Audrey Morot, Grenoble, France, février 2006
Esta, no es mi tierra, réalisé par le Centre de Recherche et d’Education Populaire (CINEP) et le Diocèse de Apartado
Immersion dans un camps de déplacés dans le Bas Atrato.
Langues : espagnol
Type de document :
En ouverture du documentaire, des images de guerre implacables, l’armée colombienne bombarde le nord de l’Uraba lors de l’opération Génesis. Cette action militaire, officiellement dirigée contre les FARC, contraint les habitants de la zone à fuir et à abandonner leurs terres et leurs biens. Nous sommes début 1997.
Le Père Léonidas Mereno explique que le problème du déplacement est lié au déploiement du paramilitarisme et que la stratégie utilisée consiste à forcer les paysans à abandonner leurs terres et leurs fermes.
L’exode de la guerre induit de multiples conséquences préjudiciables pour les déplacés regroupés dans les camps à Pavarando à l’Est du Bas Atrato. Au premier plan, la question des ressources alimentaires, les produits de première nécessité sont perdus et l’autonomie alimentaire disparaît, laissant place à une forme d’assistanat subi.
Si la perte matérielle est difficile à surmonter, l’impact psychologique est d’autant plus douloureux. La cruauté d’une guerre et le semblant de choix entre la fuite ou la mort laisse de profondes séquelles et un sentiment de tristesse dominant.
Une impression d’injustice se fait sentir, les communautés sont pauvres, mais elles ont aussi des droits. La terre où elles ont échoué n’est pas leur terre : d’où le titre du documentaire. Elles appartiennent à leurs terres d’origine, leurs terres de travail. Leur appartenance, leur identité, sont inscrites au plus profond de leurs âmes et de leurs esprits, en témoigne la joie distillée par la musique qu’elles répandent.
Une joie mise à mal par des conditions de vie précaires, les familles sont entassées et l’intimité rendue impossible. Un environnement qui ravive ce sentiment de peine et d’abandon, le souvenir de ce qu’on laisse. Car la vie de déplacé est cruelle, le droit à la liberté gravement altéré.
Cette peine se transforme rapidement en rage pour certains, leur permettant de trouver des valeurs pour poursuivre et aimer. Les armes des paysans ne sont pas celles des guérilleros. Le gouvernement ne les a pas aidés, si ce n’est qu’à fuir. La seule défense qu’il leur reste, c’est la foi.
De leur côté, les femmes déplorent la situation d’assistance alimentaire dans laquelle elles se trouvent, alors que dans les communautés, elles produisaient ce qu’elles mangeaient. Conscientes d’avoir les mêmes droits que les hommes, elles s’organisent et se chargent de distribuer l’aide.
L’espoir de trouver une solution est né à Pavarando, en pariant sur les chances de vivre une deuxième fois. Les déplacés ont fui la guerre mais ils sont vivants. Cette foi en la vie, ce pari pour la paix, voilà leur plus grande richesse.
La priorité pour eux, c’est de vivre en sécurité. Pour les protéger, ils comptent sur l’engagement de l’Etat et souhaite qu’il les aide à retourner sur leurs terres. Ils attendent un signe.
Leur attachement à la terre est vital, cette terre qu’ils labourent et qui produit en retour, une terre qu’ils rejoindront dans la mort. « Je suis d’où je suis né » comme le martèle une chanson.
Commentaire
Nous sommes plongés au cœur de la réalité des déplacés. Ce documentaire fait état des conditions de vie des déplacés dans un camp de réfugiés, avec ses difficultés matérielles comme psychologiques. La vie quotidienne y est abordée : l’absence d’intimité pour les couples, la répartition de l’aide, la souffrance de se sentir déraciné, arraché à sa terre natale, la peur …
La parole des déplacés, par leurs témoignages, aide à comprendre la nécessité de retourner vivre sur leurs terres, et donc la démarche d’élaboration des Communautés de Paix, créées en octobre 1997.
Notes
Documentaire de 26 mn, en espagnol sous-titré en français