Ficha de documento Dossier : Le défi d’articuler démarche économique, protection de l’environnement et justice sociale dans un contexte de mondialisation économique, de marchandisation des ressources naturelles et d’approfondissement des inégalités. Présentation d’un ensemble de publications.

, Paris, abril 2005

Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix. Rencontre internationale, Kigali 1994.

Recueil de quatre-vingt-trois textes (fiches de cas, témoignages et réflexions) sur onze thématiques concernant la paix, comme outil de travail pour les participants rwandais mobilisés à Kigali du 22 au 28 octobre 1994 pour la rencontre "Rwanda : reconstruire".

Keywords: Elaboración y utilización de lo simbólico | Respeto de los derechos de los refugiados | Analizar conflictos desde el punto de vista cultural | Las dificuldades de una cultura de paz en una población que ha vivido la guerra | Medias | Comunidad Internacional | ONG y Fundaciones internacionales | Corte Penal Internacional | Corte Internacional de Justicia | Iglesia católica | Aplicar la justicia, factor esencial de reconciliación social | Reconstruir una sociedad | Deconstruir los discursos identidarios | Establecer une Comisión para la Verdad | Acompañar a exiliados políticos | Ruanda

Ref.: Dossier n. 64 cordonné par Claire Mouchrafieh, Fondation pour le progrès de l’homme, Paris 1994

Idiomas: francés

Tipo de documento:  Libro

Le dossier est articulé en chapitres correspondant aux onze défis pour la construction de la paix identifiés par les Rwandais.

  • Le premier chapitre traite de la lutte contre l’impunité et pour la justice dans une démarche de reconstruction des sociétés.

Dans ce chapitre, consacré à la "lutte contre l’impunité et pour la justice", une fiche présente les attentes auxquelles le système judiciaire du nouveau Rwanda doit répondre : châtier les responsables du génocide, identifier et châtier les individus ayant commis de crimes de sang et résoudre les conflits liés aux terres et aux propriétés.

Une autre expérience envisage les trois solutions possibles face à une situation de crime contre l’humanité, telle que le génocide : faire juger les auteurs par un Tribunal pénal international permanent, par un Tribunal ad hoc, comme ce fut le cas pour l’ex-Yougoslavie ou en élargissant au Rwanda les compétences du Tribunal de La Haye sur l’ex-Yougoslavie, par une décision du Conseil de Sécurité. Le Tribunal pénal international sur l’ex-Yougoslavie créé en 1993 par une résolution de l’ONU après les atrocités commises, représente un instrument unique pour juger les personnes présumées responsables de crimes.

Enfin, sont soulignés les avantages et les critiques adressées en ce qui concerne cette dernière solution, ainsi que l’importance de la réparation aux victimes (réinsertion, indemnisation, réparation morale) dans la lutte contre l’impunité.

Selon le rapport intérimaire sur la question de l’impunité dans le cadre de la sous-commission des droits de l’homme de l’ONU, les objectifs en matière de lutte contre l’impunité sont au nombre de trois : sanction des responsables, dédommagement des victimes et permission aux autorités de remplir leur mandat. En outre, des fiches de cas sont proposées autour du thème de la lutte contre l’impunité.

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    • En Ouganda, après cinq années de guérilla, une Commission d’enquête sur les violations de droits de l’homme fut créée en 1986, chargée de recenser les crimes commis dans le passé.

    • Au Salvador, après douze années de guerre, la lutte contre l’impunité s’est concrétisée par la création d’une "Commission vérité", qui a recueilli les témoignages dans l’ensemble du pays et classé les crimes commis, mais qui, faute de compétences en matière juridictionnelle, n’a pas pu réfléchir aux sanctions à appliquer aux criminels.

    • La Bolivie est le seul pays d’Amérique latine où la lutte juridique contre l’impunité a abouti au jugement et à la condamnation des responsables politico-militaires du coup d’État militaire de 1980. Pour ce succès, un rôle essentiel a été joué par la lutte populaire contre l’impunité, menée par le comité "Impulsor del Juicio" avec le soutien des victimes et de leurs familles, des ONG et des organisations syndicales.

  • Le deuxième chapitre aborde le thème de la lutte contre l’amnésie et la mémoire sélective, en faveur d’une mémoire globale contenant également la mémoire de l’Autre.

En particulier, la fiche sur le Rwanda propose comme outil de réconciliation nationale, un florilège regroupant les meilleurs actes de civisme et de courage accomplis pour sauver des Rwandais lors des divers épisodes de massacre.

Il s’agit donc de reconstruire une nouvelle mémoire au lieu de celle faisant des Tutsis et des Hutus des ennemis irréconciliables. Plusieurs exemples examinent la mémoire en Israël qui a "confisqué la Shoah" : il existe une mémoire officielle utilisant le génocide pour justifier les actes présents. Dans l’historiographie officielle et la mémoire collective, reproduite par les appareils éducatifs et culturels, l’Autre, la Palestine, n’existe pas.

Les articles sur les relations franco-allemandes après la guerre et la réconciliation nationale espagnole après la fin du régime franquiste, constituent des exemples transposables au Rwanda.

  • Le troisième chapitre fournit des exemples de reconstruction de la société civile après les conflits en Afrique du Sud, en ex-Yougoslavie, dans la région transcaucasienne, au Mexique, au Brésil, au Guatemala, en Colombie et en Irlande du Nord.

En Afrique du Sud, le gouvernement a encouragé la société civile à participer à l’application du programme de reconstruction et de développement. Si en Palestine les ONG ont développé une grande expérience et compétence notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, en ex-Yougoslavie la faiblesse des courants civiques renvoie à la faiblesse de la société civile liée au communisme. Le cas du Brésil montre comment le "Mouvement pour l’éthique en politique" a conduit à la destitution du président Collor et la campagne "contre la misère et pour la vie" a mobilisé tous les secteurs de la société. Dans le processus de paix au Guatemala, l’Assemblée de la société civile a joué un rôle fondamental.

Un autre défi pour la construction de la paix est représenté par le retour et la réinsertion des réfugiés. Afin de garantir des services efficaces aux réfugiés, une coopération entre les agences internationales et les ONG est nécessaire. La campagne de "retour au village" au Vietnam montre les limites liées à l’absence d’une politique globale de réinsertion des déplacés et réfugiés. Dans le cas du Chili, les efforts conjoints de l’Office national du retour (organisme gouvernemental chilien), du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de l’Office mondial d’immigration ont permis le rapatriement et la réinsertion professionnelle de nombreux Chiliens. La Conférence internationale sur les réfugiés d’Amérique centrale s’est beaucoup engagée pour la réinsertion des déracinés, en reconnaissant un lien étroit entre la solution aux problèmes des réfugiés et les processus de paix, de développement et de démocratie en Amérique centrale.

La reconstruction du secteur public est aussi une condition essentielle pour une paix durable et pour une réconciliation nationale : à cette fin au Brésil, l’"Ecole du gouvernement" a été créée en 1992.

Si au Rwanda l’Église catholique a entretenu d’étroites relations avec le régime et a vécu en interne le problème ethnique, en Afrique du Sud, les églises chrétiennes après s’être opposées à l’apartheid, ont apporté un grand soutien au processus de transition démocratique : elles ont favorisé l’ouverture d’espaces politiques, la médiation dans les conflits et la recherche de solutions politiques pacifiques. Aux Philippines, l’Église s’est rapprochée des pauvres et a guidé le peuple dans le renversement non-violent du dictateur Marcos. Au Guatemala, l’Église a été très active dans la défense des droits humains, l’aide humanitaire et le dialogue pour la paix et la réconciliation.

Les médias peuvent jouer un rôle majeur en faveur de la paix, de la tolérance, de la réconciliation et du développement. Le journaliste devrait être un correspondant de paix, même en temps de guerre. Le programme "pluralisme en Afrique de l’Ouest" lancé par l’Institut Panos a pour objectif de renforcer le pluralisme de l’information dans la région pour favoriser un développement durable. Le cas de l’ex-Yougoslavie témoigne du rôle néfaste des médias en tant que véhicules de la haine, de l’exacerbation nationaliste en tant que machines de propagande idéologique au service du pouvoir, et de la difficulté de la libre information à trouver un espace pour se faire entendre.

Les programmes de réhabilitation et de réinsertion des victimes des guerres sont fondamentaux afin qu’elles deviennent autonomes et retrouvent leur position dans la société : une attention particulière doit être portée aux enfants et aux jeunes, traumatisés par la guerre et la violence.

Le dernier défi pour la paix concerne la mobilisation efficace de l’aide internationale : les différents mécanismes d’aide, leurs limites et les critiques que les pays africains leur adressent sont analysés. La coopération entre ONG européennes et entre ces dernières et leurs homologues africains mène à de bons résultats, comme le démontre le cas en Afrique du Sud. Cette coopération est en outre importante pour accéder aux mécanismes internationaux de financements.

Des réflexions sont enfin menées sur le rôle et les limites de l’intervention des ONG au Rwanda.

Commentario

L’intérêt principal de ce dossier réside dans la richesse et la variété des textes recueillis : variété en termes d’auteurs des fiches (juristes, chercheurs, sociologues, experts internationaux, philosophes, professeurs, responsables des ONG), de thématiques abordées et de différentes approches d’analyse.

Le fil conducteur unissant toute cette variété est constitué par l’objectif de construction de paix et l’identification commune des défis pour le réaliser : toutes les expériences recueillies concernent des pays qui se sont investis dans la construction de la paix après la guerre. L’aide internationale dans un processus de paix est certes essentielle, mais elle doit toujours être accompagnée par une implication active de la société civile locale et une autonomisation des projets mis en place.

Les victimes des conflits doivent être mises au premier plan, devenant ainsi les protagonistes d’une nouvelle ère de paix. Il faut leur apporter un soutien matériel et moral pour qu’elles deviennent elles-mêmes les responsables du processus de paix et les acteurs de construction de la paix.

Le but de ce dossier, élaboré en un temps record (dans le mois précédant la rencontre de Kigali), était d’apporter une contribution à l’effort de reconstruction du Rwanda. En effet, même si les conditions historiques, politiques, sociales sont différentes, les expériences des pays ayant été le théâtre de conflits peuvent toujours servir d’exemple pour ceux qui ne sont pas encore parvenus à la paix, afin d’éviter les erreurs déjà commises ailleurs, ou de suggérer des actions ayant abouti à des résultats positifs.