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, Paris, April 2007

Partager les solutions durables

Selon des recherches américaines nouvelles, le savoir des pays en voie de développement (PVD) - et tout spécialement les connaissances et les pratiques concernant l’eau - doit être incorporé dans les discussions globales sur le développement durable.

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Ref.: -1. James R. Mihelcic, Julie B. Zimmerman et Anu Ramaswami {« Integrating developed and developing world knowledge into global discussions and strategies for sustainability »} Environmental Science & Technology, 4 avril 2007, American Chemical Society, Washington, D.C., USA., -2. {« Imaginaires de l’eau, imaginaire du monde. Dix regards sur l’eau et sa symbolique dans les sociétés humaines ».} Préface de Larbi Bouguerra, Editions La Dispute, Paris, Mars 2007., -3. {« Dying wisdom »,} edited by Anil Agarwal & Sunita Narain, CSE, New Delhi, 1996.

L’attention de plus en plus importante accordée au changement climatique de la planète et à la diminution des ressources ont fait de la question de la durabilité un problème majeur pour tous les Terriens. James Mihelcic, de l’Université technologique du Michigan et ses collègues, présentent un large éventail d’idées et d’outils provenant des PVD qui se sont révélés efficaces et utiles dans la réalisation d’un mode de vie durable. S’appuyant sur des études de cas spécifiques, ces auteurs affirment que le savoir indigène doit être inclus dans les discussions globales sur la durabilité.

« Les PVD ont une longue histoire d’innovations pratiques et d’applications réussies des systèmes de connaissances et de savoirs indigènes. » écrivent ces chercheurs. Pourtant, le flux d’informations entre ces deux parties disparates du monde est presque toujours unidirectionnel. « Il y a un transfert de connaissances fort important du monde développé vers les pays en voie de développement » affirme Anu Ramaswami de l’Université du Colorado à Denver et du Health Sciences Center aux Etats Unis.

Les gens n’ont guère connaissance, à cause de l’insuffisance de la documentation, des solutions en provenance des parties du monde les plus pauvres et les moins avancées sur le plan technologique. Ces solutions « très durables », après analyse et amélioration, peuvent parfaitement être adoptées avec succès dans les pays développés souligne Ramaswami.

Mihelcic, Ramaswami et Julie Zimmerman, de l’Université Yale ont étudié des outils technologiques et scientifiques développés et réalisés dans les PVD.

Un exemple particulièrement intéressant est celui de la collecte de l’eau de pluie. « Plus de 40 pays font actuellement face à une pénurie d’eau et près du tiers de l’humanité habite des pays qui souffrent d’un stress hydrique modéré à élevé » affirment nos auteurs. Dans ces conditions, une gestion améliorée de l’eau est cruciale. Pour l’UNEP, la collecte d’eau de pluie- en usage dans de nombreuses îles et de communautés à travers le globe- est une des meilleures alternatives pour l’obtention d’eau potable pour faire face à la pénurie de la précieuse ressource.

Les auteurs donnent l’exemple du district d’Alwar dans l’Etat indien désertique du Rajasthan où cette technique est utilisée pour faire monter le niveau des eaux souterraines de six mètres et pour augmenter de 33% la couverture forestière. Or, la fourniture d’eau aux zones urbaines à travers les transferts d’eau entre bassins nécessite une infrastructure appropriée importante et de l’énergie. La collecte d’eau de pluie peut alors s’avérer critique pour un développement urbain durable.

Les chercheurs donnent d’autres techniques efficaces telles le chauffage ou le refroidissement thermique utilisant l’eau comme vecteur.

L’exemple des programmes de prêts communautaires de la Grameen Bank de Muhammad Yunus (Prix Nobel de la Paix 2006) est bien connu pour ses succès et pour le développement économique et social atteint au Bangladesh. Moins connues cependant sont les pratiques de partage communal vieilles de plusieurs siècles qui ont cours dans l’île de Bali en Indonésie et qui permettent de survivre face à des ressources insuffisantes. A Bali, l’eau douce est en quantité insuffisante. Elle circule à travers les rizières grâce à un réseau d’irrigation formé de canaux naturels ou construits de main d’homme. Ce réseau est contrôlé par de petits temples d’eau dans les fermes individuelles au moyen d’associations locales appelées « subak ».

Un partage communal de la ressource nécessite que les cultivateurs échelonnent leurs récoltes afin que les rizières tant en amont qu’en aval reçoivent assez d’eau et que celles qui sont très proches reçoivent l’eau en même temps. Ces façons de faire ont un intérêt supplémentaire : elles réduisent les atteintes des nuisibles car les rizières qui ont les mêmes périodes de récoltes et de jachères empêchent les prédateurs du riz d’avoir des habitats naturels. Pour mettre au point le calendrier des fournitures d’eau, des réunions régulières sont organisées dans les rizières, les subak et au niveau inter-subak. Ce système traditionnel a reçu l’appui des autorités de Bali suite à l’énorme échec des années 1970 et 1980 qui a vu l’explosion des prédateurs et l’inefficacité des conduites individuelles dans l’usage de l’eau.

On trouve aussi de telles techniques de partage chez les bergers mongols et bien d’autres communautés en Afrique et en Asie.

Pour beaucoup d’experts américains, ces idées et ces techniques pourraient être d’un grand secours, pour parvenir à la durabilité, aux Etats Unis mêmes.

Commentary

Cette étude répare une flagrante injustice qui veut que les PVD n’ont rien à apprendre aux riches sur le plan du savoir et de la technologie. Déjà, dans les années 1990, les travaux du regretté Anil Agarwal du Centre for Science and Environment de Delhi en Inde, ont popularisé les techniques de collecte d’eau de pluie. Au Maghreb, il y a cinquante ans, toute maison un peu cossue, avait sa propre citerne d’eau de pluie.

Mais la colonisation, pour se justifier, affirmait qu’elle apportait « progrès et civilisation » à des populations arriérées. Elle a du coup, jeté l’opprobre sur bien des techniques traditionnelles vite cataloguées comme « arriérées ».

A l’indépendance, nourries par les idées des anciens colons et élevées dans leurs écoles, les élites nationales, ont dédaigné les savoir-faire indigènes et, gagnées par la publicité et les « magnifiques » résultats de l’agriculture productiviste- nécessitant engrais, pesticides et carburants- ces mêmes élites ont refait, chez elles, les lourdes erreurs commises ailleurs. Les paysans ont été marginalisés et se sont installés dans les bidonvilles en périphérie des grands centres urbains. La mémoire de beaucoup de techniques est alors partie en fumée.

Ainsi, au Maghreb, les techniques traditionnelles de gestion de l’eau en milieu saharien ou subsaharien ont été méprisées lors des indépendances. On commence à en percevoir les bienfaits et à les remettre en usage. Mais que de temps perdu et de drames !

Il est clair que les techniques traditionnelles de gestion de l’eau sont de nature à permettre de réaliser le développement durable même chez les nantis. De plus, elles assurent la paix dans le monde et permettent d’éviter les conflits autour de l’eau et d’autres ressources.