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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Stéphane Gainot, Paris, avril 2005

Quand l’Afrique posera ses conditions ; négocier la coopération internationale : le cas de la vallée du fleuve Sénégal. Auteur : CIMADE

À partir de réflexions de terrain sur un territoire spécifique, la vallée du fleuve Sénégal, cet ouvrage propose une synthèse de la réunion entre plusieurs acteurs de la société civile d’une sous-région ouest-africaine et de représentants de la coopération française et européenne. Ce recueil répond à une volonté de dialogue dans un environnement propice à la concertation entre deux parties souhaitant repenser l’action solidaire et un partenariat souvent inégal.

Mots clefs : | | | | | | |

Réf. : Quand l’Afrique posera ses conditions, négocier la coopération internationale : le cas de la vallée du fleuve Sénégal, Fondation Charles Mayer, Cimade, Paris, 1996, 130 pages.

Langues : Français

Type de document : 

La Cimade, à l’origine le « Comité inter-mouvement auprès des évacués », fut créée pendant la Seconde Guerre mondiale pour venir en aide aux réfugiés français. Elle est devenue aujourd’hui une ONG de développement militant pour la défense des droits de l’homme.

À partir de réflexions de terrain sur un territoire spécifique, la vallée du fleuve Sénégal, lieu particulier entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, cet ouvrage propose une synthèse de la réunion entre plusieurs acteurs de la société civile d’une sous-région ouest-africaine et de représentants de la coopération française et européenne.

L’objectif de ces journées de travail était simplement de lancer un débat qui puisse servir de référence à des prospections futures sur les notions de partenariat et de développement, de relayer une dynamique paysanne active aujourd’hui mieux organisée, de poser une question en terme simple : existe-t-il une autre voie de développement ? C’est évidemment une problématique de longue haleine, une mise en commun des expériences agricoles et de productivité sur un fond de néocolonialisme, de conflits, de malentendus et de mises en accusation.

Région fortement touchée par la sécheresse depuis 1972-1973, en proie à l’émigration, puis à l’afflux massif de réfugiés, de paysans noirs expulsés du sud de la Mauritanie en 1989, le bassin du fleuve Sénégal a connu deux projets de barrages démesurés, « le plus vaste aménagement multisectoriel de l’Afrique de l’Ouest ». Or, une décennie plus tard, on constate que l’aménagement du fleuve exclut les plus faibles économiquement au nom de la rentabilité occidentale. Il est manifeste que ces projets n’ont pas eu les effets escomptés.

Des trois acteurs du développement, l’État, les ONG, et les associations locales, seules ces dernières ont une présence active dans tous les villages. Grâce à leurs ramifications en France, elles se sont progressivement organisées et renforcées : création de caisses de solidarité, identification des objectifs communs, parrainage de programmes de recherches universitaires, promotion des langues maternelles…

En revanche, les efforts de l’acteur étatique en faveur d’un développement « à l’occidentale » basé sur la rentabilité et l’obligation de résultats débouche sur un constat d’échec. Cette logique dominante connaît des bouleversements :

  • Tout d’abord, on constate le retrait progressif de l’État par rapport au secteur privé, suivant un schéma désormais classique.

  • Ensuite, il existe également un réel danger de la privatisation des terres, une dépossession « légale » des terres par surendettement. Ce problème de l’accès à la terre existait déjà au sein même de la société traditionnelle, et la loi sur le Domaine national, en 1964, a essayé de rationaliser cette situation avec l’État comme garant et le village comme gestionnaire répartissant l’usufruit aux paysans. C’est une lutte entre la propriété relative et la propriété absolue.

  • Enfin, la dévaluation du franc CFA provoque la hausse importante des importations et la fin des subventions de l’État, par l’adoption d’un plan d’ajustement structurel strict. L’augmentation des charges totales de 41% du prix du kg de riz après dévaluation crée un nouveau souci de rentabilité des rizicultures.

Les nombreux bailleurs de fonds présents dans les trois pays se sont répartis des secteurs géographiques d’intervention sans concertation de la population locale : on dépossède les organisations locales de leur influence de terrain, et les demandeurs de l’aide internationale passent au simple statut de bénéficiaires passifs. Les associations locales demandent donc l’interruption d’une certaine « logique solidaire » dominante et veulent redonner aux paysans le poids qu’ils méritent.

Face au monopole « nordiste » de la conditionnalité, néologisme de la Banque mondiale pour définir les nouveaux rapports Nord-Sud, les acteurs du développement s’interrogent sur la notion de réciprocité : ils estiment qu’il faut à son tour « conditionner la coopération en partant des priorités du Sud » , ayant une dynamique et une cohérence propres et différentes de celles du Nord, qui rejettent les généralités ; ce sont les conditions d’une population donnée, d’un contexte social et culturel précis.

Par coopération, il faut entendre ici dialogue, car trop souvent le dialogue est limité entre les partenaires du développement. Pire, l’aide du Nord est parfois déstabilisatrice faute de communication et d’écoute des besoins. Des efforts semblent réalisés aujourd’hui en ce sens : le gouvernement français, par exemple, favorise le dialogue direct avec ses partenaires sans passer par des intermédiaires qui réduisent les marges de l’aide apportée. Chez les partenaires locaux, ce qui compte, c’est d’abord la capacité de la communauté à gérer et à analyser ses compétences : la base d’un dialogue constructif reste une communauté organisée et forte. Tous les acteurs du développement et les élus locaux ont aujourd’hui compris la nécessité de la formation en langues et en transferts de compétences. Et, bien sûr, une concertation de tous les acteurs au Sud pour identifier les besoins et constituer un partenaire valable et efficace aux yeux du Nord ; les réseaux d’immigrés introduisent d’ailleurs une certaine modernité et une meilleure connaissance réciproque Nord-Sud.

Cinq conditionnalités Sud-Nord sont énumérées en fin d’ouvrage : obliger les ONG du Nord à assumer leur rôle de relais de la société civile au Nord, admettre que le Sud possède une société civile tout aussi complexe, ne pas séparer le culturel de l’économique, identifier les conséquences d’un projet en concertation avec les partenaires du Sud, et enfin concevoir une politique économique cohérente avec les exigences sociales.

Commentaire

Ce recueil répond à une volonté de dialogue dans un environnement propice à la concertation entre deux parties qui veulent repenser l’action solidaire et un partenariat souvent inégal. Il décortique une à une les problématiques engendrées et propose en amorce les solutions envisagées, dans une approche très systématique, présentée sous la forme d’un débat didactique et ponctuée d’interviews et de réactions spontanées qui veulent refléter les conditions de vie de ceux restés sur place.

Concernant le dialogue Nord-Sud, cet ouvrage propose une remise en cause du principe de conditionnalité : soumis au conditionnement de l’aide en échange de la démocratie, par exemple, mais de tout autre exemple d’évolution et de changements qui sont souvent vécus comme des bouleversements par les acteurs de terrain, les paysans posent leurs conditions pour sortir du surendettement, souvent refusées par les bailleurs de fonds (comme le remboursement en nature, par exemple).

Ainsi est créé l’Appel de la Vallée, manifeste rejetant la mise en valeur du fleuve et nuançant le jugement de valeur occidental sur des traditions ancestrales.