Larbi Bouguerra, Paris, juin 2007
Les batailles de l’eau
Yves Lacoste, géographe bien connu, affirme que l’eau va devenir, dans un quart de siècle, le problème majeur de la planète.
Réf. : L. Marchand, Interview d’Yves Lacoste (fragments), La Vie, n° 3031, octobre 2003.
Type de document :
Yves Lacoste, éminent géographe, directeur de la revue Hérodote, était l’un des principaux invités du 14ème festival International de Géographie qui s’est tenu à Saint – Dié dans les Vosges. Il y a affirmé que l’eau allait devenir un des problèmes majeurs de la planète dans les 25 prochaines années. Pour cet illustre professeur d’Université, l’eau est déjà devenue un enjeu géopolitique entre les Etats, les régions et les villes. Objet de convoitise car source de développement, l’eau est également source de tensions dans de nombreuses régions du globe. La rivalité pour la maîtrise de l’eau, ressource indispensable, est récente. Il y a trente ans encore, transporter l’eau dans des canalisations sur des milliers de kilomètres était impensable. C’est désormais possible aujourd’hui. On peut ainsi la capter, la détourner, l’acheminer là où elle est nécessaire si l’on possède les techniques et l’argent pour le faire. En outre, l’augmentation de la population mondiale, la concentration urbaine galopante et le réchauffement de la planète vont sans aucun doute exacerber les tensions autour de ce bien précieux et hélas renforcer les inégalités économiques.
Commentaire
L’ensemble de ce qu’affirme l’éminent spécialiste est confirmé par les plus récents travaux de l’ONU, de l’UNESCO… Il existe, en effet, de par le monde plus de 200 bassins versants qui traversent les frontières politiques faites de la main de l’homme et dont la nature se moque éperdument : Rhin, Rhône, Meuse, Indus, Nil, Mékong, Rio Grande, Colorado, Euphrate, Tigre, Jourdain, Medjerda,… ces fleuves et bien d’autres se trouvent sur tous les continents et peuvent donner lieu – ou ont donné lieu à des conflits poignants. Les difficultés n’ont fait que grandir quand la compétition économique s’est emparée de cette ressource vitale. Les pays pauvres sont lieu de tensions – souvent non pas parce qu’ils manquent d’eau, comme le prouve l’exemple de l’Ethiopie, là où naît le majestueux Nil Bleu - mais par manque de moyens. L’eau ne doit pas être du ressort exclusif de ceux qui connaissent le prix de toute chose mais ignore la valeur des choses, pour reprendre la pensée de Byron. Le facteur démographique est souvent exagéré car il est clair qu’un petit Anglais ou un petit Américain ou un petit Israélien consomment bien plus d’eau qu’un petit Bangladeshi ou un petit Malien ou un Petit Palestinien enfermé dans le territoire prison de Gaza par exemple. Pour ne rien dire de la qualité de l’eau dans les deux cas ! Et là gît, à notre avis, le danger de conflits car un monde aussi inégal est un monde dangereux. Il est vrai que les grandes mégapoles consomment de l’eau en grande quantité pour éliminer excrétas et pollutions inhérentes aux grandes concentrations humaines mais, là encore, il y a l’ignoble fossé des inégalités : comparez New York, Tokyo, Le Caire et Lagos. La différence est criante : au Sud, manquent les moyens et les gens souffrent alors les accès de violence ne sont pas loin. D’abord circonscrits… mais la sécheresse - et des politiciens que les problème trop communs de l’eau n’inspirent pas - pousse déjà les jeunes Marocains sur les rivages européens.
Solidarité et bonne gouvernance sont les maîtres–mots, à notre humble avis, pour écarter le spectre des affrontements futurs allumés par la soif et la faim. Car pour produire un kg de blé, il faut plus de mille litres d’eau ! Et cette eau commence à être rare…quand elle ne va pas aux golfs des grands hôtels comme cela se voit en Thaïlande et au Maghreb… ou qu’elle n’est pas atrocement polluée –pour sacrifier au Veau d’Or de la sacro – sainte Croissance - comme le montre à l’envi le cas de la Chine.