San José, Costa Rica, juin 2009
Entretien avec Mme Felicia Ramirez, coordinatrice du secteur de Bonne gouvernance et Progrès humain, de la Fondation Arias pour la Paix et le Pogrès humain.
Propos recueillis en espagnol et traduits en français par Charlotte BOURRAT, au siège de la Fondation Arias, à San José, Costa Rica, le 01 juin 2009.
Charlotte BOURRAT
Bonjour, pouvez-vous vous présenter s’il vous plait?
Felicia RAMÍREZ
Bonjour, je m’appelle Felicia Ramírez.
Je suis la coordinatrice du secteur de Bonne Gouvernance et Progrès humain, dans lequel je travaille sur des projets de développement local, de gouvernance démocratique et de genre, et ce dans l’ensemble de la région centraméricaine.
Charlotte BOURRAT
Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à travailler ces thématiques, notamment au sein de la Fondation Arias?
Felicia RAMÍREZ
Très jeune, je me suis identifiée à la thématique des Droits humains, et plus particulièrement des droits des femmes. J’ai ainsi toujours travaillé pour l’amélioration des conditions de vie des habitants de cette région, des plus inégalitaires du monde. Concernée par les pauvres en général mais plus particulièrement pour les femmes dans les populations les plus démunies.
En réalité le thème de la bonne gouvernance est inclu dans celui de la Paix. Celui-ci est composé de trois aspects fondamentaux qui sont:
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Paix et développement ;
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Paix et égalité sociale ;
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Paix et développement économique et social.
Sans ces trois éléments il n’y a pas de paix, car la paix n’est pas uniquement l’absence de guerre. Mais surtout la qualité de vie, les conditions de vie de tout un chacun, les aspirations pour une vie digne et de bonheur, et c’est aux gouvernements et aux sociétés d’apporter cela. Ce qu’il manque à l’Amérique Latine pour cela c’est de travailler au développement de ces droits.
Charlotte BOURRAT
En quoi consiste le travail du secteur de Bonne gouvernance et Progrès humain, ses principales actions et ses projets actuels ?
Felicia RAMÍREZ
Les principaux thèmes travaillés par la Fondation Arias sont :
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1. Genre et développement :
C’est un travail essentiellement basé sur la promotion de l’égalité des chances pour les femmes au niveau politique, économique et social, mettant l’accent sur les femmes rurales qui sont les plus touchées, soit : le leadership des femmes, l’autonomisation des femmes et leur incidence sur les politiques, ce qui est relié à la terre et à la propriété.
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2. Les pouvoirs locaux :
Le travail consiste à créer des conditions favorables et des changements culturels au sein des gouvernements locaux en promouvant la participation citoyenne et plus particulièrement sur les budgets participatifs, gardant toujours une approche de genre. Ce n’est pas dans la rhétorique mais dans la distribution des budgets que se vérifie la bonne gouvernance. Il faut créer des débats entre les municipalités et la société civile, afin de savoir dans quoi investir les fonds publiques.
Par exemple en Amérique Centrale les Ministres de l’agriculture et de l’environnement (deux des principaux ministères sur les questions de développement des communautés au niveau local et culturel) participèrent au débat pour l’autonomisation politique et l’intégration de la notion de genre dans les institutions publiques, dans un système traditionnellement patriarcal. En effet trop souvent la notion du genre n’était pas bien abordée limitant par conséquent le nombre de projet en faveur de changements culturels et pratiques, proposant des politiques de genre aux différents ministères. Ceci en apportant des instruments de travail et en formant les groupes de travail
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3. Femmes et Paix :
Il existe un projet spécifique nommé « Femmes et Paix » (Mujeres y Paz), qui cherche à évaluer l’impact de la guerre sur la vie les femmes centraméricaines : écoutant aussi bien le témoignage des femmes en dehors qu’à l’intérieur des guérillas (comme des membres du Front Sandiniste au Nicaragua, par exemple) du Nicaragua, Guatemala, El Salvador. Puis un échange a été organisé entre ces femmes et les femmes qui vivent aujourd’hui le conflit colombien.
Actuellement les projets du secteur s’attachent plus particulièrement au développement économique des femmes plus qu’à la défense des droits économique et politiques, recherchant une meilleure qualité de vie à travers l’entreprenariat des femmes dans l’ensemble de l’Amérique centrale, apportant principalement leur soutien à la formation en gestion et l’assistance technique dans le marché choisi.
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4. Société civile :
Enfin d’autres débat se centrent d’avantage sur la promotion de débat avec la société civile, en partie lors du référendum pour ou contre le Traité de Libre Commerce (TLC) avec les Etats-Unis. Le débat servait ainsi à informer sur les implications du Traité pour les citoyens et créer un dialogue entre les pros et les contres, car le débat a réellement diviser la société costaricaine.
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5. Les migrations :
Le projet développer sur la question des migrations est un « Forum de migrations ». Ce forum étudie les réseaux migratoires de femmes en Amérique centrale.
Par exemple, le Costa Rica a un pourcentage de Nicaraguayens très élevé. Mais les migrations ne sont pas qu’inter-régionales, elles sont également extra-régionales et ce particulièrement d’Amérique centrale vers les Etats-Unis d’Amérique. Ceci a des implications aussi bien pour le pays de départ que pour le pays receveur, car ces mouvements créent des situations encore non résolues par le droit du travail, de résidence, d’accès aux soins de santé, à l’éducation. La Fondation Arias cherche à répondre à ces problématiques.
A présent que les Etats-Unis et l’Union Européenne ferment leurs frontières, il est important de garder un œil sur ces politiques, car il s’agit d’un droit de base, le droit au mouvement.
D’autant plus alors que les Traité de Libre Echange, signé avec les Etats-Unis, en négociation avec l’Union Européenne, préconisent l’ouverture des frontières pour les échanges commerciaux. En échange des barrières douanières ils demandent l’ouverture aux investissements étrangers afin de « créer de la richesse ». Mais pourquoi alors interdire le libre déplacement des personnes ? Pourquoi y-a-t-il tant d’entraves aux migrations alors que les migrants pour la plupart travaillent et produisent des ressources. Cependant il s’agit de thématiques qui ne peuvent pas bien se négocier entre des Etats inégaux, ainsi les conditions minimes pour les migrants restent souvent sans être traitées. Ce manque de législation autour de la question des migrants est la cause des abus des travailleurs qui entraine à la traite illégale des individus.
Charlotte BOURRAT
Comment décrieriez-vous la situation de l’Amérique Centrale en matière de démocratie, de développement économique et social et de parité?
Felicia RAMÍREZ:
L’Amérique Latine et plus particulièrement l’Amérique Centrale sont les régions les plus inégalitaires du monde, spécialement en matière d’inégalités économiques et sociales, beaucoup de pauvreté sociale et sanitaire opposée à beaucoup de pouvoir. Tout ceci révèle qu’il reste encore beaucoup de choses à faire, en particulier en Amérique Centrale où il y a un effort de démocratisation depuis les Accords de Paix Esquipulas II, de 1987, et l’expérience des conflits réduits à néant par des Présidents lucides et désireux de dialoguer et d’y mettre un terme.
A la suite des accords de paix, la région a fait un effort de démocratisation, commençant par la tenue d’élections libres, mais les démocraties continuent à se consolider, et sont encore loin d’être mûres. Les institutions sont encore jeunes, elles ont encore besoin de se fortifier mais elles gardent en elles certains vices du passé.
Dans ce cadre la Fondation Arias contribue à la fortification de sociétés plus justes, plus égalitaires, promouvant l’égalité des chances, de genre et de race et le renforcement des institutions et des parties politiques. D’autant qu’actuellement il existe une tendance à la désaffection de la citoyenneté, de croyance en la politique. Il se développe d’avantage une « démocratie des rues », qui correspond à une ingérence de la société civile organisée par les politiques des gouvernements. C’est pourquoi la représentation doit venir des parties politiques. Ce sont eux qui doivent changer ou se renouveler afin qu’ils canalisent les inquiétudes des populations. Il faut penser comment rompre avec le bipartisme pour avoir plus d’alternatives. Un indicateur de maturité démocratique est l’alternance démocratique et la tenue de deux tours lors des élections, de nouveaux partis politiques qui ne se présentent que pour les législatives. Il est important cependant de surveiller les nouveaux gouvernements populistes, qui accrues le risque de revenir en arrière. L’alternance est nécessaire pour la démocratisation. Un important changement s’est produit également avec l’arrivée des considérations globales, et régionales induites par l’ouverture des échanges. Ceci impliques à leur tour des changements de penser et de faire qui sont culturels.
C’est dans cette idée que la Fondation Arias contribue à promouvoir une bonne gouvernance qui puisse entraîner les changements culturels propices afin de transformer les systèmes de participation citoyenne qui ont toujours consisté en l’opposition de la société civile au gouvernement et vice versa, empêchant tout dialogue qui puisse engendrer des propositions positives ; c’est la tâche que s’est donnée la Fondation.
Quant à l’Amérique Centrale, elle est aujourd’hui confronté à de nouveaux problèmes de conflits armés et de violence politique, qui entraînent une violence sociale exacerbée en lien avec la pauvreté. A cela s’ajoute le problème du narcotrafic dans la région qui est très compliqué.
L’Amérique Centrale n’est pas compétente pour traiter cette question de façon régionale et intégrale. Les « Maras », la violence sociale, les gangs nord-américains qui sont renvoyés dans leur pays d’origine (ou du moins celui de leurs parents). Aujourd’hui le Guatemala est en crise, il y a également un retour en arrière au Nicaragua, catalysés par la crise économique mondiale et plus particulièrement venant des Etats- Unis car une grande partie de la stabilité du Honduras, du Guatemala et du Salvador viens des envois d’argent des centraméricains aux Etats-Unis. Depuis quelques années, les politiques d’immigration des Etats-Unis se sont endurcies, déportant quelques milliers de citoyens nord-américains en Amérique Centrale. Ces politiques créer d’importants problèmes pour les pays receveurs qui ne savent comment traiter les migrants de première et deuxième génération, qui reviennent au pays dans des conditions bien souvent moins bonnes. Ces populations migrantes transforment le panorama économique des pays au niveau macro et micro et accentue la violence sociale.
Charlotte BOURRAT
Quels sont les plus grands défis et les principales menaces pour la paix dans la région aujourd’hui ? Comment la Fondation Arias s’intègre à ceux-ci ?
Felicia RAMÍREZ
Les principaux défis actuellement dans la région sont : les lacunes sociales qui bien qu’elles soient difficiles à compter, l’égalité des chances, les femmes, la division urbain-rural, le narcotrafic, la violence sociale, la prolifération de la détention d’armes par des civiles ; il n’y aurait probablement pas de « Maras », s’ils avaient un emploi. Les jeunes sans emplois tombent souvent dans la drogue et se retrouvent souvent en échanges liés au trafic. Si l’on prend comme exemple le Costa Rica, il s’agit de populations qui ont toujours vécu pauvrement de la pêche, alors lorsque les narcotrafiquants prennent possession de la zone ils offrent des emplois mieux payés, tandis que l’Etat ne développe aucune politique qui incite les populations à sortir de la pauvreté. C’est pourquoi il faut chercher à générer du développement économique, local, national, afin qu’un pays puissent être le plus autosuffisant possible, dans les meilleures conditions. Et éviter de reproduire le schéma des compagnies bananières, où l’on exploitait les soles, les capitaux humains sans rien laisser à leur départ. De même les précédents modèles de développements n’étaient pas soutenables et auraient nécessités d’un auto-développement durable par le biais de l’éducation et de l’universalisation des services de santé et d’éducation.
Charlotte BOURRAT
L’un des thèmes du secteur de Bonne Gouvernance et Progrès humain est le thème du genre et de l’autonomisation des femmes : Comment décririez- vous la situation des femmes au Costa Rica et en Amérique Centrale de manière plus générale ?
Felicia RAMÍREZ
La question du genre est un thème en développement dans les droits politiques. Une série de lois ont été promulguées qui renforcent les droits des femmes comme celui de la paternité responsable et de la violence domestique. Cependant les droits politiques des femmes ne sont pas encore très fournis puisque de nombreux pays ne respectent pas les quotas dans les parties politiques (en particulier au Guatemala et au Salvador).
Il reste encore beaucoup à faire, d’autant que la violence à l’encontre des femmes ne cesse d’augmenter.
Charlotte BOURRAT
Au niveau mondial, quelles sont pour vous les principales menaces actuelles pour la paix, et quelles sont les principales actions qu’il faudrait développer?
Felicia RAMÍREZ
Au niveau mondial, je dirais que la principale menace à la paix est la faim. C’est une menace qui n’a toujours pas été résolue, et il y a des manques dans tous les pays, si l’ont voit le nombre de personnes qui vivent avec moins de un dollar par jour. C’est un des plus grands défis actuel. Ensuite, il y a également la question de la dégradation de l’environnement et le changement climatique et ses conséquences qui sont extrêmement importantes puisqu’il cause d’importants désastres naturels qu’il faut contenir.
Charlotte BOURRAT
Enfin, Comment définiriez-vous la paix?
Felicia RAMÍREZ
La paix, c’est la possibilité pour tous les êtres humains, sans aucune distinction de race, de genre, de nationalité ou d’ethnie d’avoir une vie digne, avec les mêmes opportunités dans la vie, et d’être heureux.