L’art de la paix. Ouvrage de Michel Rocard. Quatrième condition pour construire une paix durable : équilibrer.
Réf. : J. Garrrisson et M. Rocard, « L’art de la paix », Ed. Atlantica, Paris, 1997.
Langues : français
Type de document :
« Équilibrer » : cette action clôt la succession d’étapes vers une paix durable.
Ce glacis, cette dernière touche au traité est à la fois déterminante et d’une grande fragilité. Rechercher l’équilibre est bien la quintessence de l’art, curieux mélange entre autorité et tolérance à la règle. Par tous les moyens, Henri IV veut faire l’unanimité entre catholiques et protestants sur l’esthétique du traité. La subtilité de l’équilibre se résume comme suit : « le texte devra parler également aux deux parties et expliquer à chacune les raisons spécifiques qu’il y avait pour elle de concéder à l’autre, tout en la rassurant sur son identité profonde et le surcroît de grandeur qu’elle peut trouver à traiter avec générosité ».
Le travail de rédaction de l’Édit est emprunt à un grand réalisme néanmoins soutenu par la rigueur.
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Premièrement, l’effort de rigueur d’Henri IV se résume dans la volonté de hiérarchisation des normes, qu’il traite différemment à chaque étape.
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La deuxième qualité de l’équilibre est la nécessité du pragmatisme, faisant souvent sentir des contradictions entre des détails et des normes supérieures, pourtant habilitées à régler ces mêmes détails. Il est alors démontré qu’Henri IV a su segmenter le conflit en plusieurs problèmes, d’importances différentes, les classifier pour les traiter de manière adaptée. Les objectifs étant de réunifier le royaume, de rassurer les parties sans qu’elles perdent la face et enfin de préserver les intérêts de chacune d’elles.
Notons qu’Henri IV établit une distinction entre affaires spirituelles et temporelles. C’est une démarche de modestie, car seul Dieu règne sur le monde spirituel, mais elle lui donne du poids dans les négociations, car si le Roi s’interdit librement de forcer les consciences, il est le seul maître en France. Sa première impuissance renforce en quelque sorte sa puissance sur le royaume. Ainsi, se dégage l’un des principes directeurs du traité : le retour de l’autorité royale.
Les principes ont une même signification pour les catholiques et les protestants. Les principes cadrent les articles de l’Édit et rassemblent : le Roi, les catholiques et les protestants veulent la paix. Enfin l’Édit rappelle les « intentions » qui redonnent la cohésion au royaume : l’autorité royale et la « même intention » de chacun à servir Dieu. Le royaume de France garde le titre de « très chrétien ».
Désormais, il s’agit d’affirmer les deux éléments majeurs qui vont régir l’accord, néanmoins, leurs justifications se fondent sur ces principes. La pratique de la religion catholique est géographiquement universelle et la liberté de conscience est sans restriction.
Force est de constater que « le diable est dans les détails ». Après l’équilibre des principes et des symboles vient celui des prestiges des institutions et des personnes en cause, puis celui des territoires, des positions, des forces, des hommes et enfin de l’argent.
En lien avec le règlement des détails, Henri IV, paradoxalement, insiste sur des exceptions à la règle voire sur la nécessité de contradiction. La liberté de pratique religieuse n’est pas la même pour tout le monde. Le maintien de places de sûreté est parfaitement antagonique avec l’unité réaffirmée du royaume. Ainsi Michel Rocard commente ce souci de pragmatisme du Roi Henri IV : « on ne saurait faire un bon accord si l’on prétend pousser trop loin le souci de logique ou de cohérence. Dans leur esprit, l’une et l’autre ont quelque chose de totalitaire. Les ambitions des hommes et leurs fantasmes ne sont pas rationnels. Il est prudent de ne point trop chercher de rationaliser à leur convergence ».