Bianca Zanardi, Paris, novembre 2008
Le terrorisme n’est pas la guerre
Le terrorisme réintroduit la violence aveugle dans un temps où les guerres classiques entre Etats tendent à disparaître.
Mots clefs : Fondamentalisme religieux et paix | Institutions d'enseignement, Centres de recherche, Scientifiques | Islam | Promouvoir une culture de paix | Passer de la logique de gestion de conflits par la violence à la logique de la négociation politique
Réf. : Christian CHOCQUET, Le terrorisme n’est pas la guerre, Ed. VUIBERT 2008.
Langues : français
Type de document : Ouvrage
La bipolarité: réalité ou invention?
La bipolarité nouvelle offerte au monde est celle du bien et du mal, celle des terroristes et des autres : au terme d’un syllogisme séduisant, puisque le terrorisme atteint la puissance destructrice de la guerre et puisque la guerre est essentiellement conduite par des moyens militaires, la lutte contre le terrorisme doit se concevoir comme une forme de guerre et s’articuler autour des dispositifs militaires.
Tout l’intérêt de l’approche de ce livre est précisément de démontrer que la compréhension des manifestations contemporaines du terrorisme exige que l’on s’extraie a priori de ce présupposé dangereux qu’est la « guerre au terrorisme ».
Après avoir constaté l’impossibilité de fournir une définition universelle du terrorisme, l’auteur analyse les différences entre acte terroriste, guérilla et guerre.
Sur le principe, la gradation de procédés qui fait de la guérilla un substitut à la guerre et du terrorisme un substitut à la guérilla est simple. Mais il est trompeur de réduire l’activité, et par conséquent la « nature », d’une organisation à sa dimension terroriste quand son mode de fonctionnement est complexe. La façon dont Al-Qaïda est généralement présentée constitue d’ailleurs un exemple de cette approximation : Al-Qaïda est une organisation militaire avant d’être terroriste et jusqu’à l’intervention anglo-américaine en Afghanistan en 2001, cette dualité a perduré. Le virage terroriste n’est pris qu’en 1996 avec la proclamation de la fatwa dans laquelle Ben Laden déclare formellement la guerre aux Etats-Unis.
Chocquet préfère donc appréhender le terrorisme par une approche instrumentale, comme une forme de violence utilisée par défaut pour atteindre un objectif politique. Si le terrorisme est un outil, la façon dont l’outil est utilisé est révélatrice des intentions de son utilisateur et de la nature du combat qu’il mène. En ce sens, l’auteur identifie et analyse quatre grandes postures opérationnelles terroristes :
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1/ Des actions ciblées et limitées ;
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2/ Des actions limitées mais aveugle ;
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3/ Des traumatisme avec maximum de victimes de façon aveugle ;
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4/ Des actions de masse et ciblées.
De plus, le type de violence utilisé fournit un éclairage sur la nature de la démarche entreprise et donc sur les actions à prévoir. On peut ainsi qualifier un terrorisme « raisonné », considéré comme un préalable à la recherche d’une issue politique, or, au contraire, une stratégie de rupture où la négociation n’est pas considérée comme un objectif.
L’évaluation de la base sociale dont dispose l’organisation terroriste (notamment avec la théorie classique des « trois cercles ») est fondamentale. Si l’action terroriste dispose d’un réel soutien, celui-ci conduira tôt où tard le gouvernement dont l’autorité est contestée à se remettre en question, généralement par l’acceptation d’une négociation.
Commentaire
L’analyse faite par l’auteur des différentes organisations terroristes est très rigoureuse, efficace et épurée de tous jugements de valeur. En partant de la considération que dans les démocraties l’option du terrorisme est généralement liée au fait que « le groupe » est trop minoritaire pour exister politiquement, Chocquet souligne comment, paradoxalement, les organisations terroristes n’ont « d’efficacité » que lorsqu’elles parviennent à obtenir le consensus social nécessaire afin de provoquer un déséquilibre dans le fonctionnement des institutions. Par conséquence il est facile de comprendre comment toutes les techniques actuellement utilisées pour combattre le terrorisme ont eu comme effet « secondaire » d’accroître la haine de la base sociale sur laquelle les organisations terroristes fondent leur soutien.
La partie du livre la plus intéressante est sûrement celle qui concerne les modèles comportementaux des organisation terroristes. En utilisant des exemples concrets, l’auteur arrive à nous présenter les différentes typologies des organisations terroristes et avec pragmatisme, il nous montre leurs évolutions. À souligner également le chapitre dédié à l’importance des médias, dans lequel Chocquet propose un point de vue alternatif par rapport à la très fréquente méfiance du terrorisme largement médiatisée en Occident.