André Dumoulin, Grenoble, France, février 1999
L’OTAN : entre la gestion de crises et le miroir américain
Mots clefs : Gouvernement des Etats-Unis | Union Européenne | OTAN | Etats-Unis | Europe
Depuis la chute du mur de Berlin, l’OTAN, organisation principale de défense et de sécurité occidentale a été dans l’obligation d’engager une réforme à la fois structurelle, doctrinale et géopolitique.
L’élargissement a l’Est peut déjà être analysée comme une stratégie globale associant le principe américain de consolidation de la communauté libre des démocraties via l’économie de marché.
A cet égard, le Partenariat pour la Paix et le Conseil de partenariat euro-atlantique ne sont pas des ornements cosmétiques, mais sont bien les outils essentiels permettant déjà d’occuper la zone flexible d’élargissement.
L’harmonisation économique, l’harmonisation militaire, l’harmonisation politico-stratégique, la fidélisation linguistique sont ainsi les piliers de cette stratégie totale articulée sous prédominance américaine. L’internationalisation des politiques de défense et les coalitions ad hoc en marge ou sous la bannière de l’Alliance deviennent ici les expressions d’une grande stratégie américaine où le volet militaire n’est qu’un des moyens au service d’une vision économique globaliste.
Quant au second volet du grand lifting mis en oeuvre au sein de l’OTAN, il intègre la question des nouvelles missions de gestion de crise, dont la détermination des objectifs politiques et la localisation des zones d’interventions peuvent poser questions. Le degré d’autonomie de l’OTAN dans le jeu de légitimation des interventions qui doivent nécessairement passer par un mandat de l’ONU, devient la pierre d’achoppement entre les différents Etats membres et singulièrement entre les deux rives de l’Atlantique.
En outre, après le constat du Secrétaire d’Etat américain Madeleine Albright le 8 décembre 1998 sur les trois « dangers » potentiels à éviter entre alliés (à savoir le découplage stratégique, la duplication des structures de forces et la discrimination entre Etats européens), il est à craindre que la visibilité de l’identité européenne de sécurité et de défense au sein de l’OTAN contiennent encore bien des ambiguïtés.
Ces dernières, déjà perceptibles sur les notions de mandat et de missions, sur la dimension nucléaire de l’Alliance et l’autonomie européenne en cas d’utilisation de moyens OTAN, furent quelque peu mises au placard afin de ne pas entacher la grande messe du 50ème anniversaire de l’OTAN d’avril 1999. Mais elles devraient par la suite renaître de plus belle et imposer rapidement une clarification transatlantique globale sur les différents enjeux de cette organisation intergouvernementale de sécurité et de défense qu’est l’OTAN.
Engagée de plus en plus hors de la zone de défense collective, outil dominant « au service » de l’OSCE dont elle fut au Kosovo ironiquement, l’instigatrice du mandat, l’OTAN a trouvé une nouvelle raison d’être, se convertissant vers l’« out of area »,par le biais d’une politique « tous azimuts », devenant finalement une organisation « attrape-tout ».
Aujourd’hui, l’OTAN veut être perçue tout à la fois comme un outil de stabilité, un réservoir de forces multinationalisées et combinées, un élément de garantie contre la Russie, un outil de contrôle américain sur les Etats européens et particulièrement sur leurs antagonismes nationalistes. Elle est le moteur d’une nouvelle communauté euro-atlantique qui lie les Etats-Unis au Vieux Continent au travers d’engagements, de procédures, de traditions et de dispositifs de déploiement.
Reste que la clef permettant d’asseoir une OTAN revue et corrigée doit passer par l’élaboration d’un étroit maillage de procédures de coopération politique, économique et militaire avec la Russie. L’oublier serait faire fi de la géographie et… de l’histoire.