Larbi Bouguerra, Paris, juillet 2007
Les Soudanais pleurent la perte de leur maisons ravagées par les inondations
La saison des pluies est une caractéristique classique de la météorologie et du climat soudanais, mais les problèmes de gouvernance, plus ceux de la guerre civile, en ont fait, cette année, un immense désastre à Sennar notamment, dans le sud–est du pays, sur les berges du Nil Bleu. Mauvaise gouvernance, guerre civile et insurrections ont fait le lit de cette énorme catastrophe.
Mots clefs : La pluie et la paix | La responsabilité des autorités politiques à l'égard de la paix | Préserver l’environnement pour éviter le conflit | Soudan
Réf. : Dépêche de l’agence Reuters reproduite par le New York Times du 09 juillet 2007 sous le titre : « Sudanese lament loss of homes as flood waters rise »
Type de document : Article
Assad Ali Fadla dînait avec les siens quand soudain, une trombe d’eau balaya sa maison, à Sennar, sur la berge du Nil Bleu. Il eut le temps de déguerpir, avec sa famille, avant que le plafond ne s’effondre et que ne submerge entièrement la demeure. L’agence officielle SUNA a annoncé que les fortes pluies et les inondations ont détruit 4 000 habitations à travers le pays.
Celles-ci ont provoqué d’énormes dégâts et ont laissé dans leur sillage d’innombrables flaques d’eau, gîtes de reproduction des moustiques anophèle, vecteurs du paludisme (malaria). Le plus frustrant dans cet état de chose est qu’il était totalement prévisible et pouvait être parfaitement évité.
Pour bien des critiques, le manque de préparation à la saison des pluies, de la part des gouvernements tant au niveau local qu’au niveau central, a fait le lit de la catastrophe d’autant que les digues et les canaux n’ont pas été entretenues. De plus, les fossés n’ont pas été curés et se sont trouvés remplis, à ras bord, de déchets, de gravats et de boue.
Les habitants de Sennar racontent que la route principale a été construite trop haut et a empêché l’eau de pluie de s’écouler dans le Nil Bleu, son trop plein naturel. Cette eau a alors inondé les zones habitées de la ville, faisant des milliers de sans-abris que le Croissant Rouge soudanais essaie de réconforter et de secourir. Tâche d’autant plus difficile que la ville de Rabak, à cent km de Sennar a subi le même sort ainsi que Kassala, le nord Kordofan et la province d’El Jazira.
Les inondations et les rivières ont grossi de façon démesurée, jamais vue de mémoire d’homme. Les plaines ont été inondés car rien n’a été fait pour prévenir et éviter que l’eau ne les submerge.
Il est vrai que la région sort à peine d’une décennie de guerre civile et d’insurrections. Les hostilités n’ont cessé que l’an dernier quand les rebelles du Front de l’Est ont signé un accord de paix avec le pouvoir central, à Khartoum. La guerre a notamment empêché l’entretien des digues et le curage des fossés.
Commentaire
Comme toujours, tel Janus aux deux faces, pour les hommes, l’eau peut être une bénédiction ou une bien catastrophe. La plupart du temps, c’est l’homme qui est à l’origine des maux que l’eau inflige aux populations. C’est le cas au Soudan et c’est encore plus révoltant dans ce pays que traverse le Nil Bleu, le bras le puissant de ce fleuve de légende. Les Anciens Soudanais, comme les Egyptiens, avaient une longue tradition de cohabitation avec le Nil et avec la saison des pluies.
Hélas, la guerre et la mauvaise gouvernance se sont conjuguées, cette année 2007, pour créer les conditions d’une catastrophe aux dimensions énormes qui a apporté la destruction dans ses bagages. L’entretien des digues, la mauvaise conception des routes et l’encombrement des fossés ont provoqué, en grande partie, la montée des eaux qui ont envahi les villes, les villages et les hameaux emportant le cheptel et les réserves de graines des traditionnelles « matmoura » (greniers) soudanaises ; ce qui laisse augurer des famines pour les prochains mois et des réfugiés environnementaux.
Pire encore !
Du fait de la mauvaise gouvernance, il faudra s’attendre à une autre terrible et douloureuse retombée de ces inondations : une épidémie de paludisme se déclarera, hélas ! bientôt car, dans les flaques, on voit déjà pulluler les larves d’anophèle, vecteur de la maladie qui emportera, massivement, en premier lieu, les enfants et les femmes enceintes.
On regrettera enfin que les autorités ne fassent pas grand chose pour stocker cette eau qui fera cruellement défaut à la saison sèche.