Paris, septembre 2005
État
Le concept d’État exprime, dans sa signification la plus simple, « l’autorité souveraine s’exerçant sur un peuple et un territoire déterminés » (A. REY, dictionnaire Le Robert micro, Le Robert, Paris, 1994, p.483). Mais cette définition ne pourrait être acceptée que comme une définition générale, voire assez vaste du concept d’État, car le terme exprime bien d’autres réalités dans et au sein les différentes sciences telles que la sociologie, la philosophie ou l’anthropologie, entre autres.
Le terme d’État ne fait pas l’unanimité : celui-ci peut varier selon la méthode, les perspectives ou les représentations que s’en font les hommes de science et l’homme de la rue, d’un bout à l’autre de la planète.
Voici, par exemple, comment le concept fut perçu par le philosophe A. Lalande, pour qui l’État constitue : « une société organisée, ayant un gouvernement autonome, et jouant le rôle d’une personne morale distincte à l’égard des autres sociétés analogues avec lesquelles elle est en relation. » (A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris, p. 557 - 558)
Dans ces deux définitions, les mots « souveraine » et « autonome », très proches, apparaissent comme les attributs indispensables. Assimiler ces deux termes n’a, de toute façon, guère d’importance en géopolitique contemporaine, car ils ne se traduisent pas objectivement pour un grand nombre d’États du Tiers-Monde et même occidentaux.
Pour certains anthropologues, cette définition pose aussi des problèmes car « les interprétations larges de l’État, l’identifiant a toute organisation autonome sont en recul » comme l’indique W. Koppers dans ses « Remarques sur l’origine de l’État et de la société, in Diogène, 5, 1954 ». La définition reprise par le socio-anthropologue Georges Balandier dans son ouvrage d’anthropologie politique fut celle de J. Freund, pour qui l’État n’apparaît plus que comme « l’une des confirmations historiques possibles par laquelle une collectivité affirme son unité politique et accomplit son destin ».
Balandier nous propose aussi une remise en question sur les diverses conceptions anthropologiques de l’État en passant par Weber, Meyer, Freund, Engels, Hegel, Proudhon, Durkheim, Marx, Gluckman, Leslie White entre autres, dans laquelle il signale leurs différentes conceptions et leurs divers points de vues.
Définir le concept d’État est, pour certains sociologues, une chose ardue, voire même une « tâche presque impossible » pour reprendre les termes employés par Boudon et Borricaud (R. Boudon et P. Borricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, PUF, 2000, p. 232).
Les raisons expliquant cette impuissance se trouvent, évidemment, dans la science elle-même, car nous avons un grand nombre de théories sur la question, mais elles sont très divergentes les unes des autres, en fonction des différents courants de pensées sociologiques existant en sociologie.
Dans son ouvrage, M. Boudon nous expose les divers types de difficultés que, d’après lui, le sociologue rencontre au moment de la définition du terme État. D’une part, il signale que le terme associe d’une manière arbitraire les perspectives normatives et descriptives. D’autre part, l’État peut désigner une forme politique historiquement définie selon l’approche marxiste ou évolutionniste, ou bien une histoire bien particulière, comme le montrent Badie et Birnbaum dans leur sociologie de l’État.
Cette deuxième difficulté est liée à la troisième, dans le sens où la question de l’État reste toujours ouverte à la confusion. Selon lui, la définition d’État pose un problème en ce qui concerne la liste et la morphologie de ses organes : « par État faut-il entendre seulement le gouvernement ? Ou faut-il inclure dans sa définition la bureaucratie, la justice ? », nous explique-t-il encore.
Pour d’autres sociologues, en revanche, le terme ne pose pas de grandes difficultés. Parmi ceux-ci, nous avons le Brésilien Emilio Willems qui, dans son Dictionnaire de sociologie, explique que l’État est « l’institution sociale destinée à maintenir, à l’intérieur et à l’extérieur, l’organisation politique d’un peuple et munie des moyens nécessaires à cette fonction » et il ajoute que l’« un des caractères principaux de l’État est l’exercice d’un contrôle coercitif sur ses propres membres ou dans ses rapports avec les autres sociétés » (E. Willems, Dictionnaire de Sociologie, Librairie Marcel Rivière et Cie. 1970, p. 101).
En référence à une telle conception de l’État, l’école boudonienne répond en indiquant que toutes ces explications ne font que réduire l’État à « « un appareil répressif » à l’aide duquel les « dominants » exploitent les « dominés » » (R. BOUDON et P. BORRICAUD, op. cit., p. 233). Peut-être cette affirmation de Boudon n’est-elle qu’une interprétation très réductrice d’une théorie sociologique plus large. En tous cas, pour reprendre Boudon, quelles que soient les réponses à cette question, « il faut absolument se garder des stéréotypes idéologiques sur l’État ».