Larbi Bouguerra, Paris, septembre 2006
La coopération transfrontière entre les communautés permettrait de réhabiliter la vallée du Jourdain
Une initiative des Amis de la Terre Moyen-Orient : « La bonne eau fait les bons voisins » et une rencontre organisée par Woodrow Wilson International Center for Scholars à Washington D.C.(Etats Unis)
Réf. : - Site du FoEME pour la présentation de « La bonne eau fait les bons voisins » visité le 03/07/2002, - Présentation de la rencontre du 08 mai 2006, de la vidéo du dialogue fait par Alison Williams du Woodrow Wilson Center for Scholars à Washington D.C. (Etats Unis) (www.wilsoncenter.org).
Langues : anglais
Type de document :
« La bonne eau fait les bons voisins » est un projet lancé en 2001 par les Amis de la Terre Moyen-Orient (FoEME en anglais). La visée principale de cette initiative est de faire prendre conscience aux Palestiniens, aux Israéliens et aux Jordaniens de l’importance de la question de l’eau et de son impact sur les relations de voisinage. Le travail portant sur l’eau et les problématiques environnementales sera fondé sur un « Programme de Partenariat des Communautés » - c’est-à-dire un programme de travail coopératif entre communautés voisines vivant de part et d’autre de « la ligne verte » qui fait office de frontière. Le travail mutuel vise les buts suivants :
-
Mettre l’accent sur les efforts pour soulager immédiatement la détresse et les souffrances des membres des communautés qui souffrent du manque d’eau ;
-
Encourager les gens à économiser, à réutiliser et à utiliser de façon durable la ressource ;
-
Instaurer le traitement des eaux usées.
Comme l’eau ne respecte pas les frontières politiques et que les ressources hydrauliques sont communes, la gestion durable de la ressource doit s’inscrire dans une perspective régionale comme elle doit se plier à une équité absolue entre toutes les communautés et tous les peuples. Les conditions essentielles pour l’établissement des relations de bon voisinage, bénéfiques pour tous les peuples de la région sont :
-
Etudier et mieux comprendre les ressources en eau de la région ;
-
S’efforcer de parvenir au développement durable ;
-
Répartir équitablement l’allocation en eau de chacun.
En Israël, en Palestine et en Jordanie, l’eau potable et les ressources en général sont rares, fragiles et souffrent, en général, de l’absence de politiques de gestion durable. A cet égard, le plus flagrant et le plus fondamental des problèmes est que, dans certaines zones, alors que l’eau potable fait défaut aux Palestiniens et aux Jordaniens, Israël jouit d’une fourniture régulière d’eau et celle-ci coule librement dans ses robinets. Etant donné la proximité physique des communautés voisines palestinienne, israélienne et jordanienne, cette situation n’est pas faite pour éliminer les sentiments de colère et de frustration. La pollution de l’eau est un obstacle supplémentaire aux bonnes relations entre ces trois communautés. Un traitement insuffisant des eaux usées – voire l’absence de tout traitement - dans certaines villes - qu’elles soient en Palestine, en Israël ou en Jordanie - provoque une nuisance environnementale certaine et une source de dégradation transfrontière des ressources communes. Comme déjà dit, le but clef de l’initiative « la bonne eau fait les bons voisins » est d’agir en en augmentant la prise de conscience des habitants de la région quant à la problématique eau. Outre les ressources environnementales, le projet vise :
-
A favoriser l’échange d’informations entre les gens sur l’eau ;
-
A dialoguer et coopérer pour sa protection et ;
-
A faire entrer dans les mœurs son usage durable et équitable en Jordanie, Palestine et Israël.
Le lundi 08 mai 2006, le « Woodrow Wilson Internatioal Center for Scholars » de Washington a organisé une rencontre regroupant le maire palestinien de Jéricho, deux maires de deux villes jordaniennes et deux maires israéliens ainsi que le Président de FoEME, le directeur de FoEME-Israël et son homologue palestinien pour discuter de l’initiative « La bonne eau fait les bons voisins » et de la réhabilitation de la vallée du Jourdain en faisant appel à la coopération transfrontière entre communautés.
L’initiative a permis de mettre sur pied un projet de « parc de la paix » qui a été matérialisé symboliquement par le saut dans le Jourdain (Big Jump en anglais) de personnalités des trois pays se tenant par la main et pour promouvoir la réhabilitation du fleuve. Pourquoi ce parc ? « Pour donner aux gens un endroit où se rencontrer et discuter des problèmes communs et notamment de l’eau » sans formalités ni passeport, dit un maire israélien qui ajoute : « Nous devons être capables de redonner vie, physiquement, au fleuve mais nous devons le faire dans une atmosphère et un endroit propices qui permettent de construire des ponts entre nous. »
Au cours du meeting de Washington, on a aussi discuté du projet de liaison Mer Morte - Mer Rouge, projet controversé car devant induire des changements dans la composition unique, si particulière de la Mer Morte. Le Président de FoEME suggère plutôt aux gouvernements de regarder au-delà de ce projet de connexion des deux mers : il pense qu’il faut plutôt s’interroger sur les pratiques agricoles dans le bassin du Jourdain, encourager des utilisations plus économes en eau et précise : « Nous ne sommes pas contre l’agriculture. Mais il faut atteindre un équilibre et diversifier les économies dans la vallée de façon que les gens puissent pratiquer encore mieux l’agriculture, mais augmenter aussi le nombre de touristes venant de plus loin que ceux qui traversent les frontières de nos trois pays. » FoEME est en faveur d’un éco-tourisme autour de la Mer Morte.
La réunion de Washington a permis de mettre en évidence le fait que si les maires ont des problèmes spécifiques uniques dans chaque municipalité, ils se sont néanmoins rencontrés pour résoudre les difficultés communes et l’un d’entre eux devait conclure : « Nous sommes ici pour dire au monde que nous avons besoin d’aide pour préserver la Mer Morte, cet endroit unique et à nul autre pareil sur terre… et que nous voulons transmettre à la prochaine génération. »
Commentaire
Cette vidéo et le texte qui l’accompagne soulignent l’importance de l’eau ainsi que la nécessité du dialogue dans la construction de la paix.
Il va de soi que le conflit israélo - arabe est un des plus complexes dans le monde contemporain et que « le parc de la paix » seul ne suffirait pas hélas ! avec toute la bonne volonté mise par les acteurs ; mais, il n’en demeure pas moins que de telles initiatives peuvent peut-être inspirer les protagonistes d’autres conflits autour de la ressource car il ne faut pas perdre de vue que plus de deux cents bassins versants dans le monde se moquent des frontières politiques dans lesquelles l’orgueil de l’homme veut vainement les insérer. Et que nos modes de vie, la consommation effrénée, l’agriculture industrielle dopée aux pesticides chimiques xénobiotiques et aux nitrates… - en un mot la pollution - constituent de graves menaces pour le liquide vital et irremplaçable qu’est l’eau. A cet égard, seule la coopération des pays riverains peut sauver la ressource et au terme ultime des négociations, des dialogues et des rencontres, la paix elle-même. Comme le font ces personnalités appartenant aux trois pays encore en conflit.
On voit aussi ici que la pollution de l’eau est, pour l’avenir, une menace sérieuse pour la paix non seulement dans cette région du monde mais ailleurs comme le prouvent les récents incidents entre la Chine et la Russie (pollution au benzène du fleuve Amour) ou entre l’Argentine et l’Uruguay (construction d’une usine de pâte à papier sur un fleuve commun)…