Paris, 2006
Le choc des civilisations, présentation de l’ouvrage de M Samuel P. HUNTINGTON
Ref.: Auteur: Samuel P. HUNTINGTON, Titre: LE CHOC DES CIVILISATIONS, Editions Odile Jacob, Paris, 2005
Languages: French
Cet ouvrage est structuré autour de 4 axes.
Divisé en civilisations (1er axe) en proie à l’instabilité (2ème axe), le monde désormais s’établit selon un nouvel ordre (3ème axe) qui génère un nouveau type de conflits (4ème axe).
1er Axe : La civilisation représente l’entité culturelle la plus large.
Selon Huntington, le monde est divisé en civilisations.
La culture, les identités culturelles, qui sont en quelque sorte des identités de civilisations déterminent les futures formes de cohésions, de désintégrations ou de conflits.
La civilisation « est le mode le plus élevé de regroupement et le niveau le plus haut d’identité culturelle dont les humains ont besoin pour se distinguer des autres espèces. Elle se définit à la fois par des éléments objectifs, comme la langue, l’histoire, la religion, les coutumes, les institutions, et par des éléments subjectifs d’auto-identification. »
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Selon Huntington, sept à huit civilisations se partagent le monde, la chinoise, la japonaise, l’hindoue, la musulmane et l’occidentale.
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Il ne voit pas l’Afrique comme une civilisation en soi, préférant rattacher le continent aux autres civilisations.
À l’égard de l’Amérique latine, il adopte une position ambivalente, la considérant tantôt comme une sous-civilisation de l’Occident, tantôt comme une civilisation distincte, menaçante pour les États-Unis.
En résumé, les peuples se regroupent désormais en fonction de leurs affinités culturelles ; le monde est divisé en civilisations.
2ème Axe : Le monde international est multi-civilisationnel et multipolaire : équilibre instable des civilisations.
(Après la guerre froide). Parce que selon Huntington :
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L’Occident a cessé de dominer le système international avec la fin de l’impérialisme colonial et la cessation des hostilités entre États occidentaux.
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Les États des autres civilisations se sont à leur tour inscrits dans ce système pour interagir les uns avec les autres.
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Si grands qu’aient été la puissance de l’Occident et l’attrait de sa culture sur les autres civilisations, la diffusion des idées occidentales n’a pas suscité une civilisation universelle.
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Les civilisations exposées aux idées de l’Occident lui ont emprunté son savoir-faire sans pour autant en épouser toutes les valeurs, comme l’individualisme, l’État de droit et la séparation entre le spirituel et le temporel.
Ainsi, la modernisation des États non-occidentaux n’a pas entraîné leur occidentalisation mais plutôt renforcé l’attachement à leur civilisation propre.
La modernisation se distingue de l’occidentalisation et ne produit nullement une civilisation universelle.
Il en est de même de la démocratisation de plusieurs pays non-occidentaux ; la démocratie a mis au pouvoir des partis hostiles aux valeurs occidentales. Huntington bat aussi en brèche l’idée que la prolifération des médias et l’adoption de l’anglais comme lingua franca unifieraient les cultures, comme il met en doute l’idée que la libéralisation du commerce préviendrait les conflits entre elles.
Ainsi, selon Huntington, est en train de s’établir un nouveau rapport de forces entre civilisations. Alors que l’Occident voit son influence et son importance relatives décliner, les civilisations asiatiques gagnent en puissance économique, militaire et politique et réaffirment leurs valeurs propres.
Connaissant une croissance démographique rapide, l’Islam est en proie à des rivalités intestines et déstabilise ses voisins. La poussée démographique de l’Islam s’accompagne d’une résurgence de la religion islamiste qui, dans plusieurs pays, s’est illustrée par la montée du fondamentalisme, en particulier chez les jeunes.
3ème Axe : Le nouvel ordre mondial : L’Etat phare des civilisations.
Huntington décrit ensuite l’émergence d’un ordre mondial organisé sur la base de civilisations.
Il constate l’apparition d’organisations et de forums regroupant des États appartenant à la même civilisation. Les États coopèrent d’autant mieux les uns avec les autres qu’ils ont en commun des affinités culturelles, tandis que les efforts faits pour attirer une société dans le cercle d’une autre civilisation échouent.
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Au sein d’une même civilisation, les États s’unissent autour d’un État phare :
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La Chine, l’Inde et le Japon dominent chacun leur propre sphère civilisationnelle.
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L’Occident connaît deux puissances dominantes, les États-Unis et l’axe franco-allemand, la Grande-Bretagne occupant une position médiane entre les deux.
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En revanche, profondément divisé et dispersé, l’Islam n’a pas d’État phare, pas plus que l’Afrique et l’Amérique latine.
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Certains pays, comme la Russie, la Turquie et le Mexique, ont tenté de s’occidentaliser, au prix toutefois de déchirements qui ont souvent mis en échec ce processus. Société occidentale, l’Australie a tenté en vain de se définir comme société asiatique et devrait plutôt chercher à se rapprocher des États-Unis avec la Nouvelle-Zélande.
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4ème Axe : De nouvelles alliances et des conflits entre civilisations apparaissent.
Les conflits civilisationnels sont des conflits communautaires entre Etats ou entre groupes, conflits ou guerres caractérisés par la violence, leur durée, qui peuvent s’accompagner de génocide ou de purification ethnique lorsqu’ils sont situés sur un même territoire revendiqué par les parties : ex Cachemire, Cisjordanie, Le Kosovo, Tchétchénie….
Ses affirmations sont corroborées d’éléments chiffrés ; et Huntington forts de ces données de conclure : « le caractère belliqueux et violent des pays musulmans à la fin du XX ème siècle est donc un fait que personne, musulman ou non musulman ne saurait nier ». (Du sang aux frontières de l’Islam » - Guerre du Golfe, Serbes et Croates, kosovo, Ethiopie… P . 285
Les causes de la recrudescence de ces guerres sont à la fois historiques, démographiques (explosion de la jeunesse +/- 20 % et politiques (élections où l’etnos devient demos).
La dynamique des guerres s’appuient sur 2 ressorts : l’essor de la conscience identitaire ( « dans les guerres entre cultures , la culture est toujours perdante »s), le syndrome du pays apparenté.
Un monde multicivilisationnel voit la conclusion de nouvelles alliances entre civilisations et l’éclat de conflits qui s’éternisent, impliquant un grand nombre de participants et sombrant dans la violence extrême.
Alors que Huntington voit les conflits de l’Occident avec l’Inde, l’Afrique et la Russie s’amenuiser, il craint que l’Occident ne s’oppose davantage à la Chine et à l’Islam. Celui-ci, se rapprochant de la Chine, aura des relations plus antagonistes avec l’Inde et la Russie.
Les guerres frontalières qui se multiplient entre musulmans et non-musulmans susciteront des alliances nouvelles et inciteront les États dominants à intervenir pour calmer le jeu.
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Zoom sur L’Islam et l’Occident. Les ingrédients qui, selon Huntington, alimentent le conflit entre les deux :
Pour l’Occident, le problème fondamental n’est pas le fondamentalisme musulman mais l’Islam, civilisation différente dont les représentants sont persuadés de leur supériorité mais obsédés par l’infériorité de leur puissance.
Pour l’Islam, le problème c’est l’Occident, civilisation différente dont les représentants sont persuadés de l’universalité de leur culture et croient que leur puissance supérieure, bien que déclinante leur confère le droit d’étendre cette culture à travers le monde.
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Sa vision des relations internationales :
Enfin, Huntington lance à l’Occident un appel au ressaisissement. Il estime que la survie de l’Occident dépendra de la capacité et de la volonté des Américains à réaffirmer leur identité occidentale fondée sur l’héritage européen. La persistance du crime, de la drogue et de la violence, le déclin de la famille, le déclin du capital social, la faiblesse générale de l’éthique et la désaffection pour le savoir et l’activité intellectuelle, notamment aux États-Unis, sont autant de signes indiquant le déclin moral de l’Occident.
Conclusion
Le livre de Huntington théorise les relations internationales de façon pragmatique :
Pour enrayer le déclin de l’Occident, l’Europe et l’Amérique du Nord devraient envisager une intégration politique et économique, de même qu’aligner les pays d’Amérique latine sur l’Occident, empêcher le Japon de s’écarter de l’Ouest, freiner la puissance militaire de l’Islam et de la Chine en maintenant la supériorité technologique et militaire de l’Occident sur les autres civilisations.
Dans un monde multi-civilisationnel, la prévention de la guerre repose sur deux principes :
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L’abstention : les États phares devront s’abstenir « d’intervenir dans les conflits survenant dans des civilisations autres que la leur »;
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La médiation : les États phares devront s’entendre pour « contenir ou stopper des conflits frontaliers entre des États ou des groupes, relevant de leur propre sphère de civilisation ». L’Occident devra également renoncer à l’universalité de sa culture, croyance par ailleurs fausse, immorale et dangereuse, accepter la diversité et rechercher les points communs avec les autres civilisations.
« Dans les temps à venir, les chocs entre civilisations représentent la principale menace pour la Paix dans le monde, mais ils sont aussi, au sein d’un ordre international désormais fondé sur les civilisations, le garde fou le plus sûr contre une guerre mondiale ».
Beaucoup d’intellectuels et de politiciens se sont défendus de voir dans les attentats contre le World Trade Center et dans la réplique américaine en Afghanistan puis en Irak, le début d’un choc larvé entre l’Occident et l’Islam, par crainte d’accréditer les thèses de Huntington.
Quoi qu’il en soit, qu’on les endosse ou qu’on les écarte, elles valent la peine d’être discutées, dans la mesure où elles sont bien connues.
Commentary
L’auteur :
Stratège, géopoliticien, Professeur à l’Université Harvard, Samuel P. Huntington a navigué dans les hautes sphères gouvernementales sous l’administration Carter aux USA (expert auprès du conseil national américain de sécurité). (cf Annexe 1)
Le contexte :
Son livre « Le Choc des Civilisations », paru en 1996, développe une thèse qu’il avait déjà exprimée en 1993 dans un article paru dans la revue Foreign Affairs, qu’il dirige à l’époque.
Cette thèse a été l’objet de nombreuses critiques puis elle est devenue une référence depuis le 11 septembre 2001.
En substance, Huntington soutient que depuis la fin de la guerre froide (fin 91), il n’y a pas de coïncidence entre État et civilisation ; ce sont les identités et la culture qui engendrent les conflits et les alliances entre les États, et non les idéologies politiques ou l’opposition Nord-Sud.
Le monde a ainsi tendance à se diviser en civilisations qui englobent plusieurs États : « Les conflits entre groupes issus de différentes civilisations sont en passe de devenir la donnée de base de la politique globale. »
Sa démarche intellectuelle :
L’ambition d’Huntington est de proposer une réflexion exhaustive sur un modèle de politique global qui puisse aider chercheurs et hommes politiques à crypter et décrypter l’ambiant culturel, les dynamiques identitaires, les mutations stratégiques et les sources conflictuelles dans le monde.
Son but : construire une grille de lecture des évolutions internationales, adoptant ainsi une démarche plus pragmatique que théoricienne. En témoignent les nombreux cas de conflits ou de coalition qu’il analyse factuellement et avec précision.