Larbi Bouguerra, Paris, septembre 2007
As-saqaâ, le marchand d’eau traditionnel en Egypte est de retour dans de nouveaux atours.
Les coupures d’eau durant plusieurs semaines dans les villages égyptiens ont vu le retour du marchand d’eau d’antan, sous une nouvelle forme - qui n’en pas moins dangereuse - et à des prix qui font mal à une population nécessiteuse.
Réf. : Mohamed Talaât, « As-saqaâ est de retour avec de nouveaux habits », Al Goumhouria, quotidien arabophone du Caire, 23 juillet 2007, p. 12.
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Les coupures d’eau, qui peuvent durer plusieurs semaines d’affilée, ont permis au marchand d’eau traditionnel d’antan, es-saqaâ, de revenir, arborant cette fois, il est vrai, de nouveaux atours. Il revêt un aspect plus « évolué » mais il n’en demeure pas moins dangereux et profite de la situation. On assiste, en effet, à l’apparition de stations qui s’adonnent à la purification de l’eau par des moyens rudimentaires, sans le moindre contrôle et sans norme aucune. L’eau est aussi vendue à des prix trop élevés. Une famille doit en moyenne y consacrer 150 livres par mois et un jerrican coûte 5 livres alors qu’il y a deux ans, il n’en faisait que 3 sachant que l’achat du jerrican vide revient à 10 livres.
Bien des questions se posent concernant la qualité et la potabilité de cette eau. Elle est commercialisée dans des endroits plutôt éloignés du pays et elle vient le plus souvent de puits artésiens.
Les autorités en charge de l’approvisionnement sont heureuses car les gens résolvent tout seuls leur problème d’eau et les déchargent de leur responsabilité. Elles affirment que leur rôle consiste maintenant à signaler aux services compétents ces stations de purification de l’eau car la compatibilité de ces eaux aux normes relève du Ministère de la santé. Une ménagère, amère, reproche au pouvoir de ne pas tenir compte de la santé des Egyptiens et assure qu’elle n’a pas la moindre information sur la provenance de ces eaux et se demande si elle doit recourir aux eaux minérales pour la lessive et la cuisine. Un professeur remarque que les filtres sur les robinets doivent être changés toutes les deux semaines au lieu de six mois en temps normal étant donné la mauvaise qualité de l’eau de robinet… quand elle vient à couler et ajoute-t-il, même quand elle coule, son odeur nauséabonde en condamne l’utilisation.
Certains pensent que ces eaux filtrées ou distillées sont purement et simplement de l’eau de robinet et qu’il y a là une manière de dépouiller les pauvres, incapables d’acheter de l’eau minérale.
Le Dr Anouar Dib, spécialiste des questions de pollution au Centre National de la recherche, est d’avis qu’il mieux recourir aux filtres que d’acheter ces eaux car ces derniers éliminent les microorganismes. Cet expert demande au Ministère de la santé de surveiller les eaux proposées actuellement comme filtrées ou distillées. Il remarque en outre que l’eau sortant des stations de traitement est potable à 90 % et, qu’au cours de son trajet vers le consommateur, elle peut être exposée à divers polluants.
Quant aux services techniques de la société de distribution de l’eau, ils disent ne pouvoir rien faire contre ces stations privées et qu’ils se contentent de les signaler au Ministère de la santé. Ils se disent convaincus que ces eaux tirées de puits peu profonds (10 mètres) sont certainement polluées car, généralement, les puits non contaminés se trouvent à au moins 60 mètres de profondeur. C’est alors au Ministère de l’Irrigation d’intervenir car cette exhaure sauvage porte atteinte au sol et aux cultures.
Commentaire
Il est navrant de constater que le pays qui profite le plus des eaux du Nil, premier fleuve du Moyen–Orient, en arrive à ces extrémités et soit incapable d’assurer l’eau potable à ses citoyens .
Sur le plan sanitaire, les eaux infligent pourtant déjà un lourd tribut à l’Egypte où sévit la bilharziose, une terrible parasitose hydrique qui détruit l’arbre urinaire et qui se contracte lorsqu’on travaille pieds nus dans l’eau des rizières ou que l’on se baigne dans l’eau du canal d’irrigation. La maladie n’a pas encore de vaccin.
L’Egypte est bien connue pour sa lourde bureaucratie : on voit ici où cette pléthorique administration mène quand elle n’est pas en mesure de coordonner ses efforts.
Une importante leçon peut être tirée de cet article : rien de valable ne saurait se réaliser si les populations ne sont pas associées et si elles ne peuvent se faire entendre.
De même, l’éducation a un rôle majeur à jouer à cet égard.
Cette question de l’eau est capitale à plus d’un titre pour l’avenir et à la paix du pays : lors des dernières élections législatives, dans la deuxième ville du pays, Alexandrie, les extrémistes ont axé leur programme précisément sur la douloureuse question de l’eau qui frappe au plus profond de leur être les populations.