Luc Mampaey, Grenoble, France, février 1998
L’industrie belge de l’armement : reconversion ou consolidation ?
Mots clefs : Reconvertir les armements
La production d’armement en Belgique n’est pas, et n’a jamais été, un instrument d’expression de la souveraineté ou de la puissance de l’Etat. La Belgique n’a pas de politique industrielle spécifique à la défense, ni d’ailleurs d’intérêts géostratégiques qui pourraient la justifier. Statistiquement, il n’existe pas d’agrégat propre au "secteur de la défense" dans les comptes nationaux. Disséminées entre les différentes branches de l’industrie manufacturière, les entreprises qui produisent des équipements de défense constituent un secteur virtuel, difficile à circonscrire et évaluer.
La part de la défense dans la production est fortement variable, d’une entreprise à l’autre, mais aussi d’un exercice à l’autre dans une même entreprise. A l’exception de quelques entreprises majoritairement militaires (FN HERSTAL, MECAR), beaucoup d’entreprises sont diversifiées et de moins en moins dépendantes des commandes militaires. Enfin, certaines préfèrent dissimuler autant que possible leurs activités militaires, une attitude caractéristique des entreprises flamandes du secteur de l’électronique (BARCO, ALCATEL BELL) dans lesquelles il est difficile de déterminer le poids de l’activité militaire.
Bien que petit pays, la Belgique est loin d’être un acteur mineur sur la scène internationale. FN HERSTAL lui assure même une position de leader mondial des armes légères. Les entreprises belges du secteur de la défense sont en effet surtout exportatrices : la part de production destinée à la demande nationale en équipement de défense est marginale tandis que les clients sont essentiellement des pays en voie de développement.
Confronté à la crise des finances publiques dès le début des années 80 et à la contraction des marchés qui suivit la fin de la guerre froide, le secteur de la défense à connu des pertes d’emplois spectaculaires. L’emploi direct dans l’industrie belge de défense se chiffre aujourd’hui à moins de 7.000 unités alors qu’il était de 30.000 en 1980 et 13.162 en 1990 : 75% des emplois directs perdus en 18 ans.
Mais point de réelles expériences de reconversion : en 15 années de crises, l’industrie belge de défense s’est restructurée, spécialisée dans des niches spécifiques et consolidée pour affronter un marché de la défense de plus en plus concurrentiel. Sans grande surprise, on note donc que ce sont, une fois encore, les travailleurs qui ont fait les frais des restructurations, alors que les résultats du secteur, qui renoue progressivement avec les bénéfices, attestent manifestement que les "dividendes de la paix" n’ont pas été perdus pour tout le monde.
Peut-on donc encore vraiment parler de crise dans le secteur de la défense, et des aides spécifiques en sa faveur se justifient-elles toujours ? Au contraire, la préoccupation croissante de la communauté internationale pour une limitation du commerce des armes, en particulier les armes légères, et pour une meilleure diplomatie préventive devrait inciter les partenaires privés et publics à reconsidérer les stratégies des entreprises de défense. Il n’est pas raisonnable, au nom du maintien de l’emploi à tout prix, d’opposer systématiquement moralisme et réalisme, valeur éthique et valeur économique. Plus que jamais, les objectifs de développement durable passent par une reconversion profonde et définitive des entreprises d’armements et implique une réflexion objective sur la finalité de l’allocation des ressources.