Claske DIJKEMA, Grenoble, octobre 2015
N’ayons pas peur du conflit
Pour construire la paix, il faut d’abord prendre en compte la diversité des opinions et de vécus. Le conflit peut évoluer de deux manières ; soit avec de la violence, soit avec des compromis. Le conflit est donc constructif ; si on le prend comme outil de transformation et d’analyse.
Mots clefs : Travailler la compréhension des conflits | Connaissance de l’histoire de l’autre | Sensibilisation à la paix | Dialogue social pour construire la paix | Agir pour la transformation sociale | Agir pour la transformation des conflits | France
Qu’est-ce qu’un conflit pour vous ?
Claske Dijkema : On parle de conflit quand au moins deux individus ou groupes poursuivent des objectifs incompatibles. Malgré leur diversité, les conflits partagent de nombreux points. Nous observons, par exemple, que dans tous les conflits, qu’il s’agisse d’une dispute dans le couple ou du conflit israélo-palestinien, on retrouve trois éléments : une contradiction entre ce que veulent des individus ou des groupes, des perceptions négatives de l’autre, et une hostilité, une menace, un comportement coercitif.
Faut-il à tout prix éviter les conflits ?
Claske Dijkema : Non, le conflit est normal et il est même utile. Le conflit est généralement perçu négativement, comme un phénomène qui produit seulement de la destruction, de la souffrance et des victimes. Nous pensons plutôt que le conflit est inévitable au quotidien, car les individus ont des objectifs, des intérêts et des valeurs différentes et incompatibles. Comme le conflit est normal et banal, il est essentiel de reconnaître son existence, de le faire valoir de manière à pouvoir agir. On peut même en tirer des avantages : il attire notre attention là où le changement est nécessaire. Un proverbe chinois dit que le contraire du conflit n’est pas la paix mais la stagnation.
Quelle place donner au conflit ?
Claske Dijkema
Donner la place aux conflits en famille. Nous avons mené un atelier de réflexion sur la non-violence à la Villeneuve en février 2015, durant lequel a été évoquée la question du conflit au quotidien. Une mère de deux enfants raconte que, pour elle, souvent la violence vient de l’incompréhension des autres et qu’il faut à tout prix trouver des solutions pour continuer à se parler. Ainsi, elle trouve que « quand on dialogue avec des enfants, il faut leur permettre de tout dire. ‘Par exemple, avec mes enfants j’ai mis en place un cahier d’écoute lors de réunions de famille. À ce moment-là, les gamins ont le droit de tout nous dire, comme, ‘maman, en ce moment je te trouve énervante’. C’est important que les enfants puissent dire qu’ils ne sont pas d’accord.’ »
Donner la place aux conflits dans le quartier. Un membre du collectif Marche Blanche a raconté l’histoire d’une dispute qui a eu lieu dans son quartier entre des jeunes qui se tenaient sur un banc le soir et les habitants de l’immeuble à côté. Ces derniers se sont plaint à la l’association des habitants de quartier. Il raconte : « On a convoqué une confrontation des jeunes et des habitants pour en discuter. Les habitants ne se sont pas présentés mais les jeunes oui. À une deuxième tentative, c’est Kevin qui a mené le groupe. A un moment, il a dit ‘attendez les copains, les gens se plaignent, il faut qu’on fasse attention à eux, on va chercher un autre endroit’. Cet aspect de médiation a été important. Sur le quartier les gens ont tendance à être violents avec les jeunes lorsqu’ils font du bruit. Ils commencent tout de suite la confrontation avec eux sur un ton agressif avec des mots violents au lieu de privilégier le dialogue ».
Commentaire
Le 2 Octobre 2012, une marche Blanche a été organisée en mémoire de deux jeunes, Kevin et Sofiane, tués à Échirolles (en Isère). Depuis, le 2 Octobre est devenu un rendez-vous annuel pour partager, réfléchir, marcher ensemble. Modus Operandi a été sollicité l’année dernière pour accompagner dans leur approche de la non-violence, le mouvement qui a suivi la Marche Blanche de 2012. L’objectif fixé était de clarifier ce que la non-violence veut dire pour ce mouvement. Un groupe de rédaction collective a été mis en place avec des ateliers organisés chaque semaine depuis février 2015. Le résultat est un magazine de 40 pages, tiré en 10.000 exemplaires qui sera distribué le 2 octobre prochain dans le cadre de la journée internationale pour la non-violence.
Cet entretien a été réalisé dans le cadre de la publication de ce Magazine.