires personnelles aide à créer une passerelle émotionnelle entre les parties opposées d’un conflit, en permettant aux victimes de se découvrir des croyances et des préoccupations communes avec leurs bourreaux. Reconnaître la peine ressentie par ceux de la partie adverse d’un conflit peut permettre aux victimes de développer graduellement de la compassion par rapport à « l’Autre » et démarrer ainsi un processus d’humanisation du (des) bourreau(x).

 3. Etape par étape, le cycle permet aux victimes de reconnaître le traumatisme, de travailler sur l’expérience, et de comprendre comment les symptômes du traumatisme se manifestent en elles, et vers l’extérieur, au travers de leurs relations avec les autres. Cela implique une profonde transformation personnelle, qui renforce les victimes, et aide celles-ci à prendre le risque de pardonner à leurs bourreaux. Le pardon, considéré comme le « point culminant de la guérison » et le « besoin le plus fondamental d’une victime », est essentiel à la réconciliation. [4]. Il fraye non seulement un chemin vers la liberté pour les victimes, mais il fournit également au coupable un environnement sécurisé pour répondre, interagir, et éventuellement admettre sa culpabilité.

Olga Botcharova : “Implementation of Track Two Diplomacy.“ In : Tutu, D. : “Forgiveness and Reconciliation.“ Region, Public Policy and Conflict Transformation, Philadelphia : Templeton Foundation Press, 2002, p 298.


[1Olga Botcharova : “Implementation of Track Two Diplomacy.“ In : Tutu, D. : “Forgiveness and Reconciliation.“ Region, Public Policy and Conflict Transformation, Philadelphia : Templeton Foundation Press, 2002, p 283.

[2Olga Botcharova : “Implementation of Track Two Diplomacy.“ In : Tutu, D. : “Forgiveness and Reconciliation.“ Region, Public Policy and Conflict Transformation, Philadelphia : Templeton Foundation Press, 2002, p 291.

[3Montville, Healing Function in Political Conflict Resolution, pg. 115

[4Williams : “Negotiation as a Healing Process,” Journal of Dispute Resolution, no.1, 1996, p. 50 ; Olga Botcharova : “Implementation of Track Two Diplomacy.“ Pp. 300.