Jennyfer Vasquez, Paris, enero 2005
Le plan de paix pour la Colombie du Président Pastrana à la fin du XXe siècle : de l’espoir à l’échec
Situation actuelle du conflit armé (acteurs, enjeux, problèmes), origines de la violence (facteurs sociaux, économiques, politiques), mesures concrètes pour réussir la paix. Un processus en deux phases : négociation et signature d’un accord de paix dans un premier temps, réformes des liens sociaux ensuite. Malgré l’intérêt du plan de paix Pastrana et en raison des enjeux locaux, sa dimension opérationnelle n’a pas pu être mise en œuvre, ce qui a constitué un échec.
Keywords: Conflicto colombiano | Concertación política para la paz | Favorecer el diálogo entre los beligerantes | Proponer alternativas al cultivo de plantas que sirven para la elaboracion de drogas | Gobierno colombiano | Elaborar propuestas para la paz | Presentar reformas para un nuevo proyecto de sociedad | Proponer un plan de paz | Conducir negociaciones políticas para buscar la paz | Establecer un Acuerdo de Paz para el alto el fuego | Colombia
Javier Pastrana est arrivé à la présidence de la Colombie en août 1998. Dans un pays traversant un conflit armé interne, sa campagne présidentielle s’est appuyée sur la construction de la paix. Pastrana a présenté les négociations de paix comme le point central de sa campagne présidentielle ainsi que de son administration. Selon lui, la prise au sérieux des demandes des FARC par le gouvernement est la condition préalable à la paix et aux négociations.
Selon lui, il est nécessaire de transformer les structures politiques et économiques du pays : « La agenda de la guerrilla es una transformación de las estructuras políticas y económicas del país..aspectos sustantivos que pueden y deben ser abordados por el Gobierno en una negociación… La negociación no solo pondría fin a la confrontación, sino que garantizaría que a través de la concertación amplia de un nuevo proyecto de país quedarían sentadas las bases de la verdadera reconciliación entre los colombianos ».
Il proclame son vœu de mettre fin à la barbarie et de défendre le droit à la vie. Dans son appel lancé au peuple : « Defenderé el derecho a la vida, a la vida de todos los colombianos, sin excepciones. No quiero que bajo mi mando haya colombianos exiliados por razones políticas. »
Pastrana pense que le mandat doit revenir à son administration pour relever le grand défi d’instaurer la paix. Il lance avant les élections : « Los diez millones de colombianos que votaron el 26 de octubre por “La paz, la vida y la libertad” le dieron un mandato incontrovertible al gobierno: no más guerra, no más atrocidades.» (Andres Pastrana. “Una Política de Paz para el Cambio. Bogota, D.C. 8 de junio de 1998. candidato a la presidencia de la Republica.” Hechos de Paz).
Pastrana défend l’idée établissant que les négociations représentent la clef pour arriver à une paix durable et authentique. Les propositions des FARC ainsi que la réforme de la structure politique et économique, sont des éléments pouvant être discutés dans les négociations. Le Président proposait d’arriver à la table des négociations avec un agenda libre, pour être prêt à écouter les demandes des FARC. Selon lui, il fallait être flexible afin que les deux camps décident ensemble de l’agenda et des thèmes qu’ils allaient traiter pendant les négociations. Cependant, il précise qu’il n’hésiterait pas à utiliser la main forte contre les paramilitaires, car selon lui, ils représentent l’une des expressions les plus préoccupantes du conflit : « una de las más preocupantes expresiones de la degradación del conflicto : éstos, de grupos de justicia privada, terminan por convertirse en grupos armados sin control alguno » .
Dans un discours concernant sa politique de paix, prononcé pour sa candidature à la présidence, il a énoncé ses « vingt points » pour arriver à la paix.
Les « vingt points » de Pastrana concernent les origines du conflit armé et la manière dont il souhaite les aborder. Ses propositions touchent aux domaines suivants :
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Lutte contre la corruption au sein du gouvernement
Les premiers points abordent les doléances du peuple contre le gouvernement, surtout après le scandale lié au Président Samper, accusé d’avoir accepté de l’argent provenant de trafiquants de drogue pour le financement sa campagne électorale. Par ailleurs, Pastrana parle en profondeur de la réforme politique, avec des partis politiques solides, une représentation « responsable » et des garanties pour les peuples minoritaires. Ses points abordent la désillusion que les citoyens éprouvent parfois face à la politique, qui constitue la raison pour laquelle quelques-uns prennent le chemin du conflit armé. En effet, les guérillas invoquent « la corruption et le terrorisme d’État » comme principal frein à l’atteinte de leurs objectifs par les voies politiques. Les points de Pastrana abordent également l’importance d’éradiquer la corruption et mentionnent spécifiquement l’ancien Président Samper.
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Réforme du système politique
Pastrana s’occupe de la réforme structurelle du gouvernement et souligne l’importance de réellement séparer les pouvoirs afin d’assurer l’instauration d’un régime véritablement démocratique.
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Réforme du système économique et des rapports sociaux
Ensuite, Pastrana affirme que le problème du conflit armé dépasse la simple violence, mais que pour arriver à une paix durable il faut mettre en œuvre des réformes sociales pour résoudre le mécontentement social. Il propose également de demander la participation économique de la communauté internationale pour financer des réformes sociales et économiques. Pastrana est certain de la nécessité de consolider la paix par une amélioration du quotidien des habitants : « Necesitamos llevar salud, educación, servicios públicos, vías de comunicación, y generar fuentes de trabajo en esas regiones, para consolidar la paz que se logre en la mesa de las negociaciones. » (Andres Pastrana. Hechos de Paz). Il cherche également un moyen de résorber les énormes différences existant entre les classes sociales du pays. Tandis que de nombreuses personnes vivent dans la pauvreté, une minorité d’habitants profite d’une vie extrêmement luxueuse. En Colombie, 55 % de la population connait la pauvreté et le chômage touche environ 20 % de la population (chiffres donnés par le CIA World Fact Book et par “BBC Mundo: Plan Colombia” et la FARC, 2001). Pastrana baptise son plan de développement économique et social du pays le « plan d’urgence sociale ».
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Amélioration de la situation des paysans afin de lutter contre la culture de la drogue
Selon Pastrana, au delà d’un problème judiciaire, la culture des drogues consitue un problème social directement lié au conflit armé car des milliers de paysans en font leur activité principale et pourraient se retrouver ruinés par une politique anti-drogues : « Íntimamente ligado al problema social y a la violencia esta el asunto de los narcocultivos. Pienso que estos no se erradicarán con fumigaciones ni con actos de fuerza. El narcocultivo, más que un problema judicial, es un problema social, derivado de la miseria de los miles de campesinos dedicados a esta actividad, arruinados por las equivocadas políticas agrarias de este gobierno ». Ce problème des narcocultures est la cause d’une forte violence dans le pays. Les FARC et autres guérillas utilisent l’argent des drogues pour le financement de leurs projets. Mais comme l’indique Pastrana, ce problème ne se résoudra pas par les simples fumigations des narco-cultures, car il faut en réalité s’attaquer à ses origines, à savoir le chômage et l’inégalité dans la distribution des services dans le pays.
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Établissement d’une « zone pour la paix »
Pastrana va désigner une zone démilitarisée pour les négociations. Ensuite, il promet d’être personnellement impliqué dans le processus pour maintenir l’unité ainsi qu’une direction claire. Il propose de garder un agenda libre et sans contraintes pour que les deux camps puissent décider ensemble les thèmes des négociations.
Sa proposition constitue en effet une approche globale de la situation colombienne et de son avenir : situation actuelle du conflit armé (acteurs, enjeux, problèmes), origines de la violence (facteurs sociaux, économiques, politiques), mesures concrètes pour réussir la paix, en deux temps : négociation et signature d’un accord de paix dans un premier temps, réformes des liens sociaux ensuite.
Le processus de paix Pastrana, basé sur cette approche, a commencé le 20 janvier 1999, dans la zone démilitarisée à San Vicente del Caguán. Ce modèle de négociations incluait la participation à des audiences publiques, sa transmission par télévision, avec la participation des délégués et des représentants des divers groupes et secteurs sociaux, et la participation des civils dans un comité thématique. Il comptait aussi sur la participation de représentants des gouvernements européens et américains, comme des observateurs ou des facilitateurs, ainsi que de représentants du Secrétaire général des Nations unies. En mai 1999, ils ont réussi à signer un accord précisant les thèmes qu’ils allaient traiter pendant les négociations : réforme agraire, droits humains, distribution des terrains utilisés pour les narco-cultures, etc. Il s’agissait de s’attaquer aux facteurs de production de violence dans une perspective de réformes.
Depuis le début des négociations, les FARC ont montré des difficultés à entrer dans un véritable processus de pacification. Pendant les négociations, ils n’ont pas cessé la violence. Deux mois après le commencement des négociations, on a trouvé les corps de trois femmes américaines, des meurtres commis par les FARC. Les confrontations militaires hors de la zone démilitarisée continuaient, les FARC continuaient à attaquer des civils. Les négociations s’enlisaient en raison des difficultés des FARC à arrêter la violence pendant les négociations et de l’incapacité du gouvernement d’exercer le monopole légitime de la violence. Dans un tel contexte, le gouvernement et la guérilla signent l’accord de San Francisco de la Sombra, le 5 octobre 2001, en s’engageant au cessez-le-feu le temps de la négociation. Deux jours après l’ex-ministre de la Culture est enlevée et assassinée.
En février 2002, le président Pastrana annonce la fin du processus de paix.
Commentario
À la fin des négociations, on recensait plus de 26 000 homicides par an, la Colombie restait l’un des endroits les plus violents du monde. Au moment même où le gouvernement colombien a tenté de s’approcher des FARC dans une démarche de négociations et de dialogue pour la paix, ces derniers ont répondu avec plus de violence que jamais. En effet, l’administration Pastrana est devenue la période la plus violente en trente-huit ans de conflit armé colombien.