Audrey Morot, Grenoble, France, février 2006
El Tapon del Darien réalisé par Alfredo Molano et Maria Constanza Ramirez
Une plongée au coeur d’une région isolée et menacée.
Langues : espagnol
Type de document :
Le sociologue et économiste Alfredo Molano et l’économiste et biologiste Maria Constanza Ramirez ont réalisé une traversée depuis Medellin jusqu’à Panama, passant par le Darien colombien-panaméen par la voie qui suit le tracé éventuel de la voie panaméricaine, puis de Panama à Cartagène dans un ferry voyageant de la ville de Colon à La Heroica. Cette dernière expérience laisse penser que le pont qui unira l’Amérique Centrale à celle du Sud pourrait être établit par la mer et non par la terre.
Le voyage débute à Apartado, au cœur de l’axe bananier de l’Uraba et de la violence. Les réalisateurs s’attachent alors à recueillir le témoignage des habitants sur les raisons de cette violence dans la région. Une archive d’octobre 1995 montre des images des déplacement de la population dans le Nord d’Uraba, expropriée par les paramilitaires, au motif d’appartenir à la guérilla.
Sur la route pour Barranquillita, les pâturages remplacent les bananiers. Sur place, éleveurs de volaille et exploitants de bois ont racheté les droits de propriété pour former d’importantes fermes.
En remontant vers le Rio Atrato, les paysans, qui ont vendu leurs terres aux riches, commencent à être expulsés pour les travaux de la voie panaméricaine. Le Bas Atrato était une région riche et marécageuse, mais elle s’est asséchée à cause de l’exploitation de bois et de la culture de pasto.
Le Parc National « Los Katios » reste le seul endroit de jungle préservé de cette région. Couvrant une superficie de 72 000 hectares, il partage une partie de son territoire avec le Parc National Darien (Panama). Or, cet écosystème particulièrement fragile, est menacé au nord par l’élevage de volaille intensif et par le tracé de la voie panaméricaine, et au sud par l’avancée de la colonisation et de l’exploitation de bois.
Après Sautata, se trouve une réserve indigène. Un paysan interrogé voit la voie panaméricaine d’un bon œil, sans voie de communication viable, il est difficile de transporter des denrées alimentaires et ils sont coupés du monde.
Après avoir remonté le fleuve Cacarica, un des multiples affluents de l’Atrato, douze heures de navigation et de marche à travers les marécages et la jungle, on atteint le dernier village avant la frontière panaméenne, Bijao. La terre est fertile mais le maïs pourrit lorsque les producteurs tentent de le transporter par voie fluviale. Alors, à défaut, ils extraient les arbres des cours d’eau pour les vendre.
A proximité de Panama, la jungle est de plus en plus dense, une zone idéale pour l’exploitation de caoutchouc et de bois fin. D’ailleurs des coupeurs de bois sont à la tache.
Un muret symbolise la frontière entre les deux pays, à travers laquelle transite les communautés indigènes Cunas vivant à côté de la frontière mais aussi les contrebandiers d’armes et de drogue.
Depuis le poste douanier de Paya, nous nous rendons à Panama la capitale, puis à Cartagène.
Nous traversons ainsi Boca de Cupe où la majorité de la population est colombienne, ainsi que le Parc National Darien, qui abrite des communautés indigènes. Pour faciliter la communication entre Colon, Uraba et Cartagena, s’est posée l’alternative du ferry, comme solution au report de la construction de la Route du Darien, axe essentiel de la voie panaméricaine.
Pour ou contre l’ouverture du Tapon del Darien ? Les avis divergent, certains brandissent le spectre de la dévastation alors que d’autres aimeraient croire à ce décloisonnement, afin que le Nord de l’Amérique latine puisse regarder vers le Sud.
Commentaire
Cette traversée du Tapon del Darien tient donc du défi et les images rendent bien compte du caractère isolé de cette région. Alfredo Molano, en guide averti, s’attache à interroger les différents habitants qu’ils croisent pour recueillir leurs points de vue sur la construction d’une voie panaméricaine et soulève ainsi de nombreuses craintes et incertitudes à ce sujet. On peut lui reprocher néanmoins le caractère répétitif de son argumentation, bien que pertinente, selon laquelle les riches conduisent les pauvres à se déplacer et par voie de conséquence, mettent en péril l’écosystème du Darien colombien et panaméen.
Ce documentaire laisse transparaître une dure réalité: le Darien est condamné à disparaître, indépendamment de la construction d’une route panaméricaine ou d’un canal interocéanique. En effet, les intérêts économiques et politiques et les prérogatives de survie, conduisent les habitants à exploiter de manière inconsidérée ce coin oublié du monde.
Notes
Documentaire de 120 minutes