Larbi Bouguerra, Paris, April 2007
Israéliens et Palestiniens, alliés pour l’eau
Une station d’épuration des eaux usées a été créée en commun, entre Palestiniens et Israéliens, grâce à l’aide allemande, pour préserver la rivière Alexander et arrêter la propagation des vecteurs de pathogènes.
Ref.: -1. Jean-Luc Allouche, Libération, 11 avril 2005, -2. Fred Pearce, « When the rivers run dry », Beacon Press, Boston, 2006.
Sous l’horrible barrière de béton de huit mètres de haut voulue par Ariel Sharon pour séparer les territoires palestiniens occupés du reste de la Palestine, passe la conduite des eaux usées de la ville de Tulkarem, en Cisjordanie. Naguère, ces eaux se déversaient dans la rivière Alexander et la polluaient au risque de détruire un écosystème fragile et de propager maladies, moustiques et odeurs pestilentielles.
Aujourd’hui, ces eaux sont traitées et épurées, grâce à une volonté et à un projet israélo - palestinien. Ce qui est rarissime au cours de l’Intifada du peuple palestinien qui cherche à se libérer du joug de l’Occupation.
Pour Nahoum Itzkovitz, président du conseil général d’Emek Hefer, la région d’Israël où aboutissent les égouts de Tulkarem : « Nous possédons les mêmes puits de vie… Quand vous avez un ennemi commun par en haut, vous traitez par le bas ». L’ennemi commun, c’est le moustique, qui « n’a pas besoin de visa pour passer ». Et les maladies infectieuses ou la pollution de la nappe phréatique, qui ne font pas de distinction entre les gens, Palestiniens et Israéliens pour propager fièvre typhoïde, gastroentérites et choléra. « Les dégâts écologiques nous sont communs », dit le maire de Tulkarem, Mahmoud Al-Jallad. En effet, les eaux usées de Tulkarem et celles de Naplouse s’écoulent dans un affluent de la rivière Alexander qui se jette dans la Méditerranée. L’architecte israélien et l’ingénieur palestinien ont travaillé de concert pour mettre sur pied la station d’épuration qui voit le jour grâce à une aide allemande de 8 millions d’euros, négociée en secret dans un hôpital de Jérusalem-Est, lors de l’Intifada, en juillet 2003. L’architecte israélien s’est employé à nettoyer la rivière mais 70 sources de pollution ont été répertoriées entre Naplouse et Tulkarem, en Cisjordanie et produisent 5 millions de m3 d’eaux usées par an : carrières de marbre, déchets des huileries et des garages…La nappe phréatique était atteinte par les égouts.
En fait, la coopération entre les deux ennemis avait commencé depuis 1996 avec un petit barrage de retenue des eaux usées de la ligne verte (séparation entre la Cisjordanie et Israël). Pendant l’Intifada, les techniciens israéliens venaient faire de la démoustication et au cours de ces actions, l’armée israélienne s’abstenait de tirer sur les habitants palestiniens. L’argent allemand a permis de restaurer le système hydraulique de Tulkarem. Cette réhabilitation s’est faite avec de l’argent allemand, des entrepreneurs palestiniens, la logistique et la sécurité israélienne. Le tout avec l’aval de l’Autorité Palestinienne, d’après le maire de Tulkarem.
« Sans cette station, le taux de cancers serait ici l’un des plus élevés au monde », précise la maire de Tulkarem, Mahmoud Al-Jallad.
Pour réaliser cette station, les Israéliens ont fourni des permis de travail aux Palestiniens, des laissez-passer à des ouvriers de Gaza, quasi impossibles à obtenir d’ordinaire.
Commentary
Le calvaire des Palestiniens avec les eaux est bien connu et a décuplé depuis l’érection du mur de séparation (mur de la Honte ou de l’Apartheid pour certains) comme le montre un livre récent de Fred Pearce « When the rivers run dry » (Beacon Press, Boston, 2006). Le choléra est une menace constante à Gaza et dans les Territoires Occupés. Le mur a séparé les villages palestiniens de leurs sources, de leurs champs, de leurs oliveraies… Il leur interdit la réparation des conduites d’eau potable ou celles des eaux usées avec des conséquences terribles pour la santé des Palestiniens. Mais, lorsque des hommes de bonne volonté se rencontrent, lorsque, dans l’équation de la haine et de la violence, s’inscrivent des ennemis communs comme le moustique ou les microbes, l’instinct de vie prévaut. Et c’est là un autre des innombrables miracles dont l’eau est capable, l’eau à face de Janus…l’eau qui désaltère mais qui peut aussi tuer par les maladies hydriques…l’eau qui sépare et attise les conflits mais qui peut aussi unir comme ici, l’eau qui peut contraindre Mars, le dieu de la guerre, à jeter ses armes…l’eau qui peut être un catalyseur de paix… l’eau qui peut amener la paix !