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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de document

, Paris, mars 2006

Le Nouveau rapport de la CIA: Comment sera le monde en 2025? présenté par Alexandre Adler

Le nouveau rapport de la CIA propose-t-il un nouveau paradigme pour penser la paix à l’aube du XXIème siècle? « De grands combats sont encore nécessaires. Mais la perspective de modifier la dégradation climatique, de tordre le cou à la misère du Tiers-Monde et de consolider enfin la grande poussée démocratique de 1989 semble enfin à notre portée. » A. Adler

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Réf. : Le nouveau rapport de la CIA: comment sera la monde en 2025? présenté par Alexandre Adler, Editions Robert Laffont, S.A., Paris, 2009

Langues : français

Type de document : 

I. Introduction

La quatrième édition du Rapport du Centre du Renseignement Américain tente de prédire l’avenir du monde dans une perspective de quinze à vingt ans, soit d’ici à 2025. Mais plus que l’intérêt de prédire l’avenir, l’intérêt de cette ouvrage est de mettre en lumière les véritables enjeux du monde à venir, les principaux facteurs qu’il faut prendre en compte afin d’éviter de futurs conflits et des situations de stress intense.

Le prologue écrit par Alexandre Adler synthétise le travail de la CIA qui se demande si « la concentration, l’intensité et l’enchaînement des conflits dans le grand Moyen-Orient continueront à affecter le reste du monde vers 2025, ou plus raisonnablement vers 2010-2015, au même niveau qu’ils concentrent l’attention de la communauté internationale aujourd’hui » (p.9). Selon A. Adler, et a fortiori du rapport, les véritables interrogations ne reposent pas sur l’impact de l’Europe et des Amériques sur le monde mais de quelques pays dont l’influence grandissante et les évolutions à risque auront probablement un lourd impact dans les quelques années à venir : il s’agit de l’Iran (p.11-19), du Pakistan (p.19-23) et de la Chine et ses satellites (p.24-33). L’Afrique quant à elle bien que stratégique pour les grandes puissances devrait avoir une évolution plutôt positive.

II. Chapitre 5: « Des risques de conflits en hausse »

1. Présentation du chapitre

Le rapport est construit autour des grands enjeux et/ou facteurs des années à venir : l’évolution de l’économie mondiale, les conséquences de la future pression démographique et le renforcement des nouveaux acteurs, de plus en plus importants dans un monde chaque fois moins unilatéral. D’un autre côté les enjeux liés aux ressources naturelles et plus particulièrement aux probables frustrations dues aux ressources énergétiques permettent de prédire d’éventuelles évolutions dans les rapports géopolitiques. Le chapitre 5, celui qui sera étudié ici, analyse les risques de conflits en fonction des facteurs mentionnés précédemment. Enfin le rapport termine par l’étude de l’évolution globale des interactions entre les différents acteurs ayant un impact au niveau international, ces acteurs non-étatiques ou étatiques détermineront, en fonction de leurs besoins, les futurs alliances ou oppositions. Le tout prévoyant un avenir plutôt positif si nous supposons que le scénario catastrophe n’est pas envisageable d’ici à 2025.

Dans le Chapitre intitulé Des risques de conflits en hausse, la CIA revient sur ses précédentes prévisions et recentre « l’Arc d’instabilité » entre le Moyen-Orient et l’Asie Centrale, avec quatre Etats de grande instabilité peu importe le facteur concerné, qui sont le Yémen, l’Afghanistan (pour l’opium et ses conflits tribaux), l’Irak (pour ses rivalités confessionnelles et ethniques), la Palestine et le Pakistan (pour ses rivalités tribales et son voisinage). Les principaux enjeux que l’on peut identifier ici et qui conditionneront l’avenir proche sont les besoins en ressources naturelles et tout particulièrement en énergie, la prolifération des armes nucléaires, entrainant certainement une course aux armements de façon générale, la question du terrorisme et finalement l’enjeu de la démocratie et de la bonne gouvernance, aspect essentiel lorsqu’on sait que l’ampleur des inégalités est proportionnelle à l’instabilité intra et interétatique. Chaque enjeu peut avoir des conséquences plutôt positive ou négative en fonction des facteurs qui l’influeront et des choix politiques qui seront fait en la matière. Comme le rappel le Président de la CIA, Thomas Fingar, le rapport fait passer le message suivant : « Si l’orientation que paraissent prendre les évènements répond à vos attentes, vous souhaiterez peut-être agir pour maintenir ce cap que vous jugez positif. Si l’avenir qui semble s’annoncer vous déplaît, il vous incombe de développer et de mettre en œuvre des politiques capables de rectifier le cap » (p.46). Les facteurs, dits « forces motrices », qu’il faut alors surveiller sont les suivants : la démographie, la mondialisation, les progrès technologiques et les conséquences du changement climatique.

« La combinaison d’économies de plus en plus ouvertes et de régimes politiques autoritaires crées les conditions pour qu’éclatent des insurrections, des guerres civiles et des conflits entre Etats » (p.209).

2. Principaux facteurs de risque de conflit d’ici 2025

a. Une vulnérabilité accrue due à une forte dépendance énergétique

La première cause probable de conflit est l’accroissement de la vulnérabilité due à la dépendance vis-à-vis des ressources énergétiques. Dans ce cas l’ensemble des facteurs cités ci-dessus influent sur l’évolution énergétique. En effet plus il y aura de pression démographique plus il y aura de demande et donc de concurrence. Ceci, dans une économie mondialisée dépendante des fluctuations des prix, peut avoir comme conséquence l’éclosion de régimes autoritaires mis en place pour faire face aux revendications sociales. En revanche si l’on veut être optimiste les avancées scientifiques et technologiques pourraient permettre de réaliser la transition énergétique avec des tensions moindres, la montée des prix favoriserait alors une croissance économique importante qui financerait des investissements et de meilleures politiques économiques et sociales et ainsi plus de stabilité et de régimes modérés. La sécurité énergétique conduit également à se poser la question de la sécurité des mers, en particulier pour la Chine et l’Inde qui malgré la construction d’oléoducs dépendront du transport maritime pour leurs importations énergétiques pendant encore plusieurs années. Cela aura certainement comme conséquence la multiplication et le développement de flottes militaires dans la région, soit une course à l’armement naval. Dans une perspective négative cela augmenterait les tensions sino-indiennes déjà en concurrence vis-à-vis des producteurs ; en revanche dans une perspective optimiste, on peut imaginer la création d’une « coopération multinationale pour la sécurisation de voies maritimes vitales » (p.223).Globalement les questions de sécurité énergétique reposent sur des attitudes de coercition de la part de puissances énergétiques comme la Russie, d’éventuelles attaques terroristes comme annoncées par Al-Qaïda ou encore des insurrections internes dans des pays producteurs comme le Nigeria.

b. L’avenir de l’arsenal nucléaire mondial

Deuxième enjeu à surveiller : l’acquisition de l’arme nucléaire par de nouveaux pays, avec en première ligne l’Iran et la Corée du Nord. Cette prolifération d’armes nucléaires peut avoir deux conséquences, positive ou négative. Dans un cas l’obtention de l’arme nucléaire par l’Iran pourrait être une source d’apaisement pour les pays de la région et créerait un équilibre vis à vis de l’Arabie-Saoudite. En revanche cela pourrait également engendrer une course à l’armement nucléaire ce qui augmenterait les risques d’obtention du nucléaire par des pays faibles susceptibles de s’effondrer ou incapable de contrôler correctement leur arsenal laissant à la portée de groupes terroristes l’arme nucléaire. « L’acquisition d’armements nucléaires par des Etats dont les procédures de commandement et de contrôle sont insuffisantes augmenterait la probabilité d’une utilisation accidentelle ou non-autorisée de ces armes » (p.224). Concernant les risques de conflits nucléaires, une escalade de la violence entre l’Inde et le Pakistan pourrait aboutir sur l’utilisation par les deux parties de l’arme nucléaire et deviendrait sans doute un conflit sans précédent, générant un traumatisme à très long terme. De toutes les façons l’armement nucléaire conditionnera certainement les grandes alliances au niveau géopolitique.

c. La lutte contre le terrorisme

La lutte contre le terrorisme peut-être considérée aussi bien comme un enjeu qu’un facteur déterminant pour les conflits à venir. Cependant le terrorisme est également alimenté par des facteurs : manque de ressources, gouvernance médiocre, rivalités ethniques et mondialisation. D’après le rapport le terrorisme existe par « vagues » d’une quarantaine d’années. Les mouvements comme Al-Qaïda ayant une durée de vie plus courte. De plus, dans le cas d’Al-Qaïda, celui-ci a échoué dans l’atteinte des ses objectifs (instauration d’un califat islamique mondial et élimination de l’influence étatsunienne) et n’est pas devenu un mouvement politique ce qui lui prédit une fin proche. « L’Histoire suggère que le mouvement terroriste islamique mondial survivra à la disparition d’Al-Qaïda en tant que tel » (p.232).

Dans le cas du terrorisme, celui-ci dépend largement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TICs). De façon optimiste on peut penser que la mondialisation de la communication génère une pression positive sur les gouvernements favorisant une amélioration sociale. En revanche « la diffusion des technologies et des connaissances scientifiques mettra les moyens les plus dangereux du monde à la portée des groupes terroristes » (p.227), comme les agents bio pathogènes ou les armes de destruction massive, et leur permettra un regroupement global, ce qui conduirait au développement de forces spéciales de sécurité et à un contrôle renforcé des déplacements et frontières. Les progrès dans le domaine des TICs en fait des cibles potentielles d’attaques, par la neutralisation de réseaux d’information ou l’utilisation d’armes antisatellites.

Tout ceci nous amène à penser qu’il se produit une transformation de la guerre qualifiée de plus en plus d’ « irrégulière » et basée de plus en plus sur des aspects non-militaires (cybernétique, économie, ressources, psychologie,…).

3. L’hypothèse d’un « scénario planétaire »

Enfin à travers des Scénarios planétaires les experts de la CIA dessinent des scénarios hypothétiques du monde en 2025. Dans le chapitre 5 l’hypothèse repose sur une « rupture entre les pays du BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine). En effet en comparaison avec la situation d’avant 1914, la concurrence entre la Chine et l’Inde surtout en matière d’énergie pourrait entrainer « une poussée de nationalisme dans un jeu à somme nulle » (p.243), les alliances alors formées opposeraient la Chine et le Pakistan à l’Inde, les Etats-Unis et le Japon – la Russie et l’Iran produisant une certaine méfiance de part et d’autre.

Commentaire

I. Un optimisme relatif

Cette analyse faite par le Centre du renseignement américain est relativement optimiste et pour les enjeux cités les prédictions semblent réalistes. En effet la dépendance générale vis-à-vis de l’énergie est incontestable et sera certainement l’enjeu clé de ce début du 21ème siècle. De même l’évolution de la situation dans les quelques pays clés mis en avant semble évidente, tout comme les relations entre les grandes puissances émergentes et tout particulièrement entre la Chine et l’Inde et la Chine et la Russie. Ainsi on constate une désoccidentalisation du monde, dont le centre n’est plus la vieille Europe mais d’avantage le grand Moyen-Orient et l’Asie Centrale ; région qui est également la plus instable et donc la plus sujette à des conflictualités de taille.

II. Reste des interrogations…

Les autres domaines abordés dans le rapport semblent moins évidents. Ainsi concernant le terrorisme, bien que l’échec d’Al-Qaïda soit fort probable (en plus des raisons évoqués il existe de nombreuses dissidences au sein même du mouvement, voir des conflits entre mouvements terroristes), la fin de la vague terroriste reste moins envisageable. En effet la réduction du nombre d’extrémistes ne présuppose pas une diminution des attaques surtout si la crise actuelle perdure et que des armes de destruction massive arrivent à la portée de groupes radicaux. Que dire de l’absence du conflit israélo-palestinien (qui semble avoir perdu de l’intérêt aux yeux des américains après l’échec du Sommet de Camp David de juillet 2000) et qui semble difficile de pacifier à court ou moyen terme. Encore plus surprenant la quasi absence de la question irakienne, alors que le conflit ravive de jours en jours le spectre vietnamien et que le pays sert probablement de terrain d’entrainement pour de nombreux groupes islamistes et terroristes, il semble fort probable que l’Irak jouera un rôle important dans la géopolitique de 2025.

III. Les nouveautés à surveiller pour penser la paix

La question de la sécurité des mers est également très intéressante et découle évidemment de la question de la sécurité du transport énergétique, mais il est dommage de ne pas regarder cette nouvelle problématique en parallèle avec les nouvelles caractéristiques des conflits qui ne changent pas uniquement d’armes mais également de territoires : les tensions émergent déjà au sujet de la nationalisation ou de l’internationalisation des pôles (Arctique et Antarctique) mais bientôt nous pourront assister, dans le cadre de la course spatiale, à de nouvelles formes de conflits. Ces nouveaux « territoires » deviennent de plus en plus essentiels, alors que nous prenons consciences de la finalité de nos ressources primaires. Dans une mondialisation toujours plus interdépendante les alliances seront de plus en plus déterminantes, mais au-delà d’alliances ponctuelles selon des besoins précis peut-être devront nous nous intéresser dans un premier temps au défis de l’intégration régionale dont la réussite, ou l’échec, sera déterminant pour la croissance économique des régions et déterminera sans doute le prochain centre économique mondial. Car le rapport ne le mentionne que légèrement mais nous sommes bien à la fin de l’unilatéralisme.

IV. En conclusion…

Le rapport de la CIA, est une réflexion très intéressante sur les tendances du monde et sur les questions qu’il est important de mettre en lumière afin de prévenir le plus de conflits potentiels des années à venir. Cependant la vision reste très occidentale voir même très nord-américaine puisque les enjeux mis en avant sont avant tout les préoccupations premières des Etats-Unis et ne sont pas encore des défis valables dans l’ensemble de la planète. Bien que ne pouvant pas traiter toutes les questions, certaines absences sont assez intrigantes. Enfin sans être alarmiste la question du changement climatique doit tout de même être prise en compte et les conflictualités liées à l’eau sont plus réelles qu’elles n’y paraissent. Il est donc essentiel de tenir compte de toutes ces évolutions du monde et de comprendre le rôle de chaque enjeu, facteur et acteur, pour travailler pour la paix, aussi bien sous forme de prévention des conflits que pour leur résolution.