Sabine Jourdain, Grenoble, France, avril 1999
Réformes et rappel à l’ordre dans l’armée chinoise
Le 24 juillet 1998, le Président de la République Populaire de Chine, et chef de la Commission des armées a officiellement décrété que l’armée devrait désormais mettre fin à toutes ses activités commerciales.
Dès le début des années 80, et le lancement de réformes en vue de réaliser « l’économie socialiste de marché », les industries détenues par l’Armée Populaire de Libération (APL) avaient été encouragées à produire des biens en vue de reconversion vers l’économie civile.
Les industries, souvent vétustes et reléguées dans les provinces les plus éloignées, avaient ainsi réorienté leurs productions vers des secteurs très variés allant du ventilateur à la construction aéronautique, en passant par l’industrie pharmaceutique, l’automobile, le secteur minier…
Elles avaient pu, en outre bénéficier des apports étrangers en technologie moderne.
Sur les 20 000 entreprises répertoriées quelques groupes puissants sont apparus tels que : Polygroup, China Xining group, Carrie Corp. Le développement des services et notamment de secteurs exponentiels tels que les télécommunications et l’immobilier leur ont permis de se constituer comme un état dans l’état, ce qui autorise à parler de l’existence d’un vaste complexe militaro-industriel.
Ces activités représentent aujourd’hui 10 à 15% du budget officiel de la défense.
La directive qui émane d’une décision centrale du Parti, interdit désormais à l’armée toute nouvelle implication dans des entreprises commerciales ; quant aux entreprises existantes, elles seront progressivement séparées de leurs liens avec les institutions militaires, leur gestion sera transférée aux institutions civiles. Et les militaires de carrière qui sont employés dans ces usines et corporations seront amenés à choisir entre une profession civile ou militaire.
Le motif invoqué par le pouvoir central est l’assainissement dans le cadre de la mise en place d’une réelle économie de marché basée sur la concurrence loyale. Il s’agit également de lutter contre la contrebande, dans laquelle étaient passées maîtres un bon nombre d’entreprises de ce secteur.
Le Président Jiang Ze Min en rappelant que « l’armée a su assumer son rôle en temps de guerre mais doit aussi assumer en temps de paix », renvoie la prestigieuse institution à sa vocation de neutralité.
Politiquement, cela lui permet de renforcer son rôle de seul chef militaire, surtout depuis la disparition d’un militaire de poids, l’ex Président Yang Shang Kun.
Il est intéressant de noter qu’au moment où était lancée cette campagne contre les activités militaires, les militaires se sont montrés extrêmement actifs et solidaires dans leur aide aux populations touchées par les grandes inondations de l’été. Les événements très largement rediffusés à la télévision ont permis à l’armée de redorer son blason, terni lors des massacres de Juin 1989.
Reste à savoir de quelle manière va être gérée la transition, tandis que de nombreux licenciements interviennent dans tous les organismes étatiques. L’APL devrait voir ses effectifs réduits de 20%, soit près de 500 000 personnes en 3 ans. Les économies ainsi réalisées permettront outre d’alléger le budget de l’Etat, d’améliorer les systèmes de défense.
Une partie des fonctionnaires de l’APL pourrait être dirigée vers la Police Populaire Armée. Début Novembre, le quotidien du Peuple (renmin ribao) a rapporté un document issu de la Commission militaire centrale visant à motiver les organisations et entreprises afin qu’elles embauchent des militaires des troupes démobilisées. La crainte du gouvernement quant à la sécurité nationale et la stabilité est mise en avant.
Parallèlement, des enquêtes seront menées sur les intérêts d’affaires de l’administration judiciaire.