Ficha de documento Dossier : Le Nil : conflictualités et initiatives de paix

, Paris, septiembre 2007

Où est passée l’eau potable ?

L’Egypte passe par une sérieuse crise de l’eau et le gouvernement a décidé d’allouer 660 millions de livres pour faire face à « la révolution de la soif » dans 12 gouvernorats (préfectures) du pays.

Keywords: Explotación responsable y durable del agua | La responsabilidad de las autoridades políticas con respecto a la paz | La infraestrúctura al servicio de la paz | Buena gobernanza y paz | Ríos y paz | Egipto

Ref.: Nesrine Sadek et Thouraya Abdelrassoul, « Où est passée l’eau potable ? », El Goumhouria, quotidien arabophone du Caire, 22 juillet 2007, p. 12.

Idiomas: francés

Un pénible et long voyage tel a été le résultat des coupures d’eau qu’ont vécu les villes et les villages égyptiens depuis le début de cet été 2007. Ces souffrances n’ont guère été soulagées par les déclarations des responsables qui n’ont trouvé aucun mot adéquat pour étancher « la soif » de comprendre de leurs concitoyens. Et la question demeure posée : où est donc passée l’eau potable ?

L’absence d’une réponse satisfaisante à cette lancinante question a fait que la rue égyptienne bouillonne de rumeurs et de suspicions. Une majorité écrasante de gens affirme que l’eau est allée aux fleurs et aux palais des riches, d’autres disent que l’eau a été vendue à un pays voisin et un dernier groupe affirme qu’il s’agit d’une conspiration avec les sociétés de production d’eau minérale qui font de gros et gras bénéfices sur le dos des Egyptiens. Ces rumeurs se sont propagées d’autant plus vite que les promesses proférées solennellement par les responsables, l’an dernier, n’ont eu aucune traduction sur le terrain. N’avaient-ils pas affirmé que la pression augmenterait dans les villes nouvelles, à Héliopolis et dans la proche banlieue du Caire et que les canalisations charrieraient 420 000 m3? Helwan, El Giza, la zone des Pyramides ne souffrent-elles pas toujours de coupures à répétition même en hiver en dépit de la réalisation partielle de certains travaux ?

Pour un Cairote qui loge dans un appartement au second étage et qui s’est doté d’une pompe, la situation est due au lavage des rues à l’eau, au fait que le réseau est en piètre état et que l’Etat a réalisé de gros projets consommateurs de grandes quantités d’eau comme la production de fer et d’acier. Pour d’autres, il faut tenir compte de la démographie et du fait que les gens n’ont pas de compteur d’eau individuel et paient l’eau une fois par an, sur une facture collective. Les piscines, les constructions anarchiques, l’arrosage des plates bandes… sont aussi responsables de cet état de chose affirment certains Egyptiens qui croient que les autorités détournent « l’eau des pauvres » vers les nouveaux appartements en construction et déjà payés ; le résultat est que quartiers huppés et quartiers pauvres se retrouvent dans la même situation et souffrent du manque d’eau car l’Etat investit dans ces appartements. D’autres Egyptiens affirment que si l’eau est coupée depuis un an de 2h du matin à 8h, c’est parce que l’Etat vend l’eau du Nil à un pays voisin allant même jusqu’à dire que les responsables des sociétés d’adduction d’eau volent l’eau potable pour la mettre à la disposition des riches, des propriétaires de palais et des villas qui se trouvent derrière le Club de Tir au Caire précisent-ils.

Ce ne sont là que des rumeurs et des affirmations sans fondement répond pour sa part le Dr Abdelkawi Khalifa, président du Conseil d’administration de la société de distribution d’eau et de l’assainissement. L’Egypte, ajoute –t –il, bénéficie de 55 milliards de m3 d’eau du Nil dont 80 % vont à l’agriculture, 10 % pour l’eau potable et 10 % pour l’industrie ; pour le Dr Khalifa, il n’y a aucun problème de pénurie et les besoins sont couverts. Il continue en annonçant que dans les trois prochaines années, l’eau potable atteindra tous les villages d’Egypte et que 7 milliards de livres par an y seront consacrées ainsi que pour la réfection et le renouvellement des équipements. Il blâme par ailleurs les mauvais comportements individuels des consommateurs ainsi que le vol de l’eau dans les canalisations et signale que les travaux pour améliorer la pression prennent du temps car il faut coordonner avec les divers services (circulation, municipalités..) sachant que 70 % des canalisations du Caire sont en mauvais état. Pour le général de division Saïd Nasr, directeur des services techniques, l’augmentation de la pression et le renouvellement du réseau sont des opérations difficiles car il s’agit de traiter 20 000 km de canalisations et qu’au Caire, certaines de ces conduites ont 70 ans d’âge. Les travaux vont bientôt commencer en utilisant les techniques les plus modernes. Ils débuteront dans les quartiers du Caire qui ont été les plus touchés par les ruptures intempestives, dévastatrices et répétées de canalisation.

Commentario

Les accusations proférées par les Egyptiens sont à la mesure de leurs souffrances et de leurs frustrations. Le Caire et l’Egypte en général subissent de fortes températures notamment en été d’où l’exaspération des gens quand le précieux liquide vient à manquer. Ces accusations témoignent aussi d’une méfiance manifeste vis-à-vis des responsables. L’eau révèle ainsi une crise de confiance profonde et latente et dévoile bien des non-dits.

Elle a souvent joué ce rôle dans l’histoire des hommes.

Le gouvernement égyptien ne cesse d’afficher son grand intérêt pour l’eau du Nil et pour la voie d’eau et on rapporte que l’ancien président Anouar Sadate affirmait que, pour cette même eau du Nil, son pays ferait la guerre. Or, la population n’a pas assez d’eau potable à sa disposition.

On voit ainsi que les problèmes de gouvernance, de gestion et d’infrastructures sont fondamentaux et qu’il ne suffit pas d’avoir droit à tel ou tel volume d’eau du Nil, après d’âpres négociations pour que les Egyptiens voient leur besoins en eau couverts.

De tels dysfonctionnements – graves et perturbateurs de la paix sociale dans le pays - sont de nature aussi à autoriser les autres Etats riverains à regarder d’un œil suspicieux – voire goguenard - les prétentions du Caire sur les eaux du fleuve.