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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, La Corniche Bizerte, juillet 2007

Le Nil avant le réseau de distribution

Rien ne sert de protester ou de manifester contre la pénurie d’eau potable en Egypte si les agressions contre le Nil ne cessent pas.

Mots clefs : | | | | |

Réf. : Issam Adel, « Le Nil avant le réseau de distribution », quotidien cairote de langue arabe Al Goumhouria, n° 19558 du 16 juillet 2007, p.9

Type de document : 

Des centaines de personnes ont manifesté dans les rues, des milliers d’autres ont fait des occupations symboliques et des villages entiers ont fait grève pour protester contre les coupures d’eau potable. Les médias et les télévisions par satellites se sont emparés de ces évènements et ont rempli l’espace laissé libre des années durant par le gouvernement égyptien et qui concerne pourtant la sécurité du pays.

Ceux qui ont manifesté ou occupé des lieux symboliques comme ceux qui ont fait grève ont parfaitement raison. Mais il leur a échappé qu’il y a eu pollution volontaire et que celle-ci est due à fois à la population et au gouvernement. Il s’agit de la pollution du Nil. Le Président Moubarak a averti qu’il ne fallait pas faire preuve de laisser aller face aux crimes commis à l’encontre du fleuve.

Les chiffres montrent que 330 usines y déversent des polluants industriels soit plus de 4,5 millions de m3 d’eaux usées industrielles. De plus, un volume des déchets solides se montant à 14 millions de m3 y est jeté annuellement. Il ne faut pas non plus oublier que 1500 villages y déversent, sans le moindre traitement, leurs eaux usées. Ces chiffres alarmants prouvent que la tentative d’assassinat de ce que nous avons de plus cher n’est pas le fait du gouvernement seul mais que nous y participons tous du fait de notre très grand laisser aller. Il en résulte 100 000 cas de cancer par an auxquels il faut ajouter 75 000 cas d’atteintes rénales et hépatiques.

Il ne fait aucun doute que ceux qui s’imaginent que les traitements de l’eau peuvent avoir raison de ces toxiques se leurrent car la pollution passe aux animaux et aux plantes et au final aboutit chez les humains, via les aliments. Une étude du Centre National de la recherche scientifique portant sur l’eau potable a montré que les pompes que les gens utilisent pour faire monter l’eau dans les étages hébergent de nombreux parasites qui s’agglutinent aux parois des canalisations et que le chlore, sous l’action de la pression atmosphérique, réagit sur le plomb ou le polymère (plastique) des celles-ci d’où un réel danger pour la santé, danger que certains ne soupçonnent même pas.

Cette situation, pénible pour tous, demande une réaction de la part de tout un chacun car sauver le Nil est bien moins coûteux que de traiter les victimes du fleuve d’autant que la guerre que nous déclarons au Nil aboutit, au final, à léser les générations futures alors que le laisser aller a déjà porté atteinte aux générations présentes.

Si la source principale qui alimente les stations de traitement est en si mauvais état, il en résulte que ces stations n’ont pas grand-chose à se faire reprocher et que leur réparation ne suffit pas à éliminer le danger provenant des animaux ou des plantes. Bien entendu, c’est une catastrophe de grande ampleur quand l’eau ne parvient pas aux villages et les manifestants ont raison d’exprimer leur courroux car si les villageois vont s’alimenter à des points d’eau alors épidémies et maladies vont être leur lot quotidien.

La question de l’eau est une question de sécurité nationale qui exige une intervention rapide des pouvoirs publics. Il faut d’une part moderniser les stations de traitement et les réseaux de distribution d’eau potable et d’autre part sauver les plantes et les animaux en édictant des lois vigoureuses et sévères placées sous le mot d’ordre suivant : le Nil avant le réseau de distribution.

Souvenons-nous : dans l’Egypte pharaonique, quiconque était pris en train de baigner ses animaux dans le Nil était sévèrement châtié !

Traduction : Larbi Bouguerra

Commentaire

L’auteur veut, en somme, couper court à la pollution du Nil en attirant l’attention sur des questions de simple logique. Il insiste sur la question de sécurité nationale comme le font tous les Egyptiens quand ils évoquent le fleuve et ses eaux.

Les manifestations et autres accès de colère mettent en jeu la cohésion nationale et la paix sociale.

Mais il va de soi que l’on ne peut mettre sur le même pied les responsabilités du gouvernement et celles du simple citoyen.

Faire cesser la pollution industrielle est du ressort du pouvoir.

Il faut aussi faire une vaste campagne d’éducation et de responsabilisation pour protéger le fleuve. Cependant, le dénuement et la pauvreté empêchent les gens, notamment à la campagne, de penser à autre chose que la survie. Les équipements de base faisant défaut, il est injuste de dire que la responsabilité est également partagée entre les autorités et le citoyen.

S’agissant des animaux et de l’Egypte ancienne, tout touriste qui se rend à Saqqarah pour visiter la pyramide à degrés ne manque pas de relever, qu’à un jet de pierre du Caire et de ses night clubs, les buffles encombrent les canaux où pourtant des ménagères font leur vaisselle !