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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Chine, octobre 2009

Entretien avec Zhao Yifeng

Entretien réalisé, en anglais, par Henri Bauer et Nathalie Delcamp (Irenees).

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Irénées :

La richesse culturelle et philosophique de la Chine est bien connue : y a-t-il une approche spécifiquement chinoise de la paix ? Si oui, comment la Chine pourrait-elle enrichir les différentes visions de la paix qui existent dans le monde ?

Pr Zhao Yifeng :

Par tradition, la Chine respecte la paix. Ceci étant principalement dû au fait que la civilisation de la Chine traditionnelle était agricole. Pour une telle civilisation, la stabilité et la paix à long terme constituaient des conditions indispensables au vu de la difficulté à établir et à entretenir son infrastructure, et il lui fallait généralement parvenir à l’autosuffisance. Des tribus nomades entouraient la Chine centrale, nécessitant une stabilité moindre, mais développant au fil du temps le besoin d’échanger avec les sociétés agricoles. En affrontant les défis habituels venant de l’extérieur, la Chine a développé un gouvernement relativement solide doté d’une forte puissance militaire. Un tel contexte de base a régulièrement amené la Chine traditionnelle à établir et maintenir la paix des manières suivantes :

  • 1. Par la construction de murs protecteurs, comme la Grande Muraille qui fait figure de symbole ;

  • 2. Par la réalisation d’alliances politiques avec les principales tribus nomades ;

  • 3. Par la mise en place d’un système tributaire permettant de traiter avec les puissances voisines ;

  • 4. Par une volonté de maintenir les cultures étrangères sous le charme de la culture chinoise ;

  • 5. Par une action militaire.

De la tradition à la modernité, les transformations furent multiples tant au sein du système que dans les mentalités, mais même aujourd’hui, la Chine continue de faire tout son possible pour maintenir la paix, comme à son habitude. Au cours de son histoire récente, la Chine a subi des invasions venues de l’extérieur, ayant rendu sa population extrêmement sensible aux invasions et aux ingérences étrangères. De plus, les nations ayant envahi la Chine dans l’histoire récente étaient toutes de futures nations capitalistes, comme la Grande-Bretagne ou le Japon. Ainsi, d’après sa propre expérience, la Chine a pris conscience de la nature envahissante de l’économie capitaliste, extrême et tenace. Fondamentalement, la Chine ne croit pas qu’une nation, quelle qu’elle soit, puisse, à elle seule, apporter la paix à l’ensemble des habitants de la planète, ainsi a-t-elle conservé ses propres techniques de réalisation de la paix. Très récemment, la Chine a bénéficié d’un essor économique et a réalisé une profonde réforme sociale. La paix est d’autant plus importante pour ce pays. En s’impliquant dans les affaires internationales, la Chine met en avant les cinq principes suivants :

  • a. Le respect mutuel de l’intégrité et de la souveraineté territoriale ;

  • b. La non-agression mutuelle ;

  • c. La non-ingérence mutuelle dans les affaires internes ;

  • d. L’égalité et le profit mutuel ;

  • e. La coexistence pacifique.

Depuis la fin des années 1970, la Chine a joué un rôle au sein de l’Organisation des Nations unies, une organisation majeure, influençant positivement la coexistence pacifique dans le monde.

Récemment, la Chine est devenue plus ferme dans sa défense d’une société dite harmonieuse. Sa philosophie traditionnelle de la paix fut ainsi plus remarquée qu’au cours des années précédentes. Confucius et de nombreux autres penseurs anciens ont développé des théories et des pensées systématiques, affirmant que la subsistance des personnes est l’objectif suprême de la société, plutôt que le développement ou la compétition. Une telle tradition, malgré son apparence conservatrice de nos jours, peut apporter une autre vision de la société humaine, des valeurs, de la gouvernance et de la paix.

Irénées :

Quelles sont les conflictualités et les menaces les plus importantes pour la paix dans le monde actuel ?

Pr Zhao Yifeng :

Nous bénéficions aujourd’hui d’une paix élémentaire qui n’a cependant jamais été totale, et bon nombre de menaces ou de risques la rendent vulnérable.

  • Le déséquilibre du développement entre les nations et la course aux ressources naturelles ;

  • Les différentiations idéologiques, culturelles, et religieuses ;

  • L’hégémonie internationale ;

  • Le manque de structures internationales et institutionnelles de maintien de la paix et la faiblesse des structures existantes ;

  • Les risques de voir des crises locales et régionales s’étendre rapidement et affecter le monde entier. Ces risques étant causés par la mondialisation, comme la crise financière internationale, les maladies infectieuses, ou bien une crise économique provoquée par une catastrophe inattendue ;

  • Des conflits locaux ou régionaux interminables pouvant dégénérer en guerres mondiales ;

  • La prolifération des armes nucléaires ainsi que d’autres armes de destruction massive ;

  • Certaines inégalités sociales et politiques graves pouvant mener d’abord à des révoltes, puis à une ingérence internationale, et ensuite à des oppositions internationales.

Irénées :

Comment voyez-vous le rôle de la Chine dans la construction de la paix dans le monde ?

Pr Zhao Yifeng :

La Chine fait à présent son entrée dans l’univers du maintien de la paix à l’international. La Chine est actuellement en plein essor économique, et jouit d’une stabilité sociale. Avec son statut de pays en voie de développement, la Chine a besoin d’un contexte international pacifique. Elle s’est attachée à maintenir la paix par des moyens politiques dans l’ensemble de la zone asiatique. Elle a fait entendre sa voix par son soutien aux Nations unies, une organisation internationale qu’elle considère comme prépondérante dans la gestion des affaires relatives à la paix. Elle a ainsi favorisé la reconstruction de l’ordre multilatéral du monde qui, bien qu’imparfait, est cependant préférable à une structure reposant sur une seule superpuissance décisionnaire. La Chine ne ménage pas ses efforts dans la gestion de la crise financière internationale actuelle. Cela peut être perçu comme une contribution à la paix puisque la stabilité économique en est une condition indispensable. Avant les autres pays, la Chine a publiquement annoncé qu’elle n’utiliserait jamais d’armes nucléaires, tandis que de nombreuses autres puissances sont réticentes à formuler la même promesse. Si toutes les puissances nucléaires avaient promis la même chose et s’étaient comportées de manière responsable, les risques de voir apparaître une guerre nucléaire auraient été réduits.

Irénées :

Qu’est ce que la paix pour vous ?

Pr Zhao Yifeng :

La paix est un état d’harmonie suprême dans l’expérience sociale humaine. Au sein d’une seule société ou communauté, la paix est une coexistence harmonieuse entre les individus, garantie par une satisfaction fondamentale des besoins matériels humains et des relations publiques justes. En matière d’affaires internationales, la paix représente des relations et conjonctures harmonieuses entre les États, les régions, et les groupes d’intérêts. La paix étant primordiale, elle est une préoccupation fondamentale de la société humaine devrait être considérée comme la priorité de l’intérêt collectif. Néanmoins, sans justice sociale, sans dignité humaine, et sans la garantie générale de la subsistance des humains, la paix sera sans cesse menacée. En apparence, l’hégémonie peut temporairement apporter la paix, mais elle traduit un manque de justice ; la paix peut s’atteindre par un équilibre des puissances, qui sera brisé tôt ou tard. La paix n’est pas seulement un ensemble d’accords entre des États-nations, elle concerne tous les individus de la planète.

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