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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Stéphane Gainot, Paris, avril 2005

Rwanda : Reconstruire ; Séminaire international Kigali – Rwanda, 22-28 octobre 1994.

Si ce recueil traite avant tout d’un sujet national, les efforts pour internationaliser les problèmes de la société rwandaise sont réels et souvent justifiés, car l’Histoire se répète parfois : les représentants du Chili, du Cambodge, de la Colombie, de Palestine, et du Liban, qui sont intervenus, ont parfaitement compris les enjeux communs des défis pour reconstruire la paix.

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Réf. : Rwanda : Reconstruire, Séminaire international Kigali – Rwanda (22-28 octobre 1994), Fondation pour le Progrès de l’Homme, Document de travail n°63, 72 pages. Paris, 1995.

Langues : Français

Type de document : 

Cet ouvrage est le compte-rendu d’un séminaire de six jours ayant réuni une centaine de Rwandais et de ressortissants étrangers, spécialistes ou simples observateurs, pour tenter de mettre en place le futur État rwandais qui sortait alors d’un conflit sanglant. La Fondation pour le Progrès de l’Homme, l’un des principaux artisans de ce séminaire, mais aussi l’auteur de ce recueil, justifie et commente l’organisation, les méthodes de travail et l’emploi du temps des trois ateliers qui se sont répartis onze sujets cruciaux, onze problématiques auxquelles les participants tentent de trouver des solutions en fonction de leurs expériences et de leur bon sens.

Atelier 1

  • L’impunité :

Peut-on fonder la réconciliation sur l’oubli, ou comment dissocier la justice de la vengeance ? L’appareil judiciaire étant détruit après les années de chaos, comment éviter l’impunité des principaux responsables du génocide ? En effet, depuis 1959, les auteurs des tueries ont toujours été amnistiés par une forme de terrorisme d’État ; aujourd’hui, il s’agirait de l’inculpation de trois mille personnes. Le futur gouvernement devra former un tribunal national, reconstruire un appareil de justice indépendant et supprimer les mesures d’amnistie, malgré le risque important de déstabilisation de l’appareil politique rwandais si des hommes politiques sont impliqués dans ces crimes. Les rapporteurs ont d’ailleurs insisté sur la dimension internationale du problème ainsi que sur les racines mêmes du problème, idéologique, politique et socioculturelle. L’accord du Tribunal Pénal international est ici déterminant, même si un débat a lieu entre le Conseil de Sécurité et le gouvernement rwandais sur la forme que prendra cette action judiciaire : nationalité des magistrats, lieu des jugements…

  • La mémoire et sa manipulation :

Le Rwanda a besoin d’une mémoire nationale non manipulée et non associée au génocide : il faut développer des programmes audiovisuels éducatifs, un travail d’archive…

  • Les victimes de guerre et la question des réparations

En amont, il faut combattre l’ethnisme, base du génocide rwandais. Puis, plus immédiatement, l’État et les ONG devront prendre en charge les réfugiés et les orphelins du conflit en créant des centres d’accueil et de réinsertion professionnelle.

  • La société civile et sa restructuration :

La problématique majeure réside dans le fait qu’il n’existe pas d’organisation sociale à part les ONG étrangères. La société civile est réduite ou inexistante ; il faut la réorganiser par des initiatives citoyennes issues de l’expérience du Liban : animations, clubs d’amitié...

Atelier 2

  • Les réfugiés et le droit au retour :

Il n’existe aucun cadre opérationnel pour organiser le retour des réfugiés. Ce problème est lié à l’impunité et aux exactions avérées contre les réfugiés qui reviennent chez eux. Il faudra développer une politique de long terme, malgré l’urgence du problème, qui doit être traité dans un cadre régional avec les voisins du Rwanda. Trois niveaux d’intervention sont souhaitables : un niveau local et national (conditions matérielles et psychologiques) et un niveau international (pour les conditions de retour, l’installation dans les pays d’accueil et les compensations).

  • Les terres et la surpopulation :

Le Rwanda est un pays agricole et morcelé, principalement rural : 95 % de la population vit à la campagne, avec parfois des densités de mille habitants par kilomètre carré, ce qui entraîne la miniaturisation des parcelles, déjà techniquement sous-exploitées techniquement. Le nationalisme prôné par certains ne libérera pas plus de terres. L’État ne sait pour l’instant s’il adoptera un modèle individuel, occidental (intensification agricole et diversité économique), ou collectif, plus traditionnel, comme ce qui a été mis en place dans de nombreux pays d’Afrique.

  • La reconstruction de l’administration et la fin du clientélisme :

Les participants ont cherché à mettre en commun l’expérience rwandaise avec l’expérience des Balkans et de l’Afrique du sud ; à la fin de la guerre, l’étendue des destructions est immense : pertes importantes en ressources humaines, destruction des infrastructures publiques, manques matériels et financiers et inadaptation de la nouvelle administration (gaspillage des énergies et des ressources) : il faut créer une nouvelle culture administrative, un nouvel État libéré du clanisme et au service de la société. La nouvelle administration sera pluriethnique, avec la conversion d’une partie des forces armées en forces de police.

Atelier 3

  • Les Églises et les vocations :

L’Église, pendant la crise, n’a pas dénoncé les manques du pouvoir et a été l’objet d’une condamnation unanime d’inféodation au pouvoir politique. Comment expliquer que les musulmans se sont mieux comportés que les chrétiens, qui représentent 90 % de la population ? C’est un travail global de remise en cause de l’Église rwandaise. Les accusations doivent néanmoins être ciblées et individualisées pour ne pas impliquer toute l’institution. Il faudra surtout à l’avenir éviter la politisation des dirigeants religieux et mieux diffuser les valeurs universelles catholiques (politique de communication pour remplacer la Radio Télévision des Mille Collines).

  • La réhabilitation de la jeunesse :

65 % des Rwandais ont moins de vingt-cinq ans. Manipulée et enrôlée de force dans les forces armées, cette génération est la plus sacrifiée du Rwanda. Il faut amener les jeunes à prendre plus de responsabilités pour reconstruire le pays, leur offrir plus de perspectives d’emploi et cesser l’assistanat.

  • Les médias et les messages véhiculés :

Ils ont perdu leur rôle d’informateurs pour adopter celui de militants propagandistes au nom d’une cause partisane, souvent celle du gouvernement. Les journalistes ont perdu, outre un certain nombre de leurs membres, toute crédibilité. À partir de l’exemple colombien, les participants ont insisté sur le rôle central de la presse dans la propagation des pratiques démocratiques et l’utilité du pluralisme. Les médias doivent être des vecteurs d’unité plutôt que de haine.

En guise de conclusion

  • L’aide internationale :

Le Rwanda est le pays qui dispose le montant d’aide par tête le plus élevé d’Afrique. Tous les thèmes abordés ne peuvent se résoudre à l’extérieur du pays mais l’aide extérieure peut participer à la reconstruction nationale ; il faut associer au maximum les Rwandais à ce processus de reconstruction.

Commentaire

Ce texte appelle peu de commentaires, puisque qu’il est le fruit d’une réflexion collective sur une problématique prospective, d’une ampleur telle que l’ensemble des participants n’arrive pas à définir le terme à choisir : faut-il reconstruire ou refonder le Rwanda ? Ceci témoigne surtout d’une volonté de repartir à zéro : tous les rapporteurs ayant travaillé sur les différents thèmes s’accordent pour dire que le Rwanda est aujourd’hui une société en décomposition et la réconciliation nationale sera le premier pas indispensable avant d’envisager de reconstruire ou de refonder le pays.

Au niveau de la méthode, le séminaire s’est déroulé selon une approche qui est chère à la FPH : il s’agit de résoudre les problèmes par la maïeutique, par le dialogue en réunissant des personnes impliquées ou distantes, expertes ou néophytes, mais ayant en commun une grande faculté d’écoute et surtout la volonté de travailler ensemble dans un intérêt réciproque. Si ce recueil traite avant tout d’un sujet national, les efforts pour internationaliser le problème rwandais sont réels et souvent justifiés, car l’Histoire se répète parfois : les représentants du Chili, du Cambodge, de la Colombie, de Palestine, et du Liban, qui sont intervenus plusieurs fois, ont parfaitement compris les enjeux communs de ce séminaire.