Paris, février 2008
Se rencontrer après un conflit : Brezovica/ë, au Kosovo/a
A Brezovica/ë, Serbes, Albanais et internationaux semblent se côtoyer ‘normalement’. La station montagnarde est un espace de ‘rencontre’ totalement inhabituel dans une région encore meurtrie par la guerre et les clivages inter-ethniques.
Au Kosovo/a, presque 10 ans de régime discriminatoire, une guerre avec exactions à l’encontre des populations civiles, une résistance non-violente et une résistance armée, l’intervention des forces armées internationales, et enfin une résolution des Nations Unies assurant un protectorat sur ce territoire, ont enfermé les diverses communautés sur elles-mêmes. Chaque portion de territoire est considérée comme « serbe » ou « albanaise » en fonction des origines culturelles de la population qui l’habite, avec des camps de réfugiés pour les communautés minoritaires – roms, ashkallis, gorans, etc.
Six ans après la fin officielle de la guerre, chacun évite de se rendre sur le territoire « de l’autre » - par peur ou par précaution. Les anciens voisins, amis ou collègues ont donc du mal à reprendre contact, et le projet d’un Kosovo/a « multiethnique » est difficile à construire. Se déplacer, se voir, présentent des risques ou d’énormes complications.
Pourtant, il y a des espaces de possible. Des lieux où, discrètement mais pas secrètement, les uns et les autres peuvent se retrouver et se croiser comme si c’était normal. Ainsi se présente Brezovica/ë.
Commune du Sud du Kosovo, enclave serbe entourée de villes ou villages peuplés d’habitants d’origine albanaise, Brezovica/ë est probablement la seule station de ski du Kosovo/a. Dans les enclaves, quelles qu’elles soient, les personnes de l’autre communauté évitent habituellement de s’aventurer.
Sauf à Brezovica/ë’.
Quelques remontes-pentes et télésièges permettent, à ceux qui le désirent, de savourer les plaisirs de la glisse sur les plus hautes montagnes du Kosovo/a, en bordure de la frontière avec la Macédoine. On y retrouve des hôtels, des restaurants, des chalets d’accueil, et de grands centres d’accueil, un office de tourisme aussi.
Ici, on entend parler indifféremment serbe ou albanais – et aussi anglais, français, italien, compte tenu de la présence importante d’internationaux au Kosovo/a. Les informations sont affichées en serbe, en albanais, et en anglais aussi bien sûr. On peut payer en euros, monnaie utilisée officiellement au Kosovo/a côté Sud, ou en dinars, monnaie officielle de Serbie. Sur le parking, la diversité des plaques d’immatriculation témoignent de cette tolérance. Chez les loueurs de skis, dans les remontées mécaniques, Serbes, Albanais et internationaux se bousculent et semblent se côtoyer ‘normalement’, comme dans toute station montagnarde, ce qui, en cet endroit, est très surprenant car totalement inhabituel. La montagne y est belle sous la neige et le soleil, et l’accueil des habitants aimables et chaleureux.
Alors les Kosovars utilisent les particularités de cet endroit apparemment protégé pour pouvoir s’y retrouver dans une ambiance non seulement agréable par le cadre, mais surtout sécurisante. Ainsi, de nombreuses formations et des séminaires ‘multiethniques’ y sont régulièrement organisés, en relative sérénité. Des cars spéciaux sont affrétés pour permettre aux uns et aux autres de s’y rendre, tout en traversant le territoire ‘de l’autre’.
Toutes les communautés partagent alors les mêmes réalités quotidiennes : ainsi il n’est pas rare qu’une coupure de courant interrompe les remontées mécaniques…
Vivre en direct cet authentique mixage de population, comme quelque chose de naturel, est à la fois agréable et étonnant : qu’est-ce qui permet donc à ce lieu de vivre dans une paix certaine ? Pourquoi ce qui est possible ici ne le semble pas ailleurs ?
Commentaire
Brezovica/ë constitue un espace original de rencontre et de dialogue pour les communautés du kosovo.