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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de document

, Maroc (Rabat), mars 2008

Droits de l’Homme et Responsabilité Sociétale de l’Entreprise, une approche francophone.

Ce livre a été établi à partir du Séminaire sur la responsabilité sociale des entreprises dans l’espace francophone tenu au Centre d’Accueil et de Conférence de Rabat (Maroc) du 28 février au 1er mars 2008 et organisé par l’Association Francophone des Commissions Nationales des Droits de l’Homme (AFCNDH).

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Réf. : Isabelle Prigent et Olivier Nouvel, « Droits de l’Homme et responsabilité sociétale des entreprises, une approche francophone », Paris, Ed. Toogezer, Juin 2008.

Langues : français

Type de document : 

« Un préjugé répandu veut que le respect de l’environnement, l’intérêt pour la vie de leurs employés, la préoccupation de l’impact de leurs activités sur les populations environnantes et plus généralement l’approche civique ne concerneraient que les dirigeants des grandes entreprises des pays industrialisés. C’est surtout parce qu’elles sont soumises à la pression d’actionnaires inquiets de ce qui pourrait provoquer la chute de la cote de leur portefeuille de valeurs mobilières – telles des campagnes d’ONG, des boycotts de consommateurs, des recours de victimes en justice –, contraintes peu présentes dans les pays en développement, que ces groupes multinationaux élaboreraient des stratégies de « responsabilité sociétale ».

Le séminaire dont le présent livre rend compte a apporté un démenti à ce préjugé manichéen : des chefs d’entreprise du « Sud » sont venus attester de leur engagement spontané dans des politiques d’amélioration des conditions sociales faites à leurs salariés, dans la pratique de l’étude de l’impact de leurs procédés de production sur la nature et l’humanité qui les environnent, et d’un volonté de dialogue social et plus généralement de prise en charge de responsabilités dans la société dans laquelle leur activité s’insère.

Espace institutionnel Nord-Sud, la Francophonie a permis, pendant trois jours, un dialogue très riche entre acteurs de la responsabilité sociétale venus de pays riches et de pays pauvres. Ces chefs d’entreprise, syndicalistes, responsables consulaires, hauts fonctionnaires, militants de la société civile, universitaires et consultants se sont, à cette occasion, rendus compte qu’au-delà de la langue française, ils partageaient des préoccupations et convictions communes, souvent intimement liées.

La première est sans doute celle du rôle attendu de l’Etat. Nombre des pays dans lesquels opèrent les entreprises du Nord et du Sud présentes ont pour interlocuteurs ce que l’on appelle pudiquement des « Etats à gouvernance faible ». Ceci signifie que les lois existantes y sont peu appliquées du fait du nombre insuffisant de fonctionnaires compétents, de la possibilité de corrompre ces derniers ainsi que la justice, de facilités pour obtenir des dérogations contractuelles ou en raison d’un climat général de violence. Un consensus s’est spontanément dégagé pour regretter ces situations et considérer que, si certaines entreprises pouvaient en retirer des avantages à court terme, chercher à en abuser était un calcul dangereux à de nombreux égards : un cercle vicieux s’instaure, tel que les administrations faibles sont de plus en plus gourmandes en pots-de-vin qui ajoutent des surcoût à ceux déjà dus au délabrement des infrastructures, tout ceci favorisant une instabilité politique et judiciaire dangereuse pour les contrats passés, et se combinant avec l’épuisement accéléré des ressources naturelles et minières. Au final, une course à l’abîme.

Aussi, la seconde idée largement partagée note qu’il est de la responsabilité des entreprises d’accompagner les Etats dans l’élaboration de stratégies de développement durable qui incluent un travail législatif de mise en conformité avec les standards universels existant dans les domaines social, environnemental et des Droits de l’Homme, et d’appui au renforcement des services publics chargés de les appliquer.

La troisième conviction qui s’est alors affirmée comme une évidence a été que, dans des pays où les repères normatifs manquent souvent, à commencer par l’Etat de droit et l’ordre public, le droit international des Droits de l’Homme constitue un référentiel précieux : six traités fondamentaux ont été ratifiés chacun par au moins 150 pays et sont assortis de mécanismes quasi-juridictionnels producteurs d’interprétations détaillées précieuses. Ils couvent en outre un champ considérable et qui tend à s’accroître.

Alors que le développement de « codes de bonne conduite » inquiète souvent – du fait que les chefs d’entreprise qui en prennent l’initiative sont soit ignorants de l’existence de normes internationales claires qui pourraient les inspirer, soit souhaitent délibérément écarter certaines de ces normes – les participants au séminaire ont pour la plupart considéré que c’était un phénomène potentiellement positif, pourvu qu’il respecte trois principes. Ceux-ci sont :

  • L’existence d’un processus transparent et participatif d’élaboration associant au moins des représentants légitimes du personnel mais aussi, si possible, des personnes potentiellement affectées par l’activité.

  • La référence explicite aux normes fondamentales sociales, environnementales et relatives aux Droits de l’Homme.

  • La construction de mécanisme de contrôle sincère des engagements pris.

Lorsque ce sont des démarches collectives d’entreprises d’un même pays ou d’une même branche qui aboutissent, dans le cadre de ces principes, à la conception de chartes communes, ce « volontarisme » apparaît particulièrement riche.

Ainsi, autre constat fait pendant ce séminaire, l’opposition que certains commentateurs croient voir entre « volontarisme » et « obligations légales », voire entre « common law » (1) et « droit romano-germanique » est-elle aujourd’hui largement dépassée : les entreprises se trouvent cernées d’un grand nombre d’obligations. Celles-ci résultent à la fois :

  • De leurs engagements individuels et collectifs (actionnaires, sous-traitants, consommateurs, autorités des marchés et syndicats en vérifient la réalité) ;

  • Des conditions que posent leurs financeurs à leurs demandes de fonds (Société Financière Internationale, Banques régionales de développement, Agence d’assurance crédit) ;

  • D’une coutume internationale qui se construit par la convergence entre recommandations d’organisations internationales (Pacte Mondial des Nations Unies, Principes Volontaires de l’OCDE et de l’OIT) ;

  • D’accords sui-generis (comme l’initiative sur la Transparence des Industries Extractives, les Principes Volontaires sur la Sécurité et les Droits de l’Homme) ;

  • De la jurisprudence de tribunaux, en particulier nord-américains.

Enfin, le fait que c’est en langue française que se sont exprimés les participants venus d’Asie, d’Amérique, de l’Océan Indien, du Moyen Orient, d’Afrique Sud-Saharienne, a apporté un véritable plus à cette rencontre : obligation de chercher précisément le sens de mots devenus usuels dans les échanges internationaux bien qu’ils (ou parce qu’ils) portent de lourdes ambiguïtés, à commencer par « social responsability ». Elle est mal traduite par l’expression « responsabilité sociale », le premier mot étant trop fortement connoté au plan judiciaire dans l’histoire de notre langue (exemple : le fameux « responsable mais pas coupable ») et le second focalise excessivement sur le droit du travail dans son acception courante alors que des expressions comme « politiques sociales » renvoient à un champ plus large ; mais « social responsability » couvre une sphère encore plus ample puisqu’elle comprend tous les acteurs de la société humaine qui peuvent être concernés par l’activité d’une entreprise, directement ou indirectement. C’est pourquoi j’ai préféré, dans cette introduction, utiliser l’adjectif « sociétal », tout en étant conscient de son caractère « savant ».

Il me reste à ajouter, pour conclure cette brève introduction qui, je l’espère, aura donné envie au lecteur de dévorer ce livre, que nous avons conçu ce dernier, avec l’éditeur, le bureau du Programme des Nations Unies pour de Développement de Rabat et l’Organisation Internationale de la Francophonie, ses financeurs, comme un objet informatif assumant un parti pris pédagogique. Bonne lecture découverte. »

Michel Doucin (*), préface de l’ouvrage « Droits de l’Homme et Responsabilité sociétale de l’entreprise, une approche francophone. Les actes ont été réalisés par Isabelle Prigent et Olivier Nouvel, sur la base des contributions recueillies lors du séminaire.

Commentaire

Il n’y a pas d’activité économique pérenne sans considération pour les Droits de l’Homme, sans le respect de la personne au travail et sans une attention accrue à l’environnement.

Notes

  • (1) : La Common law (qui n’as pas de traduction appropriée en français) est une conception d’origine anglaise qui désigne un système bâti essentiellement sur le droit jurisprudentiel et le droit coutumier par opposition au droit civiliste ou codifié. La Common law est en vigueur au Royaume-Uni (sauf Ecosse), au Canada (sauf Québec), aux Etats-Unis et d’une façon générale, dans l’ensemble des pays ayant fait partie de l’Empire britannique.

  • (*) : Délégué Général du séminaire auprès de l’AFCNDH et Ancien Ambassadeur français pour les droits de l’Homme, M. Michel Doucin a été nommé le 15 septembre 2008, Ambassadeur chargé de la bioéthique et de la Responsabilité Sociale des Entreprises.

  • Pour en savoir plus sur le thème de la RSE, n’hésitez pas à consulter le site web suivant : <www.RSE-et-PED.info>. Vous y trouverez également quelques contributions signées Michel Doucin.