Experience file Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

, Grenoble, France, November 1996

Les travailleurs de l’aérospatiale après la chute des dépenses militaires.

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Une équipe de chercheurs de la RAND Corporation, institut de recherche californien, a suivi le cheminement des employés de l’aérospatiale pendant une période, 1989-1994, où leur industrie a subi un très net recul. Ce rapport détaillé, commandité par le cabinet du ministère de la défense, constitue le troisième et dernier volet d’une étude effectuée cette année (1996) sur l’industrie aérospatiale californienne. L’échantillon choisi dans le cadre de cette étude est un reflet de toute l’industrie aérospatiale américaine et aussi de l’industrie de l’armement en général.

L’industrie californienne de l’aérospatiale représente environ 25% de l’industrie aérospatiale américaine, industrie qui a perdu environ 25% de sa main d’oeuvre entre 1988 et 1994. RAND suit de près l’évolution de l’industrie aérospatiale depuis la fin de la guerre froide. Pour tenter de comprendre et de mesurer les changements intervenus dans l’aérospatiale, les chercheurs de la RAND ont adopté une approche comparative qui examine l’évolution de l’industrie aérospatiale californienne par rapport à l’industrie non-aérospatiale de production de biens durables dans la même région. Pour cela, ces chercheurs ont utilisé deux unités de mesure : l’évolution des revenus des employés de ces deux secteurs industriels sur une période de six ans (1989-1994) et leur recours aux programmes d’assurances pour chômeurs. L’étude a examiné un total de 517 000 employés dans un secteur (l’aérospatiale) et 315 000 dans l’autre. Cette méthodologie reflète l’inquiétude des Américains concernant la baisse du niveau de vie des classes moyennes, inquiétude équivalente à celle qu’ont les Européens vis à vis du chômage. Car s’il est plus facile de retrouver un emploi aux États-Unis qu’en Europe, rien ne garantit que ce travail nécessite les mêmes qualifications que le précédent, ni qu’il soit aussi bien payé.

D’une manière générale, les employés de l’aérospatiale ont pu maintenir leurs revenus à des taux comparables à ceux qu’ils avaient en 1989. La différence de revenus qui existait au départ entre les deux secteurs (environ $12 000 par an en faveur des employés de l’aérospatiale) est resté sensiblement la même. Les employés des deux secteurs ont utilisé les programmes d’assurance pour chômeurs à des taux sensiblement égaux dans les deux secteurs industriels (un peu moins élevés toutefois pour l’aérospatiale). Cependant, les chômeurs venus de l’industrie aérospatiale ont recours à ces programmes sur des périodes plus longues que les chômeurs du secteur industriel non-aérospatial, ce qui signifie qu’ils mettraient plus de temps à retrouver un emploi.

Les conclusions qui se dégagent de cette étude sont plutôt positives et sembleraient indiquer que les conséquences de la baisse des activités dans ce secteur sur l’emploi ne sont pas aussi dramatiques qu’elles pourraient l’être. Néanmoins, il convient de rester prudent. Une autre étude, préparée par le California Employment Development Departement, donne des conclusions opposées. L’étude de la RAND, bien que très détaillée, est tout de même limitée : par exemple, les employés ayant quitté la Californie n’ont pas pu être comptabilisés. Mais, même si ces résultats n’ont pas une valeur absolue, ils indiquent que la situation n’est peut-être pas aussi difficile qu’on le croit généralement - l’opinion négative est alimentée par les médias qui ont tendance à dramatiser la réalité en la personnalisant - et que le problème est plus complexe qu’il n’y paraît à première vue.

Commentary

L’un des éléments clés de la reconversion concerne la reconversion des employés de l’industrie de la défense. Sur le plan politique, les résultats d’une étude comme celle réalisée par les chercheurs de la RAND peut avoir des conséquences importantes car l’un des arguments utilisés par les industriels de l’armement, souvent peu enclins à entamer des efforts de reconversion, est que la reconversion entraîne des pertes d’emploi. Or, même les géants de l’industrie américaine de la défense qui parviennent à s’imposer sur un marché en déclin (et qui refusent de se reconvertir) sont obligés de réduire leurs effectifs. S’il s’avère que les employés des industries de la défense, qui sont hautement qualifiés et supérieurement rémunérés, parviennent à maintenir leur niveau de vie dans d’autres secteurs industriels, l’État américain sera peut-être moins enclin à maintenir artificiellement les activités des industries de l’armement et à freiner son déclin comme il le fait actuellement. Les syndicats de travailleurs, dont le poids n’est pas négligeable dans le débat sur l’avenir de l’industrie de la défense, pourraient gagner en confiance et s’engager davantage dans l’effort de reconversion, comme ils le font depuis un certain temps déjà.