Michel Brunelli, Grenoble, France, novembre 1999
Transfert et prolifération de technologie militaire : le cas israélien
A l’exception des grandes puissances industrielles de l’Occident et la Russie, on peut constater qu’il y a très peu de nations qui sont à même de baser une partie de leurs besoins militaires sur une production d’armements autonome, qui soit en même temps de qualité et d’un niveau technologique compétitif.
L’acquisition d’une partielle indépendance est surtout due à des motivations purement politiques. Des Pays comme la Corée du Nord, l’Iran, Israël et l’Afrique du Sud, les États-parias, sont obligés de pourvoir d’une façon autonome aux exigences industrielles et militaires, poussés par l’ostracisme de la communauté internationale qui s’oppose à leur conduite politique. Par conséquent ils sont tenus à l’écart du marché officiel du trafic d’armes.
Dans le cas israélien, l’acquisition et la production de matériel de guerre sont strictement liées, non seulement à une évidente interdépendance compensatoire, mais surtout à une sorte de recyclage de technologie complexe des engins qui proviennent des principaux pays exportateurs, avec lesquels on réinvente des systèmes ou bien leurs composantes. Le produit élaboré de nouveau est mis en circulation sur le marché international comme s’il s’agissait d’un produit nouveau.
D’après une étude du General Account Office (GAO) de 1983, on a vérifié que la plupart de la technologie militaire exportée par Israël, contient a peu près 36% de composants importés d’autres Pays. Bien que les États-Unis permettent au Gouvernement de Jérusalem, à travers les obligations des technical data packages, de développer et de produire des systèmes de guerre américains, on a constaté qu’il y a eu plusieurs violations aux dispositions qui règlent cette délicate forme de collaboration. Le cas d’Israël paraît comme unique : si d’un côté c’est un des premiers bénéficiaires des produits de guerre américains ; de l’autre côté il en est le principal contrevenant et promoteur de nouvelles lois sur le ré-export.
A partir de 1992, ce problème clairement identifié par l’administration américaine. Au mois de mars 1992 on publie en effet une analyse approfondie sur ce thème : il s’agit du « Report of Audit : Department of State Defense Trade Control », connu comme ’Rapport Funk’, du nom de l’auteur qui l’a élaboré. Le texte démontre, sur la base des informations du Service Secret, une méthodique et croissante activité ’institutionnalisée’ de transfert non-autorisé, qui commence en 1983.
La procédure utilisée, dans sa franche simplicité, est vraiment banale. Après avoir reçu un engin de guerre à technologie complexe, les ingénieurs le désassemblent pour l’étudier dans les détails, en arrachant les secrets techniques ; après quoi il est ’sensiblement’ modifié et, avec une marque israélienne, il est assemblé sur des systèmes d’armes produits par Israël. Dans la plupart des cas, les nouvelles armes sont introduites sur le marché pour être exportées.
Ce qui rend possible la vente non autorisée des armes c’est le très puissant groupe de pression hébraïque américain, qui affaiblit et, quelquefois, s’oppose ouvertement aux mesures prises contre l’état du Proche-Orient et contre sa politique contradictoire dans le domaine du commerce d’armes. Un autre motif réside dans la décision du Congrès des États-Unis de nommer Israël le principal allié non-OTAN ; ce qui donne une forte impulsion à la pratique d’élaboration des armes. En conséquence, Israël bénéficie d’énormes facilités pour l’acquisition de matériel militaire américain et pour obtenir des licences de fabrication. En plus, l’administration américaine s’engage pour maintenir l’appareil militaire israëlien à un niveau de qualité supérieure par rapport à ses ennemis de la région. Malgré l’engagement croissant dans le contrôle des exportations et dans la limitation des ventes de certains engins, les États-Unis n’arrivent pas à endiguer le phénomène de transformation de leurs produits.
La vente non-autorisée de matériel de guerre en exclusivité, est vue non seulement comme une menace pour les intérêts du commerce américains, mais elle interfère lourdement sur la conduite de la politique étrangère de Washington. Le ré-export peut compromettre la stabilité de la région et, donc paradoxalement, la sûreté d’Israël.
Parmi ses clients, Israël a des pays politiquement hostiles aux États-Unis, comme la Chine et, jusqu’à la dernière décennie l’Afrique du Sud, avec laquelle, Israël a partagé une longue période d’ostracisme international, qui a entraîné un rapport solide de coopération, surtout dans le secteur nucléaire.
Mais ce sont les rapports commerciaux avec Pékin qui éveillent le plus les appréhensions des milieux militaires américains, pour les éventuels transferts d’armes à des pays tiers. Si la Chine pouvait disposer de la technologie des missiles israéliens, le scénario d’une prolifération horizontale serait de plus en plus concret, à cause des liaisons de la Chine avec l’Iran et, de ce dernier avec la Corée du Nord. D’après la CIA, à partir de 1989, l’état d’Israël est devenu la source principale de technologie du gouvernement chinois. L’appui donné par Jérusalem pour développer l’appareil industriel militaire de la Chine a été considérable, surtout pour la production de chars de deuxième génération, pour la réalisation de missiles air-air et d’avions de chasse. La nouvelle qu’Israël aurait vendu à la Chine la technologie des systèmes antimissiles Patriot a fait beaucoup de bruit aux États-Unis. En effet ses composantes sont considérées comme des éléments essentiels pour l’élaboration des missiles balistique M-9 et M-11, qui pourraient être transformés en systèmes de défense anti-missiles. Cette éventuelle collaboration augmenterait, par conséquent, la capacité défensive israélienne aussi : pour l’améliorer Israël serait en train de céder les composantes du missile de croisière STAR et Arrow.
Un autre cas-symbole, qui a créé une discussion enflammée avec le gouvernement de Washington, concerne la réalisation du missile air-sol Popeye, produit par la Rafael. D’après les ingénieurs de la Lockheed-Martin, il serait composé à 99% d’éléments américains : donc il est pratiquement identique au missile Have-Nap de la maison américaine.
Si, en effet, le pourcentage de la technologie militaire américaine contenue dans les systèmes vendus par Israël est si élevé, le phénomène de la diffusion de know-how occidental est assez préoccupant. Dans les années 94-95, Israël a exporté des armes pour une valeur supérieure à 500 millions de dollars. En valeur absolue cela signifie 2% des ventes d’armes mondiales, autant que la Chine et, pour 1994, la moitié de ce qu’a exporté la Russie. En 1995, avec 775 millions de dollars d’armes exportées, Israël s’est installé au 6ème rang dans le classement des exportateurs.
Pour le moment, à cause des questions de marché, la technologie « européenne » paraît être exempte du recyclage perpétré par Israël. En effet il reste une aire commerciale fermée aux opérateurs européens, qui craignent de compromettre leurs affaires avec les clients arabes, excellents acheteurs. Le problème reste presque limité aux États-Unis, qui payent cher leur prééminence, presque monopolistique dans le marché israélien.