Fiche de document Dossier : Le Nil : conflictualités et initiatives de paix

, Paris, mai 2007

Le climat est-il la clef de l’énigme du Sphinx ?

Pour des scientifiques écossais, les anciens Egyptiens ont été les premières victimes d’un changement climatique. Les preuves proviennent du lac Tana, situé en Ethiopie et qui alimente le Nil Bleu.

Mots clefs : Universitaires | Expert | Egypte | Le Nil

Réf. : Jeremy Watson, « Climate key to Sphinx’s riddle », The Scotsman, Dimanche 07 janvier 2007 ou http://news.scotsman.com/scitech.cfm ?id=33182007.

Le réchauffement global est une des menaces les plus graves qui pèsent sur la civilisation contemporaine. Une équipe de chercheurs écossais suggère que les anciens Egyptiens ont succombé au changement climatique.

Les Pharaons ont gouverné leur empire des siècles durant et ont favorisé la culture, l’architecture et les arts avant de s’effondrer économiquement. Pourquoi cette chute s’est- elle produite ? C’est un des plus grands mystères de l’Histoire humaine.

Une équipe de chercheurs écossais et gallois croit que la réponse se trouve sous les eaux du lac Tana, sur les Hauts Plateaux éthiopiens, là où le Nil Bleu prend sa source.

Des échantillons des sédiments pris au cours des deux dernières années révèlent que le lac a été presque asséché, au cours de la période critique qui a eu lieu lors des 4200 dernières années, du fait du changement de climat. Le lac Tana fournit l’eau qui permet à la vallée du Nil inférieur d’être aussi fertile.

D’après la théorie de cette équipe, le flux d’eau qui a permis à l’économie fondée sur l’agriculture de l’Egypte ancienne de prospérer a du se réduire à un mince filet, ce qui a provoqué une famine dévastatrice qui a duré deux siècles.

Cette situation a conduit à la chute de l’Ancien Empire et n’a laissé subsister que les Pyramides et le Sphinx de Gizah comme témoignages de cette époque.

Les recherches sont conduites par une équipe de géologues de l’Université St Andrews et de l’Université de Galles à Aberystwyth.

Le Dr Mike Marshall, de l’Institut de Géographie et des sciences de la Terre à Aberystwyth affirme que, quand le projet a démarré en 2003, la sécheresse n’était qu’une hypothèse théorique mais les pièces du puzzle sont en train d’apparaître. « Nous avons trouvé des preuves de cette sécheresse à divers niveaux, dans les sédiments du lac. La corrélation remonte à 4200 années. A cette époque, le niveau du lac Tana devait être très bas. Il n’a pas été totalement asséché mais sa surface s’est fortement réduite. Des parties de ses bords ont été découvertes et pendant de longues périodes, le flux d’eau a été anormal et ceci a eu une répercussion importante sur le courant d’eau du Nil en aval », résume ce spécialiste.

L’Ancien Empire a fleuri entre 2575 et 2150 avant J.C. Il a légué à l’Humanité certains de ses plus beaux monuments de pierre. Les historiens ne sont pas d’accord sur les raisons de son effondrement.

On a avancé des conflits politiques internes, des invasions en provenance d’Asie et, plus vraisemblablement, les conséquences de baisses répétées et dommageables du niveau du Nil pendant des décennies. Bien que des archives écrites, datant de ces années de famine, nous soient parvenues , la preuve d’arrêts des inondations annuelles du Nil a été difficile à trouver.

Le lac Tana alimente le Nil Bleu qui rencontre à Khartoum, au Soudan, le Nil Blanc. Le Nil Bleu contribue à hauteur des 2/3 des eaux du Nil proprement dit. Le fleuve finit sa course en Méditerranée après avoir traversé et irrigué l’Egypte. Les moussons annuelles sur les Hauts Plateaux de l’Ethiopie conduisent à l’inondation annuelle du fleuve, inondation d’importance capitale pour les civilisations anciennes de toute la vallée du Nil.

Etant donné sa taille, le lac est vulnérable au changement climatique car il est seulement long de 78 km et large de 60 km. Sa profondeur est de l’ordre de 15 mètres.

Les chercheurs ont procédé à des carottages des sédiments du fond du lac. Ces sédiments couvrent 18 000 ans. Ils ont la preuve ainsi, que le lac a été asséché du fait probablement d’un changement climatique radical sur la terre.

Les sondages sismiques montrent que les sédiments sont bien plus profonds que prévu.

On sait que le lac s’est asséché il y a 18 000 ans, ce qui correspond à la fin de l’ère glaciaire.

Le Dr Richard Bates, géographe écossais, conclut : « La possibilité d’établir une étude aussi longue et aussi détaillée du changement climatique au cœur de l’Afrique a des implications importantes, non seulement pour essayer de comprendre le présent et le futur du changement climatique mais aussi, comme nous fouillons dans le passé, il y aura des implications importantes pour l’étude du développement humain… ».

Commentaire

Le grand historien grec Hérodote affirmait : « L’Egypte est un don du Nil ». On en a maintenant la preuve scientifique : quand le Nil cesse de couler, l’Egypte et sa civilisation disparaissent comme a disparu jadis l’Ancien Empire. Pour les hommes d’aujourd’hui, il y a là une forte une leçon : il faut s’attacher à la lutte contre le changement climatique car ce qui s’est produit il y a quelques milliers d’années peut parfaitement se reproduire tant il est vrai que les mêmes causes produisent les mêmes effets. La vie de centaines de millions d’êtres humains est en jeu aujourd’hui. Dans le cas du Nil qui traverse une dizaine de pays, il est clair qu’il faut l’entente et la paix sur ses bords pour assurer la nécessaire gestion durable et pérenne de ses eaux, gestion qui assurera la prospérité des riverains et celle des générations futures. Les choses pourraient être plus faciles pour les hommes d’aujourd’hui comparativement à ceux du passé : le changement climatique est fait de la main de l’homme. On peut donc lui trouver des remèdes si on met de côté les égoïsmes et l’appât du gain. On notera cependant que, si le réchauffement climatique est provoqué par le gaz carbonique, ce ne sont pas les populations vivant sur les bords du Nil qui en émettent le plus et on relèvera que le Nil, en fournissant l’énergie électrique, est en mesure de réduire ces émissions de gaz carbonique. Pour cela, il est impératif que ses riverains s’entendent et vivent dans la concorde et la paix.