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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’expérience Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

Philippe Mazzoni, Grenoble, France, avril 1997

Adopter une stratégie offensive et souple de reconversion

Mots clefs : Autorité municipale | Reconvertir les armements | France

Le Conseil Économique et Social de la région (C.E.S.R.) a présenté le 9 janvier 1997 un « Rapport sur la reconversion des industries de l’armement en Île-de-France », exprimant certaines critiques et inquiétudes. Rappelons qu’un tiers des effectifs des industries d’armement françaises sont en Île-de-France, soit environ 130 000 emplois. Selon le rapporteur, M. Joël TARCHE, l’impact des restructurations sur les effectifs se traduit par la suppression de 20 000 emplois « d’ici à 2002 sur l’ensemble de la région (3000 par an)". A cet égard le C.E.S.R. formule « un ensemble cohérent de propositions visant à améliorer les dispositifs existants et à suggérer d’autres pistes peu explorées jusqu’alors, notamment en ce qui concerne les transferts de technologie ou la formation des hommes ».

Dans son analyse de la situation actuelle, le rapport note la « recherche d’une taille critique » de la part des entreprises, qui se traduit par la multiplication d’accords européens et mondiaux, la spécialisation des sites géographiques nationaux ou européens, un recentrage sur le métier et une logique d’externalisation plus systématique. Ses conséquences sont sociale par les suppressions d’emplois, économique par le financement des changements géographiques et des mesures sociales, et informationnelle par la perte de savoirs et de compétences. Le rapporteur note aussi une « application mécanique des orientations de réduction des budgets militaires avec des effets négatifs sur les organisations d’études-recherches, prototype, production, sur les communautés de travail », ainsi que des « décisions politiques en matière industrielle peu maîtrisées, peu claires, parfois incohérentes en un laps de temps très court de la vie d’un groupe industriel ». Enfin, il est noté que la « diversification vers le civil est déjà largement effective dans les grands groupes » (sous la forme de création de filiales) et que « l’approche duale est encore pertinente ». De plus, les auteurs du texte regrettent le manque de « relation coopérative » entre les grands donneurs d’ordre et les PME-PMI franciliennes, ce qui a des conséquences néfastes pour ces dernières.

Le rapport analyse ensuite les différentes mesures déjà mises en place. Le dispositif AIDA de la Région (aide des PMI sous-traitantes volontaires pour bénéficier d’une réflexion stratégique sur le redéploiement de leur activité) fait ressortir les difficultés aggravées de celles-ci. Il est aussi dommage qu’il n’y ait pas de suivi de la mise en œuvre des préconisations…

A propos de l’application du programme KONVER de la Communauté européenne, il est noté sa faible « transparence sur l’avancée de sa mise en œuvre » et ses limites trop contraignantes.

En ce qui concerne les plans sociaux en cours ou annoncés, le rapport souligne l’absence de clarification des choix stratégiques préalables. Il note aussi les bons résultats des accords de réduction du temps de travail et de reclassement interne/externe.

Concernant la Convention Régionale Etat-Région, il est noté la « faible lisibilité pour ceux à qui elle est destinée - les entreprises - de cette usine à gaz, où se croisent de nombreux dispositifs susceptibles de faire doublons », le manque d’identification claire « du fait de la très faible campagne de communication, d’information et de médiatisation », la perte d’efficacité due au saupoudrage des crédits, une mise en marche trop tardive, et enfin une construction trop institutionnelle sans la participation des acteurs sociaux…

A la suite de ce rapport, le CESR dégage une vingtaine de propositions s’appuyant sur :

  • la constatation de l’existence d’un pôle d’excellence industrielle ;

  • l’affirmation de « la nécessité de choix de politique industrielle nationale mais aussi régionale clairs » ainsi que « la nécessité d’une stratégie de coopération européenne » ;

  • la « crainte de voir l’État en faire trop à la fois » ;

  • le constat d’un retard important dans la conversion des industries d’armement, ce qui maintient les PME-PMI dans un état de dépendance.

Le CESR estime que la responsabilité des grands donneurs d’ordre étant grande, il leur appartient de corriger les effets pervers de cette dépendance des PME (détachement de cadres, accompagnement, parrainage, concession d’exploitation de brevets, coopération technologique). Ils doivent s’appuyer pour cela sur les dispositifs proposés par la Convention régionale.

Ensuite, le « délégué régional aux restructurations doit être épaulé par une équipe pluridisciplinaire et suffisamment étoffée, identifiée, homogène, en un lieu unique mais disposant de relais infra-régionaux pour mener à bien, en direction des entreprises, les chantiers suivants » : le besoin de fonds propres, les besoins spécifiques des PME-PMI, le besoin de produits ou procédés civils, le besoin de technologies nouvelles.

Le CESR suggère aussi de lancer un projet « Émergence » pour des procédés, produits, techniques, élaborés dans un cadre militaire, mais qui, n’ayant pas fait l’objet de développement, pourraient être transférés vers des activités civiles.

Concernant les outils et méthodes, il convient de mettre en place rapidement un guichet unique régional, de simplifier les procédures, d’éviter le saupoudrage de crédits, de dynamiser les conseils généraux concernés. De plus, il faut que KONVER soit redéployé et étendu, et qu’un inventaire précis des entreprises, des salariés concernés, et de l’état de la situation économique et sociale, soit tenu à jour.

Au niveau de l’emploi, les Délégations Départementales du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DDTEFP) doivent exercer leur vigilance au niveau des garanties de défense et de protection des personnels des PME-PMI…

Commentaire

On peut noter les difficultés de l’aménagement du territoire avec, d’un côté, l’Île-de-France qui se trouve déséquilibrée avec un poids du tertiaire trop supérieur à celui de l’industrie et qui cherche par tous les moyens à conserver ses pôles de compétences, et, de l’autre côté, les régions déjà très touchées par les restructurations et qui demandent à grands cris des délocalisations en faisant remarquer que l’Île-de-France est la moins touchée…

D’autre part, on trouve là un ensemble de critiques et de propositions intéressantes concernant les Délégations régionales aux restructurations. Rappelons qu’actuellement plusieurs contrats Etat-Région ont été signés (Aquitaine, Rhône-Alpes, Île-de-France) et qu’il n’y a pas encore de bilan de l’action de ces délégations. Les critiques qui sont faites à celle d’Île-de-France sont généralisables aux autres, en particulier sur l’absence des partenaires locaux et sur le peu de publicité faite.