Florence Croidieu, Paris, 2002
L’intervention de la Banque mondiale au Mozambique (1994-1997)
La Banque a développé en 1995, le Programme provincial pilote d’appui à la réintégration (PRSP). Objectif: faciliter la réintégration économique et sociale des anciens combattants et d’autres groupes vulnérables.
Au milieu de l’année 1994, presque un tiers (5.7 million) des habitants du Mozambique avaient été forcés de quitter leurs habitations, déplacés à l’intérieur du pays ou réfugiés dans les pays voisins. Les chemins de fer, les routes et les ponts à travers tout le pays étaient en état de délabrement. Selon les estimations, environ la moitié des écoles du pays et le tiers de ses cliniques de santé avaient été endommagées ou détruites. Les terres agricoles et les chemins détournés avaient été endurcis par la sécheresse et étaient recouverts de mines. Le Mozambique était devenu l’un des pays les plus pauvres au monde. Lorsque la Banque mondiale a initié son Programme provincial d’appui à la réintégration (Provincial Reintegration support Program - PRSP) en juillet-août 1994, 17 ans de conflit civil avaient affaibli le tissu social et endommagé sévèrement l’infrastructure économique du pays.
I. Les objectifs
Dans l’appui des initiatives de réintégration en cours, la Banque a développé en 1995, le Programme provincial pilote d’appui à la réintégration (PRSP) dans les deux provinces de Manica et Nampula. Les composantes de PRSP étaient:
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(a) un fond de formation ;
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(b) un fond pour l’emploi ;
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(c) un appui institutionnel.
L’objectif global de PRSP était de faciliter la réintégration économique et sociale des ex-combattants et d’autres groupes vulnérables.
Après l’identification tardive des institutions principales du gouvernement, qui sont ensuite devenues l’Institut pour la formation et l’emploi et le Ministère du travail, le PRSP est finalement devenu opérationnel au début de l’année 1996.
II. Le fonds pour la formation
Complétant le programme de contrat de formation du gouvernement assisté par l’Organisation Internationale du Travail, le fonds de formation pilote (500.000 US$) se concentrait sur des apprentissages dans le secteur informel, en accordant à de nombreux maîtres artisans et aux employeurs de petites et moyennes entreprises l’équivalent d’un maximum de six mois de salaire et du matériel en échange de l’engagement d’un ex-combattant comme apprenti. Le programme d’apprentissage prévoyait d’organiser la formation près du lieu d’emploi, en insistant sur l’idée d’une formation sur le tas. Le programme ne garantissait pas l’emploi, mais visait à accroître les opportunités du stagiaire. Un programme de coupons de paiement avait également été prévu pour faciliter le choix du consommateur, en rendant les ex-combattants capables de payer pour la formation dont ils pensaient avoir le plus besoin.
III. Le fonds pour l’emploi
Le fonds pilote pour l’emploi (1.500.000 US$) a renforcé les micro-entreprises et la création d’emplois avec le soutien de l’Institut pour la Formation et l’Emploi, de l’Office allemande de la coopération technique (GTZ) dans la province de Manica et de l’Organisation internationale pour la migration (OIM) dans la province de Nampula. Le fonds pilote a soutenu les activités génératrices de revenus telles que la création des micro-entreprises, les travaux publics nécessitant une forte main d’oeuvre, la réhabilitation de l’infrastructure sociale, et les initiatives basées sur les besoins de la communauté (y compris les ONG). Les anciens combattants, les groupes de la communauté, les institutions du gouvernement local, et les ONG étaient éligibles pour formuler et introduire des propositions de projets. Considérant l’inexpérience de la plupart des groupes et bénéficiaires, le fonds finançait des micro-projets technologiquement simples et le GTZ et l’IOM ont fourni une assistance technique au gouvernement local ainsi qu’aux bénéficiaires des dons. Cette assistance touchait la préparation, l’évaluation, et le contrôle des micro-projets. Un fonds de formation et d’emploi décentralisé, qui a connu un très grand succès, a émergé des deux provinces pilotes.
IV. Renforcer les capacités institutionnelles
Le Ministère du travail était responsable de la coordination de toutes les activités relatives à la réintégration des ex-combattants. En même temps, le Ministère de l’action sociale assumait la responsabilité de la réintégration et du soutien des autres groupes vulnérables, y compris les réfugiés et les personnes déplacées. Le programme pilote PRSP a soutenu les deux ministères grâce à un personnel de base et à l’équipement de bureaux. La Banque avait, en effet, encouragé ses partenaires d’exécution à approfondir la coopération avec les structures du gouvernement local (principalement les conseils provinciaux d’emploi et les commissions provinciales pour la réinsertion sociale) et à travailler en étroite collaboration avec elles.
V. Résultats sur le terrain
Au début de l’année 1997, plus de 2.100 anciens combattants ont reçu une formation professionnelle à travers des services de formation du secteur formel et par les apprentissages au niveau du secteur informel. Environ 80 % de ceux qui avaient reçu une formation ont obtenu un emploi rémunérateur. Plus de 300 micro-projets orientés vers l’emploi ont été financés par le Fonds provincial de réintégration, touchant plus de 4.700 bénéficiaires directs. L’objectif d’environ 6.300 bénéficiaires a ainsi été dépassé de presque 10 % avec des coûts unitaires de moins de 200 US$ (à l’exclusion des frais généraux de l’administration).
VI. Formation
Il est intéressant de noter que presque les trois-quarts des stagiaires ont suivi des apprentissages liés au secteur informel. D’autre part, le fait de dispenser la formation près du lieu d’emploi a permis d’augmenter la capacité d’emploi à des coûts très bas. Enfin, l’idée de l’utilisation de bons de paiement a dû être abandonnée du fait de la capacité administrative insuffisante au niveau local pour mettre à exécution et surveiller un tel projet.
VII. Emploi
Le programme pilote PRSP permet de faire la comparaison entre une approche orientée vers la création d’emplois à court terme et une approche orientée vers le développement. En effet, le Fond Provincial (Provincial Fund - PF), mis en exécution avec l’assistance de l’OIM, visait à l’emploi rapide du plus grand nombre possible d’anciens combattants, alors que le Fond Ouvert de Réintégration (Open Reintegration Fund - ORF), bénéficiant de l’appui technique du GTZ, visait plutôt la création des micro-projets viables et rentables.
Les deux approches ont atteint leurs objectifs et, bien que l’insécurité subsiste dans certaines zones du pays, il ne semble pas y avoir de rapport systématique entre le taux de criminalité et le nombre de soldats démobilisés dans une localité.
Une leçon commune tirée durant la transition de la guerre à la paix est que, compte tenu de la faiblesse des institutions locales, l’utilisation des ONG, des groupes basés dans la communauté et d’autres intermédiaires du secteur privé, pour aider à la mise en exécution du programme est très importante.
VIII. Création de capacités
La création de capacités institutionnelles était un objectif secondaire de PRSP. Le Ministère du travail et le Ministère de l’action sociale ont cependant tous deux reçu du matériel de bureau leur permettant d’assumer plus efficacement leurs responsabilités. Par contre, le besoin de création de capacités aux niveaux provincial et communautaire, n’a été pris en considération que tardivement.
Commentaire
L’intervention de la Banque mondiale au Mozambique entre 1994 et 1997 est une bonne illustration du rôle qu’elle peut jouer dans un pays en sortie de crise. Dans ce cas précis, alors que de nombreuses agences internationales étaient présentes sur le terrain, la Banque a permis l’identification de domaines où l’appui était, jusque là, insuffisant :
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(a) L’implication directe des institutions du gouvernement local provincial, du district et du village comme facilitateurs des programmes et projets ;
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(b) La promotion de moyens d’existence durables (emplois réels) et du développement des communautés.
Le cas du Mozambique montre aussi que les activités de la Banque mondiale, dans les situations post-conflits, ne se limitent pas à la coordination de l’aide extérieure et à la négociation des accords de paix. Cependant, il est vrai que la Banque essaie aujourd’hui de centrer ses interventions dans les pays en crise à la stabilisation macro-économique et à la réhabilitation des infrastructures physiques, laissant de côté la restauration du capital humain.