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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de notion Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

, Grenoble, France, février 2006

Sécurité : de la défense à la sécurité collective et humaine

Durant des siècles, la notion de sécurité s’est confondue, ou presque, avec celle de défense et “d’ordre public.” Le concept de “sécurité nationale” est d’ailleurs l’une des expressions préférées des dirigeants politiques, comme en témoigne, par exemple le discours annuel de l’Union du président des Etats-Unis. Si le concept de sécurité nationale est l’une des notions clefs de la politique, c’est bien parce qu’il lie le mot de “sécurité” à celui de nation, donc à celui d’État. Car l’État est depuis le 17e siècle – très exactement depuis la paix de Westphalie de 1648 – la pièce maîtresse, et même pratiquement unique, de l’échiquier politique international. Et, toujours depuis 1648, et jusqu’à preuve du contraire, la sécurité, nationale et internationale, est conçue selon les rapports de force entre États, donc à travers leur puissance, puissance se traduisant généralement en termes de capacités militaires. En somme, la sécurité d’un individu et d’une collectivité est assurée exclusivement par l’État auquel ils appartiennent. Et l’État perçoit cette sécurité en termes militaires, donc de “défense” du territoire et des “intérêts nationaux.”

Le concept de sécurité collective va un peu plus loin puisqu’il associe des États pour assurer une sécurité qui n’est plus uniquement nationale mais régionale, internationale ou globale. En tant qu’idée, la sécurité collective est ancienne. Populaire durant les Lumières (Kant et Rousseau), on peut retracer ses racines au Moyen âge. En pratique, la sécurité collective est incarnée par l’épisode malheureux de la Société des nations, et par celui, plus concluant, de l’Organisation des nations unies. Le système de sécurité collective, s’il représente un progrès par rapport au système de la “société anarchique,” comme l’appelait le politologue Hedley Bull, est toujours basée sur une représentation politique qui passe exclusivement par les États individuels.

Le concept de “sécurité humaine” est plus nouveau. D’un point de vue historique, il coïncide à la fois avec l’effondrement du système bipolaire de la guerre froide, avec la remise en question de la primauté de l’État-nation, avec la démocratisation de la planète, avec la prise de conscience de l’importance de notre environnement. En un mot, la notion de “sécurité humaine” revient à l’élément de base de l’aventure de l’humanité, l’individu, tout en dépassant le cadre des frontières nationales traditionnelles et des concepts politiques étroits. L’individu n’est plus seulement une composante plus ou moins active d’une entité politique, il est en rapport avec son environnement, avec sa planète.

C’est au tournant du XXIe siècle que les universitaires, puis rapidement les organisations non-gouvernementales, s’intéressent à cette notion beaucoup plus large de la “sécurité” qui correspond à de nouveaux besoins, à de nouvelles prises de consciences, au désir de résoudre des problèmes qui, s’ils ne sont pas nouveaux, sont plus près de nos préoccupations. Alors que les menaces sécuritaires s’éloignent – le risque d’un cataclysme généralisé est quasiment inexistant quelques décennies seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale - les problèmes liés à la santé, comme l’épidémie de SIDA, à l’environnement – notamment le réchauffement de la planète –, à la pauvreté extrême, à l’accès à l’eau potable et aux droits de l’homme apparaissent comme aussi vitaux pour l’individu que ceux découlant de la violence organisée et légitime émanant des États. Le “devoir d’ingérence” qui fait son apparition dans les années 1990 n’est rien d’autre que la réaffirmation du rôle central de l’individu au moment même où la notion de souveraineté absolue est remise en question alors qu’elle constitua le fondement même des relations internationales depuis 1648. Dès 2005, la sécurité humaine va d’ailleurs devenir l’un des piliers de la vision des Nations unies, cette dernière symbole ultime du régime de sécurité collective.

Néanmoins, si la notion de sécurité-défense classique a rapidement évolué au cours des dernières décennies, il serait faut de penser que les mentalités, en particulier politiques, ont sensiblement progressé. Car si le concept de sécurité humaine est désormais accepté et acceptable, et si la sécurité collective joue un rôle substantiel dans la gestion des rapports de forces internationaux, on ne peut nier que la sécurité-défense est encore le maître mot de l’État-nation, et que l’État-nation occupe toujours une place centrale dans la vie des hommes et des femmes.