Fiche de document Dossier : Les Organisations Non-Violentes en France

Guillaume Gamblin, Paris, 2004

Alternatives Non-violentes

Une revue de réflexion, de débats sur la non-violence et sur des questions sociales et internationales.

Mots clefs : Théorie de la non-violence | Presse écrite et paix | Citoyens européens pour la paix | Universitaires | Chercheurs pour la paix | Professeurs, enseignants | Philosophes | France

Réf. : Revue « Alternatives Non-Violentes », Centre 308, 82 rue Jeanne d’Arc, 76000 -ROUEN

Langues : français

Type de document :  Périodique

I. Une revue de référence sur la non-violence

A. Trente ans de réflexions de fond et d’engagements

1) La fidélité au projet d’origine

C’est en 1973 que naît la revue Alternatives Non-Violentes (ANV), à Lyon, avec entre autres Christian Delorme, Georges Didier, Christian Brunier, puis Christian Mellon dont la venue a été importante. « Au vrai, nous avions vingt ans, se souvient Christian Delorme, et nous étions de petits bourgeois chrétiens généreux, dévorés par la mauvaise conscience d’appartenir à la minorité des favorisés de l’humanité. Nous évoluions dans un microcosme, où les apprentis-prophètes de la non-violence se disputaient dans leur interprétation d’un trop vaste héritage gandhien. Nous voulions servir, sinon l’unité, du moins la synthèse des courants en présence. La création d’Alternatives Non-Violentes a précédé d’un an celle du Mouvement pour une Alternatives Non-Violentes » (ANV, n°100, p. 4). Il convient de souligner qu’ ANV, dès son début, a voulu être une revue de recherches et de débats, indépendante de tout mouvement, Eglise, syndicat ou parti. Ce qui est toujours le cas.

Le besoin d’approfondir les assises théoriques, éthiques et politiques de l’action non-violente est affirmé dès le premier numéro.

Une attention est portée dès l’origine à la prise en compte de la diversité des positions politiques, à la critique émanant d’acteurs et d’intellectuels ne partageant pas les convictions non-violentes, à la prise en compte de tous les milieux sociaux, à la multiplicité des aspects philosophiques ou culturels dans l’horizon desquels est susceptible de s’inscrire la réflexion sur la non-violence. L’armée, le syndicalisme, les femmes, les sciences, l’éducation font l’objet, parmi d’autres, de dossiers d’ANV. Car chaque trimestre ANV se présente comme un dossier de recherches et de débats sur un thème précis.

À partir des années 80, en raison des évolutions de la société, la “couleur” de la revue change pour se dégager partiellement de l’esprit militant propre aux années 70. C’est alors que Christian Mellon et Jacques Sémelin deviennent rédacteurs en chef, suite à Christian Delorme. Comme l’ensemble des organisations non-violentes et militantes en général, la revue connaît alors un certain déclin du nombre d’abonnés. En 1989, le poste de rédacteur en chef est confié à François Vaillant, poste qu’il occupe toujours.

Ce qui frappe d’emblée est la fidélité de la revue aux orientations de ses origines. C’est bien la même continuité, le même esprit qui relient les premiers numéros à ceux qui paraissent actuellement, à travers les inévitables adaptations aux évolutions sociétales qui ont marqué ces trois décennies.

2) Une revue trimestrielle

Alternatives Non-Violentes propose chaque trimestre, depuis sa création, un dossier sur un thème relatif à la non-violence. Chaque numéro compte en moyenne 68 pages, en format 21 x 20. Le dossier est composé d’un éditorial, de 6 à 8 articles, apportant des éclairages variés (pouvant être contradictoires) sur le sujet, et de recensions de livres relatifs à celui-ci. Des informations ou articles sur un thème d’actualité peuvent être intégrés à la revue en plus du dossier, ainsi que des recensions d’autres livres récents.

Ces dernières années, la revue a notamment publié des dossiers sur les thèmes suivants :

  • les sanctions éducatives ;

  • anarchisme et non-violence ;

  • le bouddhisme source de non-violence ;

  • l’intervention civile de paix ;

  • les violences contre les personnes âgées ;

  • ou encore la voiture véhicule de la violence ;

  • la philosophie de la non-violence…

On peut dire qu’ANV porte un projet original qui a fait la preuve de sa pertinence et de son utilité à travers la diffusion de plus de 120 numéros trimestriels, sans interruption. La continuité de ce projet est permise par l’investissement bénévole des acteurs qui composent le Comité d’Orientation de la revue.

B. Des acteurs et des auteurs pour nourrir le débat

1) L’équipe d’ANV

La revue est portée par une équipe chargée de son élaboration, de sa diffusion et de son orientation. Elle fait en réalité appel à une structure très “ légère ”, n’employant qu’un salarié à mi-temps, son rédacteur en chef François Vaillant. Le reste des personnes impliquées dans son fonctionnement et son animation est constitué de bénévoles.

Pratiquement, c’est le rédacteur en chef qui assume la réalisation pratique de la revue en recherchant et en contactant des auteurs, en récoltant leurs textes, en élaborant la maquette, en rédigeant souvent l’éditorial et des recensions de livres, en effectuant le suivi de l’impression de la revue, en organisant sa diffusion et son financement. C’est lui qui tient la responsabilité d’assurer le respect des délais nécessaires à la réalisation de la revue. Le trésorier, François Marchand, a une place toute aussi centrale, celle de veiller à la bonne gestion de la revue.

Le Conseil d’Administration, dont les membres sont élus par le Comité d’Orientation, est convoqué chaque année, afin de définir les orientations éditoriales et budgétaires à venir.

Chaque trimestre, le Comité d’Orientation se réunit pour décider d’un thème. En général, une avance de trois numéros est nécessaire pour mener à bien l’organisation des parutions. Les membres de ce Comité d’Orientation sont également mis régulièrement à contribution pour rédiger des articles suivant les thèmes choisis, à l’exemple de l’écrivain Jean-Marie Muller.

2) Un large “pouvoir de convocation”

La majorité des contributions écrites dans ANV proviennent cependant de personnes extérieures au groupe de chercheurs réunis dans l’équipe de la revue. Ces contributions sont apportées par des chercheurs, des praticiens et des militants engagés dans une réflexion ou une action proprement non-violentes, faisant partager les réflexions issues de leurs pratiques ou de leurs travaux universitaires.

Mais toute l’originalité et tout l’intérêt de la revue Alternatives Non-Violentes est de proposer des contributions de personnalités, de chercheurs qui ne partagent pas l’option en faveur de la non-violence, afin d’ouvrir la réflexion non-violente par le regard extérieur de spécialistes et de praticiens sur chaque thème développé. Cette démarche est essentielle en ce qu’elle évite un enfermement sur des convictions. Elle garantit autant que possible un traitement pertinent de chaque sujet. Des militaires, des philosophes, des responsables syndicaux ou politiques apportent un regard différent sur des thèmes liés aux alternatives non-violentes, faisant d’ANV un lieu unique de débats et de croisement d’une pluralité d’opinions et de perspectives.

La revue fait largement appel dans chaque numéro à des contributions de personnes issues du milieu universitaire, contribuant ainsi autant qu’il est possible à un ancrage et une diffusion de la non-violence dans celui-ci. Dans le même temps, un large espace est accordé à des contributions théoriques issues de la pratique, tant politique, militante, associative, sociale, ou encore professionnelle.

D’une manière générale, ce double apport permet à la revue d’avoir un regard complémentaire et croisé –recherche universitaire et savoir issu de la pratique - sur chaque thème abordé.

C. Une référence intellectuelle sur la non-violence

Dès sa création, la revue s’est imposée comme une référence bien au-delà des militants de la non-violence. Elle jouit d’une reconnaissance sur le thème des luttes non-violentes en France et dans le monde, et comme lieu de réflexion fondamentale sur les diverses formes de violences personnelles, sociales, écologiques, politiques ou économiques.

C’est en grande partie la qualité des contributions qui assure dès le départ la reconnaissance d’ANV comme pôle de réflexion sur la non-violence et les alternatives aux violences tant militaires que culturelles ou structurelles. Dès les premiers numéros, des intellectuels renommés tels que Jean Lacroix et Paul Virilio, et des militants tels que Jean van Lierde ou Lanza del Vasto, apportent des contributions à la revue.

Plus récemment, on a pu y lire des contributions de philosophes, tels Paul Ricœur ou Edgar Morin, ou d’acteurs socio-politiques, tels Stéphane Hessel, Michel Rocard, Elisabeth Badinter ou José Bové. Outre ces auteurs de renom, la volonté de l’équipe d’ANV est de faire une place également importante à des praticiens et à de jeunes chercheurs moins connus. ANV a su, au fil des années, se hisser au rang des revues qui disposent d’une réelle et vaste estime intellectuelle (Etudes, Projet, Esprit, Transversales Science-Culture…). Cependant, la revue demeure encore trop confidentielle car elle est insuffisamment diffusée.

Pour résumer, ANV demeure, aujourd’hui encore plus qu’hier, un véritable pôle intellectuel de confrontation et de diffusion de réflexions de fond sur la non-violence auprès des étudiants, universitaires, acteurs sociaux et militants.

II. Faire vivre le projet éditorial : un défi permanent

A. Une structure légère et un partenariat privilégié

C’est le rédacteur en chef de la revue qui, on l’a vu, porte la responsabilité du secrétariat et de la réalisation concrète de la revue. Le siège social de celle-ci, autrefois basé à Lyon, se trouve aujourd’hui à Montreuil (93) ; le secrétariat de rédaction est à Rouen (76). Les membres du Conseil d’Administration, quant à eux, apportent un regard pluridisciplinaire sur chaque thème en projet ; ils constituent une force de proposition pour les orientations générales ou pour le choix des auteurs d’articles. Ils garantissent, de par leur diversité d’horizons universitaires ou professionnels (ingénieur, politologue, philosophe, sociologue, théologien, psychologue clinicien, journaliste, historien), une ouverture constante de la revue aux divers apports des sciences humaines et des pratiques contemporaines.

La revue ANV est associée à l’Institut de Recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits (IRNC), dans la perspective d’une meilleure synergie entre ces deux pôles de la recherche théorique sur la non-violence. Cette association permet aux travaux effectués par l’IRNC d’être publiés dans la revue, et à celle-ci de profiter des dernières avancées de la recherche sur le thème des violences et de leurs alternatives. Ce partenariat a débouché sur plusieurs publications communes au nombre desquelles les actes du colloque international sur “Les stratégies civiles de défense” en 1987, le “Lexique de la non-violence” publié par Jean-Marie Muller en 1988, ou plus récemment les actes du colloque sur l’Intervention Civile de Paix qui s’est tenu à l’Assemblée Nationale en 2001. Cette coopération se fait dans le respect de l’indépendance financière et éditoriale de la revue.

B. La diffusion

Durant les premières années de son existence, ANV a très vite trouvé un lectorat et s’est stabilisée autour de 1500 abonnés. Mais la crise morale et militante des années 80 a eu des répercussions sur la revue qui est tombée à 500 abonnements. Des efforts qualitatifs tant au niveau du contenu que de la présentation et de la maquette lui ont permis de passer cette étape difficile et actuellement ANV compte environ 1 000 abonnés. Il est à noter que plusieurs dizaines de bibliothèques privées ou publiques situées dans des pays du Tiers-Monde, bénéficient d’abonnements gratuits.

La vente par abonnement constitue l’essentiel de la diffusion de la revue, les ventes au numéro ne représentant pas plus de 10 à 20 % des recettes. Ces dernières proviennent généralement de commandes passées après publipostage. Peu de librairies acceptent de diffuser la revue, à l’exception notable de la Fnac. Des échanges gratuits de publicités sont régulièrement établis avec d’autres revues, telles que Sciences Humaines, Etudes Esprit, Non-Violence Actualité, Silence… Mais ces derniers apportent peu de nouveaux abonnés, par opposition aux publipostages qui sont une source essentielle de renouvellement du lectorat.

C. Le financement et les partenaires

La revue Alternatives Non-Violentes tire ses revenus essentiellement des abonnements et des achats au numéro, mais cette source est insuffisante pour assurer le fonctionnement de la revue et son développement. Certains abonnements bénéficient de tarifs préférentiels dits “petits budgets” tandis que d’autres, “de soutien”, permettent de financer partiellement ces premiers. Néanmoins, chaque année, un renouvellement de 20 % d’abonnés est nécessaires pour le maintien du nombre d’abonnements.

Un nombre d’abonnés global supérieur de 20 % à son nombre actuel serait nécessaire pour assurer des ressources suffisantes à la revue, qui a contracté une dette de 9000 euros auprès de son imprimeur ces dernières années. C’est donc sur le publipostage et l’échange de fichiers que se concentre l’effort de financement actuel d’ANV. Sans les subventions de fondations (Un Monde Par Tous, Non-Violence XXI) ainsi que du Conseil National du Livre (CNL) ANV n’existerait plus. Enfin un certain nombre de dons permettent de renforcer l’équilibre financier d’ANV, qui, au final, arrive à progresser, mais dans une précarité permanente.

Un partenariat est développé avec un certain nombre de revues pour des échanges de publicités ou de fichiers, ainsi qu’avec des organisations et mouvements engagés pour la non-violence. En particulier le MAN, qui est né un an après ANV et dont le « Manifeste pour une alternative non-violente » est à l’origine de sa création, puisque ce « Manifeste » a été publié par ANV en 1977.

Un partenariat spécifique a été engagé en 2001 avec la revue Silence, l’IRNC et le fond associatif Non-Violence XXI pour l’élaboration et la diffusion d’une affiche présentant “Les cent dates de la non-violence au XX° siècle”. Cette affiche, réalisée en partie grâce aux efforts d’Alain Refalo, a connu un succès et un impact importants. Elle va connaître un troisième tirage en 2004.

Coordonnées :

  • Adresse : Alternatives Non-Violentes, Centre 308, 82 rue Jeanne d’Arc, 76000 -ROUEN

  • Tel. + Fax : 02 35 75 23 44

  • E-mail : anv.revue@wanadoo.fr

Commentaire

Au final, on peut estimer que la revue Alternatives Non-Violentes, malgré une structure très légère et des difficultés récurrentes de financement, joue un rôle essentiel à trois niveaux :

  • parmi les mouvements et acteurs engagés pour la non-violence en France et dans le monde francophone, en servant de courroie de transmission pour la recherche ;

  • parmi ces mouvements, en étant un lieu unique de réflexions sur la non-violence permettant de nourrir cet engagement et de prendre du recul sur son expérience, ainsi que de confronter ceux-ci aux défis des violences humaines, socio-économiques ou politiques ;

  • au sein de la société et du milieu universitaire, en étant un organe de diffusion de la réflexion non-violente dans des milieux qui n’y sont pas sensibilisés.

Cependant l’un des défis pour ANV est de s’ouvrir à un public plus large débordant les seuls milieux militants et intellectuels habituellement intéressés par la non-violence. L’affiche des “cent dates de la non-violence au XX° siècle” a donné lieu à une large diffusion allant dans ce sens.

Notes

Sources :

  • Entretien avec François Vaillant du 6 Mai 2003.

  • Numéros de la revue Alternatives Non-Violentes.

  • Note argumentée sur ANV du 8 Avril 03.