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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Yves CHAMUSSY, Guy BOUBAULT, avril 1996

La médiation en entreprise

Les entreprises n’échappent pas au besoin de régulation des pratiques sociales. Rachats, restructurations, réorientations d’activités, avec les conséquences sur les emplois et les métiers exercés que cela entraîne : l’accélération des changements ou le changement inscrit comme une donnée normale du fonctionnement font émerger de nouvelles oppositions ou des contradictions qui ne peuvent plus être tranchées ou négociées comme par le passé.

L’interdépendance croissante des fonctions, la mise en place de nouvelles formes d’organisations, peuvent créer des oppositions, parfois non exprimées, qui seront préjudiciables au résultat attendu. Les salariés eux-mêmes ne perçoivent plus leur intérêt au travail comme il y a quelques années. Il apparaît une typologie de nouveaux salariés que l’on pourrait appeler les « contractuels » au sens noble du terme. Ce sont de bons professionnels qui considèrent l’entreprise comme un champ d’action parmi d’autres pour tester leurs savoir-faire. Peu sensibles aux « projets d’entreprise » et aux méthodes de « management modèle », ils se révèlent mieux dans un challenge, voire un « contrat de réussite », à condition que leurs responsables aient négocié avec eux les règles du contrat.

Dans des situations de conflit, nous avons pu observer que les entreprises obtiennent des résultats très différents en terme d’efficacité. Ont mieux réussi celles où les intervenants en charge de ces problèmes se sont plutôt comportés comme des accompagnateurs, des régulateurs, des coordinateurs, laissant aux acteurs eux-mêmes le soin de trouver les réponses aux problèmes. Qu’ils soient hiérarchiques, fonctionnels ou consultants, c’est leur manière d’intervenir qui a contribué au résultat. Quand on analyse de près leur pratique, on constate qu’elle s’apparente à la manière de faire d’un médiateur. Ils interviennent « dans un esprit de médiation » et, dans certaines situations de blocage, voire d’oppositions conflictuelles, ils jouent un véritable rôle de médiateur. on peut parler de médiation « préventive ».

Les partenaires sociaux et le grand public pensent plutôt aux situations de médiation « curative ». En cas de conflit déclaré, il est fait appel, par l’intermédiaire de la direction du travail, à des médiateurs officiels qui, dans des situations bloquées, vont tenter de renouer le dialogue. C’est à partir de ces cas rares mais très « médiatisés » que les partenaires sociaux se prononcent au coup par coup sur l’utilité d’une telle mission.

Là encore on peut observer le comportement de médiateurs qui arrivent dans ces situations très tendues à trouver des issues préparant l’avenir. La qualité de celui qui intervient dans un esprit de médiation nécessite un « professionnalisme » qui pourra être utile à l’entreprise dans de multiples circonstances.

Une éthique de la médiation

La pertinence du rôle de médiateur découle de sa capacité à faire une « lecture sociale » de la situation, à savoir quel est le jeu des acteurs, les enjeux de chacun, les marges d’initiatives possibles… C’est un véritable « audit social » qui se réalise non pas comme une étude ponctuelle avec rapport, mais plutôt comme une lampe qu’on allume pour mieux discerner, tout en avançant, les chemins du possible. Il faut pouvoir identifier rapidement les causes des divergences ou des oppositions en analysant « par et avec » les protagonistes du problème à traiter, les raisons des différences de perception d’un diagnostic de la situation.

L’attitude de médiation nécessite une pratique affinée de l’écoute, non seulement au travers des entretiens individuels pour permettre à chacun d’aller au plus essentiel de ce qu’il veut dire et de ce qu’il peut contribuer à apporter, mais aussi dans les rencontres collectives pour amener les groupes sinon à trouver les éléments de solution, du moins à mieux comprendre leurs différences et à rechercher les « paliers d’accord » auxquels ils peuvent parvenir.

Ce travail d’accompagnement et de vigilance nécessite parfois de mettre l’accent avec vérité et fermeté sur les positions ou les comportements qui font obstacle à l’avancée des problèmes en jeu. Cette manière d’intervenir, soit en médiateur, soit dans un esprit de médiation, définit en elle-même ce qu’est l’éthique d’un tel rôle. Sans pouvoir, le médiateur sait que les solutions et les résultats doivent émerger des acteurs eux-mêmes et non de lui. Sans savoir, il se doit de faire « accoucher » des protagonistes les éléments utiles à l’avancée des problèmes. Sans objectif de résultats « à tout prix », il sait que des accords forcés ou décidés dans l’euphorie d’un moment portent en eux les germes de difficultés plus graves encore.

S’il maîtrise bien les mécanismes de la négociation raisonnée, c’est pour les « démultiplier » auprès des autres.Une nouvelle méthode sociale

Une nouvelle méthode sociale

C’est sur des principes éthiques de cette nature que s’est constitué le « Réseau des médiateurs en entreprise ». Il ne se veut pas une mode ou une nouvelle école de pensée, mais plutôt comme un lieu de réflexion et de travail méthodologique pour contribuer à sa manière au développement des « entreprises intelligentes ».

En dehors de l’approche « curative » officiellement désignée par les autorités, les interventions « dans un esprit de médiation » peuvent être très utiles au monde de l’entreprise. En externe, les consultants en différents domaines (droit social, gestion des ressources humaines, management, relations sociales, conduite de projet…)qui pratiquent selon l’éthique développée précédemment contribuent à faire croître les ressources humaines. En interne, cela peut consister à charger certaines personnes qui ont la crédibilité et l’éthique nécessaires de missions délicates. A l’image des « ombudsman », ces personnes de l’entreprise montrent leur compétence à résoudre les différends et les tensions.

La méthodologie de la médiation peut être intégrée dans les programmes de formation des managers: aujourd’hui se pratique plus volontiers un management de coordination, de régulation.

Les responsables du personnel sont souvent sollicités par des salariés pour régler des différends avec les dirigeants. Le taux de syndicalisation en France se situe aujourd’hui aux alentours de 9% et les salariés choisissent souvent implicitement la médiation via les services du personnel.

Pour toutes ces raisons, plusieurs responsables pensent que la médiation d’entreprise leur est utile, vomme en son temps l’audit social leur a fourni une méthodologie utile à l’exercice de leur fonction.

Notes

L’auteur de l’article est l’initiateur du < Réseau des médiateurs d’entreprise>, 17 bd de la Croix Rousse, 69004 Lyon. A partir des propos recueillis par < BAILLY, Yvette>, du < MAN>-Lyon (<Mouvement pour une Action Non violente>et du réseau des médiateurs associés, immeuble 6ème Croissance, 31 avenue de Saxe, 69006 Paris. Tel 04 78 24 01 37

Article paru dans la revue Non-Violence Actualité, publication du Centre de Ressources sur la gestion non violente des conflits (www.nonviolence-actualite.org)