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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Gaël Bordet, Sénégal, Proche Orient, Paris, 2002

L’eau dans les villes d’Amérique latine, inégalités sociales et concurrences des usages : l’exemple de Puebla au Mexique, une analyse de Jean-Marc Fournier

Ce qui est présenté comme une pénurie d’eau et qui fait vivre une part importante des habitants dans des situations très contraignantes, est en réalité le résultat d’une absence de projet social fort et de la lutte d’intérêts sociaux divergents.

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Réf. : L’eau dans les villes d’Amérique latine : inégalités sociales et concurrences des usages, Jean Marc Fournier, L’Harmattan, Paris, 2001.

Langues : français

Type de document : 

Dans les villes d’Amérique latine, les stratégies d’accès à l’eau sont l’objet de nombreuses discussions, négociations et compromis. Pour comprendre les enjeux liés à la maîtrise et aux usages de l’eau, il est indispensable de situer son regard au niveau des quartiers, voire des logements. Ainsi, dans les quartiers périphériques, construits sans l’accord officiel des autorités, la création d’associations de voisinage pour l’obtention de l’eau est une nécessité – étant entendu que la qualité de cette eau laissera à désirer –, ce qui donne lieu au déploiement de stratégies très variées dans l’accès à l’eau et la défense de droits sectorisés. Stratégies d’accès au logement, et à la propriété d’une part, stratégies d’accès à l’eau et incorporation à la société urbaine d’autre part, répondent donc à une même démarche sociale.

La symbolique de la réussite sociale suit de près les canalisations d’eau, les quartiers périphériques, quoique plus fermement stigmatisés qu’avant et en appauvrissement croissant, étant désormais perçus comme un marchepied vers la reconnaissance sociale et la revalorisation d’un statut de citadin de second ordre. Et puis, il est encore préférable d’être citadin que d’être paysan. L’idée de considérer ces nouvelles formes d’habitat comme une « solution » aux dérégulations sociales, plutôt que comme un « problème », est d’ailleurs admise depuis longtemps par les autorités publiques qui n’interviennent pratiquement plus sur l’organisation et la socialisation des populations de ces quartiers. Pourtant, par le biais de la théorie de la « participation populaire », qui a émergé dans les années 90 et consiste pour les municipalités à contrôler les populations déclassées (par le jeu des subventions et le soutien technique aux projets d’aménagement des quartiers, même si le financement et la réalisation des travaux restent souvent à la charge des quartiers), les autorités publiques réinvestissent quelque peu les quartiers périphériques. Les démarches visant à installer des réseaux d’eau dans les quartiers pauvres peuvent ainsi faire l’objet de négociations et devenir par exemple un enjeu clientéliste en vue d’élections à venir. Cette politique des autorités municipales est souvent menée avec succès étant donné les luttes et les divisions internes aux quartiers périphériques, du moins le peu de liens de solidarité dans les zones de forte mixité sociale.

L’étude de Jean Marc Fournier porte notamment sur la municipalité de Puebla au Mexique, où les autorités reconnaissent officiellement les quartiers périphériques issus de l’urbanisation des ejidos (terre inaliénable, tenue par un paysan qui se trouve ainsi tenu par elle, qui ne pouvait à l’origine être incorporée dans les terrains urbains que par décret présidentiel) et y développent ainsi un service public d’eau minimum. De fait, l’urbanisation des ejidos s’est institutionnalisée dès les années 1970. Or, précise J.M. Fournier, « le retard accumulé dans les investissements d’extension des réseaux d’eau ne pouvait être résorbé sans décalage par rapport au discours de reconnaissance de ces périphéries. Ce retard existe toujours ». La municipalité sépare ainsi l’espace urbain en « ville légale » et en « ville illégale » et de cette distinction arbitraire découle l’accès aux services publics. L’analyse de ces pratiques et de ces constructions urbaines peut être, à des degrés divers et selon des subtilités variées, étendue à une grande partie des villes mexicaines et vénézuéliennes.

Officiellement, l’eau du réseau municipal de Puebla n’est pas potable. Un traitement minimum au chlore est assuré immédiatement après extraction, et malgré les contre indications des autorités, les habitants du quartier historique boivent cette eau. Cet état de fait un peu surprenant fait le bonheur de quatre entreprises qui se partagent le marché de l’eau embouteillée dont le conditionnement laisse souvent à désirer, avec des prix qui varient du simple au double.

Devant les inégalités de traitement par la municipalité dans l’accès à l’eau et les problèmes de santé qui s’ensuivent, les méthodes de protestation sont très variables et font la part belle aux femmes dont l’eau constitue la matière première du travail domestique quotidien. Il arrive fréquemment qu’elles décident de bloquer une artère de circulation importante de la ville, et vont parfois jusqu’à immobiliser les camions citernes qui distribuent l’eau extraite des forages extra-urbains, pour être ensuite embouteillée.

« Actuellement, conclut J.M. Fournier, tout le monde s’accorde à dire que le manque d’eau est l’une des difficultés auxquelles les villes en développement vont être confrontées. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas d’un manque d’eau au sens strict, mais d’une distribution inégale et d’une gestion à court terme. Ce qui est présenté comme une pénurie et qui fait vivre une part importante des habitants dans des situations très contraignantes, est en réalité le résultat d’une absence de projet social fort et d’intérêts sociaux divergents ».

Commentaire

Ce livre facile de lecture et clair, écrit par un géographe d’après enquêtes de terrain approfondies et comparées, propose des pistes et des réflexions intéressantes sur les enjeux insuffisamment analysés de l’accès inégalitaire à l’eau dans les villes composites et dans les zones périurbaines…

Je n’ai malheureusement pas pu rendre l’étendue et la complexité de cette étude, qui mêle avec un certain bonheur analyses sociologique et géographique : le constat dressé, bien argumenté, est accablant.

J’aurais juste un petit regret à formuler: la partie sociologique de l’analyse, très structuraliste, ne met peut-être pas suffisamment en relief les actions de solidarité et les liens sociaux qui se développent quartier par quartier face aux inégalités d’accès à l’eau et qui représentent non seulement un moyen de pression politique, mais également un mode d’organisation alternatif souvent efficace.