Christophe Garda, Paris, 2002
Les missions d’assistance internationale à la reconstruction : l’exemple de l’intervention américaine à Haïti
Haïti 1994, l’implication des Etats-Unis dans le cadre d’un programme d’assistance conduit par le département américain des affaires civiles.
La reconstruction qui suit une période de crise et la réhabilitation sociale et économique sont des entreprises complexes qu’un pays peut rarement mener seul. L’aide extérieure lui est alors une chose précieuse dans la mesure où elle permet un retour à la normale plus rapide et plus complet. Cela a été le cas, en 1994, d’Haïti, qui a bénéficié de l’implication des Etats-Unis dans le cadre d’un programme d’assistance, mission conduite par le département américain des affaires civiles.
Après de longues années de dictature et d’instabilité politique, Haïti a connu en 1994 une période d’espoir et la mise en route d’un processus de reconstruction du pays, l’un des plus pauvres du monde. N’étant pas en mesure de faire face seul à ce projet, il a pu compter sur l’intervention en sa faveur des Etats-Unis. Au départ prévue pour être une mission militaire au cœur d’un situation encore instable, elle s’est finalement transformée en une assistance humanitaire : l’Ambassadeur des Etats-Unis en poste sur la petite île des Antilles avait en effet sollicité une implication des moyens civils et des industries américaines pour guider le gouvernement Aristide, depuis peu à la tête du pays, dans ses premiers pas. C’est dans le cadre des affaires civiles des Etats-Unis que ce programme a été mis en œuvre. Il répondait à un double objectif :
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L’évaluation des besoins puis la planification et la mise en en œuvre des premières actions de réhabilitation ;
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L’établissement de liens durables entre les ministères haïtiens et les bailleurs de fond internationaux.
En revanche, il ne s’agissait en aucun cas pour les affaires civiles américaines d’apporter elles-mêmes des financements, de diriger le gouvernement Haïtien ou d’établir un partenariat de long terme. Il convenait plutôt de conduire une mission d’audit, de consulting et d’expertise afin d’établir une sorte de cahier des charges, de démarche type à suivre afin de mener au mieux la reconstruction. Cela s’est donc transcrit par plusieurs finalités :
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L’établissement de contacts avec et entre les parties concernées (Ambassade des Etats-Unis, Agence américaine pour le développement international “USAID”, ministères haïtiens), afin d’obtenir les moyens, accords et autorisations nécessaires au bon déroulement du programme ;
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La création d’un climat de confiance, à travers notamment la réalisation d’opérations de court terme et la gestion des affaires courants ;
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L’identification des projets à mener dans la durée, des principaux contributeurs de l’aide internationale, et la coordination de l’ensemble ;
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La pérennisation de la mission par des plans de formation de responsables en matière d’organisation, de management, de planification de budgets.
Le but était qu’au moment où les affaires civiles américaines se retireraient, les autorités haïtiennes soient en mesure de prendre le relais de manière efficace et sachent à qui s’adresser (ONU, organismes privés…) en cas de besoin. La contribution américaine a donc été significative et les réalisations nombreuses dans différents domaines :
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Celui des services publics essentiels : amélioration du système de santé (formation de personnels, réparation de matériels), évaluation des systèmes éducatif, judiciaire et carcéral ;
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Sur le long terme : établissement du premier budget d’Haïti pour la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International, élaboration d’un plan d’urbanisme pour la capitale Port-au-Prince et d’un projet de réintégration des émigrés haïtiens, réhabilitation du secteur du tourisme ;
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Pour la vie de tous les jours : création d’une radio nationale, aménagements paysagers, plantation d’arbres…
Aux yeux du gouvernement haïtien et de l’Ambassade des Etats-Unis, la mission a été un succès et s’est finalement prolongée notamment au sein des Ministères de la Justice, de l’Equipement et de l’Intérieur. Selon Bruce B. Bingham, responsable et coordinateur des opérations, la clef de la réussite a semblé venir de la capacité à mobiliser un petit nombre de réservistes des affaires civiles, dotés d’un niveau de compétence et d’expertise élevé et capables de se mobiliser rapidement et avec efficacité.
Commentaire
L’action des Etats-Unis en Haïti donne un exemple de ce que sont capables d’apporter et de réaliser les actions civilo-militaires (ACM), qui se veulent une forme d’intelligence collective entre le militaire, la diplomatie, l’entreprise et l’humanitaire. L’enjeu aujourd’hui est de donner une sorte de label à ce concept, de crédibiliser les actions entreprises sur le terrain par la mise en œuvre d’une vraie politique d’assistance aux opérations de reconstruction et de développement des pays en crise. A l’heure actuelle, la complexité profonde des situations conflictuelles suppose des réponses qu’un seul type d’acteur n’est pas capable de donner. Seule la mobilisation de toutes les énergies est susceptible d’agir dans le long terme pour la paix et pour le développement.
Il convient enfin de souligner que la logique qui prévaut dans le cadre d’actions extérieures ne doit pas être celle d’une prestation de services à fonds perdus, insatisfaisante pour chacune des parties, mais plutôt celle d’une coopération et d’un partenariat. Car les pays en crise sont aussi les principaux acteurs de leur propre reconstruction.
Notes
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Source : La gestion des sorties de crise: action civilo-militaires et opérations de reconstruction, in Fondation pour les Etudes de Défense.
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Voir également le site de L’USAID : www.usaid.gov