Larbi Bouguerra, La Corniche Bizerte, août 2007
L’Organisation égyptienne des Droits de l’Homme réclame une stratégie nationale de l’eau.
Face aux manifestations pour l’eau qu’observe le pays, l’Organisation égyptienne des Droits de l’Homme réclame de l’eau potable répondant aux normes internationales ainsi qu’une stratégie nationale pour l’approvisionnement en eau potable. Le problème de la gouvernance de l’eau en Egypte est ainsi posé par la société civile qui y voit probablement une menace pour la paix et la concorde.
Réf. : 1- Moetaz Al Hadidi, « Les Droits de l’Homme demande une stratégie nationale de l’eau », Al Goumhouria, quotidien cairote de langue arabe, 17 août 2007, p. 8 ;, 2- « Egypt : Mass demonstrations held to protest water shortages », Water 21 Global Digest du 21 août 2007.
L’Organisation égyptienne des Droits de l’Homme (OEDH) réclame une stratégie nationale pour la préservation de l’eau potable comme elle demande la création de nouvelles usines de traitement ainsi que la maintenance et la rénovation des stations d’épuration et de traitement de l’eau potable existantes et leur mise au niveau des exigences internationales en la matière. L’OEDH demande en outre que les pouvoirs publics trouvent d’autres sources d’approvisionnement que l’eau du Nil et qu’ils mettent en œuvre des moyens pour recueillir les eaux de pluie et de ruissellement. Elle a publié un rapport ayant pour titre « Le droit à une eau propre » dans lequel elle exige que soit connue l’origine de l’eau. Elle demande que l’on tienne compte de la croissance démographique et que l’on interdise le rejet des résidus industriels dans le Nil sans ou avec très peu de traitement.
L’ODEH demande une révision des législations, des stratégies et des politiques dans le domaine de l’eau et affirme la nécessité d’une coopération entre les milieux de la recherche et les universités d’une part et le secteur industriel d’autre part afin de former les cadres capables de produire les équipements nécessaires à la production de l’eau potable (1).
Commentaire
Pour comprendre cette prise de position de l’OEDH, il faut en effet savoir que de puissantes manifestations ont lieu au Caire suite à la pénurie d’eau et aux coupures qui peuvent atteindre la durée d’un mois (2) et que les nouveaux appartements construits à la périphérie du Caire n’auraient pas l’eau courante d’après le correspondant du journal Libération. Les manifestants évoquent la corruption qui, selon eux, affecterait les services responsables et qui fait que les projets de développement en cours sont favorisés par rapport aux zones rurales ou déshéritées. Pour corriger cette situation, on annonce que le gouvernement a alloué une somme de 200 millions de dollars.
La question de l’eau potable est éminemment politique et menace la paix et la stabilité du pays. C’est ainsi que lors des dernières élections législatives, les extrémistes auraient rencontré un franc succès dans la deuxième ville du pays, Alexandrie, en promettant de résoudre définitivement le problème de l’eau potable de cette ville de plus de deux millions d’habitants et de sa grande banlieue.
La galopante croissance démographique égyptienne, l’attrait croissant qu’exerce les villes sur une population en quête d’emploi, le manque d’entretien du réseau de distribution de l’eau, la vétusté et la gabégie qui l’affectent (comme l’ont constaté les techniciens français ayant participé à la construction du métro de la capitale), les déficiences du réseau d’eau usée (quand il existe)… tous ces éléments se conjuguent pour faire de la question de l’eau en Egypte une question explosive. C’est dans ce cadre qu’il faut inscrire la prise de position de l’OEDH - qui souligne du reste l’importance de cette problématique dans un pays qui a la part du lion des eaux du Nil.
L’OEDH attire de fait l’attention sur les graves questions de gouvernance dans le domaine de l’eau en Egypte.
L’OEDH demande – curieusement – de trouver d’autres sources d’approvisionnement que le Nil. Dans la culture et l’inconscient des Egyptiens, le Nil est source de vie et objet de vénération. La demande de l’OEDH signifie-t-elle que la pollution a atteint dans le fleuve l’insupportable ou est-ce l’application du principe de précaution quant au quota des eaux du Nil du pays, quota qui ne saurait rester indéfiniment au haut niveau actuel si les autres pays du bassin nilotique se développent ?
La recommandation concernant les eaux de pluie est louable mais ne peut s’appliquer que dans quelques régions du pays car au Caire, par exemple, il pleut rarement.
On notera enfin que l’OEDH ne recommande pas le dessalement de l’eau de mer. Pour son coût écologique et énergétique ou pour faire pièce à l’aide américaine considérée comme menaçant l’indépendance du pays?